Vivez la rentrée des patrons de l'intérieur

L'Université d'été du Medef ouvre ses portes ce mercredi. Comment ces 6.000 patrons envisagent l'avenir ? Quelles sont leurs solutions ? Suivez tout au long des journées les analyses les plus remarquables... et les petites phrases les plus remarquées.
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L'Université d'été du Medef ouvre ses portes aujourd'hui pour trois jours sur le campus d'HEC à Jouy-en-Josas. Quelque 6.000 patrons de France et de Navarre sont attendus d'ici vendredi. Que pensent-ils de ces nouveaux temps de crise, après un été meurtrier sur les marchés financiers ? Craignent-ils une nouvelle récession ? Qu'attendent-ils de la campagne présidentielle à venir ? En amont du sommet du G20 de novembre à Cannes, le business s'organise et veut faire de ce temps de débats un temps de propositions. Consulter le programme de cet événement.

Suivez tout au long des journées avec nos blogueurs sur place les petites phrases et les coulisses de ces trois journées, comme si vous y étiez en suivant notre compte twitter

Retrouvez ci-dessous les temps forts des journées

Vendredi 2 septembre


L?égalité des chances en France

La France est-elle vraiment malade ? A force d?entendre dire que la France va mal, quelques voix, parmi celles des dirigeants de grandes entreprises invités par le Medef, s'élèvent contre le pessimisme ambiant.

Pessimisme qui relève d?une tradition française bien ancrée dans les consciences, regrette Raymond Soubie, président du groupe AEF. « En France, nous considérons que l?argent et le profit sont impurs. Pour les Français, l?âge d?or est derrière eux, ils ont envie de revenir en arrière. » Loin de partager cette idée passéiste, Raymond Soubie s?est montré très optimiste et a souligné le potentiel de la France, incarné selon lui par la croissance exponentielle de sa population active et par sa capacité à mener des réformes difficiles, dont celle des retraites, qui « n?a pas été amputée ».

Cependant, en dépit de son potentiel, la France a encore du mal à s?émanciper d?un « système social qui favorise la génération installée », regrette l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. Second problème selon lui : « l?imprévisibilité du droit du travail qui repose en grande partie sur la jurisprudence ». Enfin, il pointe du doigt un problème de formation chez les jeunes, et notamment les enfants : 20% d?entre eux sortent des écoles primaires sans avoir acquis les enseignements fondamentaux.

On ne peut plus positive, Clara Gaymard, présidente de General Electric France, s?est jointe à Raymond Soubie pour affirmer que la France est «hypocondriaque ». Augustin de Romanet de Beaune, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations va plus loin en affirmant que « nous n?avons aucun problème de croissance », puisque « la croissance mondiale va tripler d?ici 2030 ».

La journaliste allemande Michaela Wiegel du Frankfurter Allgemeine Zeitung souligne d?ailleurs que « la France ne sait pas quoi faire de ses jeunes », qui n?ont pas de culture d?entreprise ? contrairement aux jeunes allemands, très tôt confrontés à ce monde, notamment par l?alternance, largement pratiquée outre-Rhin. A ce propos, Jean-Louis Borloo a dénoncé la « dichotomie entre l?aristocratie des diplômes et l?alternance ». Selon le président du parti radical,     « la France de la Sorbonne a décroché ».

Ce qui est plus grave pour Jean-Claude Karpelès, le vice-président Chambre de commerce des Hauts-de-Seine, ce sont les réticences à l?économie de marché en France, notamment dans les manuels scolaires qui forment les jeunes générations. Dia El Yaacoubi, PDG de l?équipementier Streamcore, pointe d?ailleurs du doigt le fait qu?aucune société française n?est pas présente dans le palmarès des 50 premières entreprises innovantes au monde.

Clôture des universités du Medef 2011

Pour la plénière de clôture des universités du Medef 2011, Laurence Parisot a réuni un vaste panel de personnalités, de l?associé gérant de la Banque Rothschild, David de Rothschild au moine bouddhiste Matthieu Ricard. Le président de la société générale, Frédéric Oudéa a aussi été convié. « Ces invités montrent à quel point nous pouvons être fiers de nos banques françaises », lance Laurence Parisot comme pour éteindre définitivement la polémique lancée par Christine Lagarde sur la recapitalisation des établissements financiers dans la zone euro.

« On n?est pas généreux pour être reconnu mais bien parce que cela nous donne des satisfactions », répond David de Rothschild au thème de la séance de clôture « dialectique du leadership et générosité ».

Suite à l?intervention de François Pienaar, premier capitaine de l?équipe de rugby d?Afrique du Sud, qui a fait revivre à la salle les championnats du monde de 1995, Laurence Parisot interpelle Frédéric Oudéa, président directeur général de la Société Générale. « Le rugby c?est du solide, la Société Générale sponsorise le rugby donc tout va bien ? » Dans le monde dans lequel on est, la société générale est solide mais reste victime de rumeurs infondées rassure Frédéric Oudéa.

Les universités du Medef se clôturent sur un message optimiste pour les banques françaises.

Jeudi 1er septembre

Halte aux extrêmes !

Les extrêmes sont plus souvent au c?ur de notre société et pas seulement à la marge de celle-ci, annonce Roselyne Bachelot en guise d?introduction au débat intitulé « Halte aux extrêmes » qui se tenait aux universités du Medef jeudi après midi. La montée des populismes en Europe et les mouvances terroristes inquiètent.

Certains évoquent la responsabilité du politique dans la montée des populismes en Europe. « Le discours politique n?apporte pas de réponse à ce qui s?est passé cet été », assène Anne Lauvergeon, présidente du conseil de surveillance de « Libération ». Ici s?immisce le risque d?une virée vers les extrêmes. D?autres fustigent plutôt les médias pour leurs simplifications excessives. « L?information généraliste telle qu?elle est donnée est destructrice » avance Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. La « polyvalence des journalistes exigée par les difficultés de la presse écrite » énoncée par la ministre, nuit à la qualité de l?information. Plus généralement, le populisme en Europe profiterait d?une Union Européenne encore fragile, comme le précise Dominique Reynié, directeur général de la fondation pour l?innovation politique qui appelle à « bâtir une puissance publique européenne » pour faire rempart contre les tendances populistes.

« Il y a une vingtaine de partis politiques populistes en Europe », rappelle Dominique Reynié, que ce soit l?UDC en Suisse, le Front National en France ou le parti du progrès en Norvège. Au-delà des organisations populistes, « il existe des loups solitaires qui se radicalisent tout seul grâce à Internet » précise Jean Pierre Filiu, historien et spécialiste de l?islam moderne. La surprise générale lors de la découverte de l?horreur des meurtres commis par Anders Behring Breivik en Norvège a permit de prendre conscience que la radicalisation n?était pas seulement le fait d?Al Qaïda, a précisé Jean Pierre Filiu historien.

Au sein de l?entreprise, le risque des tendances extrêmes existe aussi. Certes, « l?entreprise ne fait pas de politique et n?a pas de religion », mais « au sein de l?entreprise la tentation de l?extrême existe », explique Anne Lauvergeon. « Une centrale nucléaire va durer 60 ans si certains pays ont les moyens financiers, ils n?ont pas toujours les moyens de gouvernance » précise l?ancienne patronne d?Areva, sans oublier de rappeler qu?elle n?a pas engagé de chantier en Libye.

Le pacte social au programme du B20

« Je suis intimement convaincu qu?au terme du G20 nous aurons obtenu un certain nombre d?avancées dans le domaine social » car « c?est un acteur légitime pour donner les impulsions nécessaires », a déclaré Xavier Bertrand. Pour cela, le ministre du Travail, de l?Emploi, des Affaires sociales et de l?Inclusion estime que le rôle des entreprises est indispensable, puisque « ce sont les entrepreneurs qui créent les emplois et personne d?autre ».

Tandis que Bernadette Ségol, la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, s'est prononcée en faveur de la promotion du modèle social français dans l?Europe et dans le monde, Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d?assurances, se montre plus nuancé. « On ne va pas régler les problèmes du monde avec le spectre français L?économie réelle a besoin de s?appuyer sur des règles partagées mondialement ». Selon lui, le B20 en est l?occasion, le terme crisis signifiant également « moment de décision ».

Décider mais aussi réformer. Xavier Bertrand est revenu sur la réforme des retraites -qu?il juge nécessaire pour que la « France reste en première division »-, rappelant que le pays s?est justement endetté pour maintenir son système social. Quant à l?aboutissement d?un accord global, le ministre reconnaît que « chaque pays est conscient de la nécessité de faire évoluer son modèle social, mais [que] chacun veut faire à sa façon et à son rythme ».

Bernard Spitz a lui aussi souligné l?importance d?un accord global, en rappelant qu? « une mauvaise régulation est pire qu?une absence de régulation ». Un avis partagé par la première adjointe au Maire de Paris, Anne Hidalgo. Selon elle, les solutions doivent être envisagées à l?échelle internationale en replaçant « l?économie et le politique devant la finance ». Xavier Bertand a conclu la conférence en insistant sur l?idée que le nouveau modèle social passe forcément par des choix difficiles et par des réformes.

Les recompositions géopolitiques

« La mondialisation, c?est accepter l?idée que la France n?est pas seule dans le monde ». Prononcé avec fermeté par le ministre de la Défense, Gérard Longuet, ce constat a largement dominé la conférence, qui portait sur les récents bouleversements géopolitiques intervenus dans le monde, et notamment le printemps arabe.

Comme l?a souligné le politologue et spécialiste du monde arabe Gilles Kepel, « cela fait dix ans que le 11 septembre a eu lieu. On essaie de tourner la page Ben Laden, qui a complètement changé notre vision du monde ». D?autres bouleversements majeurs sont déjà apparus avec les révolutions arabes et la toute récente chute de Kadhafi. Selon lui, la question est désormais de savoir si nous sommes capables d?anticiper les changements qui vont avoir lieu.

Pour cela, il faut d?abord en comprendre les rouages, avance Pascal Boniface, géopolitologue. « Le printemps arabe montre qu?à l?heure de la mondialisation, il y a une opinion publique dans tous les pays. Celle-ci devient un facteur déterminant dans les relations internationales », explique-t-il.
« Le monde occidental a perdu le monopole de la puissance, en raison de l?émergence d?une soixantaine d?autres pays », constate-t-il. Par exemple, « en Tunisie, le nombre de partis explosent, il y en a 105 ! », s?exclame Monia Essaïdi, directrice générale de Socotex en Tunisie.

Cet élément est révélateur, pour les acteurs du printemps arabe, d?une aspiration à une démocratie accompagnée de la mise en place d?un « Etat intègre », analyse l?avocat William Bourdon. Une opinion partagée par Pierre Moscovici, député du Doubs, qui assure qu? « il faut faire confiance à ces jeunes pour un développement partagé ».

C?est également l?idée qu?a défendue Monia Essaïdi, en plaidant pour des « vrais partenariats et non des partenariats de discours » avec la Tunisie, qui souhaite garder le contrôle de son avenir. « La révolution tunisienne a suscité l?admiration du monde. Nous l?avons faite seuls, aujourd?hui nous avons le défi de la réussir seuls ».

Gérard Longuet l?admet, « il est fini le temps où la France décidait du bien et du mal. On n?est plus seul contre tous. » Une manière également de justifier l?absence d?intervention militaire en Syrie ou au Bahreïn. « La France construit ses interventions extérieures en fonction du Conseil de sécurité des Nations-Unies, dont elle est membre ». Le ministre de la Défense a d?ailleurs appelé les entrepreneurs à s?intéresser aux industries de l?armement, dont la légitimité est selon lui très insuffisante.

Il faut se mettre dans l'état d'esprit que le monde va continuer d'être instable

Les catastrophes climatiques, les crises économiques et les révolutions politiques sont autant de phénomènes qui se multiplient. « L?année dernière on a eu deux tempêtes qui ne devraient se produire qu?une fois par siècle en France et le nombre de catastrophes naturelles va doubler dans les 20 à 30 prochaines années » a annoncé Claude Tendil, président du Groupe Generali France. Mais heureusement la fin du monde n?est pas imminente, puisque la terre sera habitable pendant encore trois milliards d?années, comme l?a prophétisé André Brahic, astrophysicien.

Si l?on ne peut que se contenter d?anticiper les catastrophes climatiques, on tache de réformer le système financier pour réduire l?occurrence des crises. Et sur ce point, l?Etat semble réaffirmer son rôle de régulateur. « Avec la mondialisation on avait annoncé l?impuissance du politique je constate au contraire un renforcement du rôle des Etats dans la crise » a précisé Valérie Pécresse, ministre du budget. Les Etats auront à charge de trouver les moyens d?une régulation mondiale au G20 de Cannes en Novembre. «Jamais en tant de paix, il n?a été aussi important de se focaliser sur les règles du jeu, la règlementation est pour moi un sujet clef » annonce Chrisian Dargnat, directeur général de BNP Paribas Asset Management. L?onde de choc qui a déstabilisé les marchés cet été a confirmé la fragilité de la confiance dans les marchés. La coopération internationale semble être le maître mot pour gérer des catastrophes globales qui se diffusent à une vitesse toujours accrue à travers le monde. Que ce soit pour règlementer les marchés financiers ou pour mieux gérer le danger nucléaire, la coopération est de mise. « Des initiatives vont être prises pour que peu à peu plus de coopération internationale soit mise en place dans le nucléaire », a annoncé le tout nouveau président du directoire d?Areva Luc Oursel.

« Nous sommes dans un monde instable et ça va continuer, il faut se mettre dans cet état d?esprit », avance Christian Dargnat qui conclut toutefois sur une note d?optimisme, « Cela veut aussi dire de nouvelles opportunités de marché ».

Mercredi 31 août

Que j'aime ta couleur G20...

Que j'aime ta couleur B20, c'est sur cette référence à Gainsbourg que Jacques Attali, Hubert Védrine, Laurent Fabius, Louis Gallois, Pascal Lamy, François Baroin ou Michel Pebereau se sont retrouvés dans la tente plénière mercredi soir, pour tenter de dessiner ce que l'on peut attendre de l'initiative du Medef de réunir les entreprises des vingt pays les plus riches en amont du G20 de Cannes en novembre.

Sans surprise, le débat a vite tourné autour de la mondialisation et les orateurs prestigieux réunis pour cette première journée de l'université d'été n'ont pas caché leur inquiétude. Petit florilège des choses vues et entendues.

Revenant sur la crise de la zone euro, Jacques Attali a estimé que " à la moindre étincelle le systeme peut exploser. Nous sommes au bord d'une crise extrêmement grave et le G 20, instance informelle, pas plus que le B20 ne sont la bonne réponse". Selon lui, il faut avoir " le courage de mettre en place des institutions internationales efficaces, notamment au sein du FMI". Sinon, "le G20 ou le B 20, c'est du bavardage".

La question, c'est le rejet de la mondialisation par les opinions publiques occidentales. Selon Louis Gallois, "si nous ne sommes pas capable de mettre en place des régulations efficaces, " je crains que les forces qui poussent à la demondialisation l'emporte". Selon lui, il faut remettre d'urgence la finance au service de l'économie réelle avec des réponses concrètes pour les entreprises : egalité de traitement, réciprocité et transparence, système monétaire international stabilisé, etc... "Attention, les opinions publiques doutent de notre capacité a rester des lieux de production"

Inquiétude partagée par Laurent Fabius : "Ce qui a changé avec la crise, c'est que les populations croient encore moins à la politique qu'avant". Mais, le G20 est une institution "utile selon l'ancien premier ministre. Le B20 aussi car cela montre qu'il y a une demande de régulation de la part des grandes entreprises. Mais les résultats sont assez minces", souligne-t-il.
Pour Hubert Védrine, " les entreprises ne peuvent pas se substituer au gouvernements. Le B20 peut contribuer au G 20 mais les entreprises sont souvent nationalistes, surtout dans les pays émergents". Les multinationales occidentales sont pour plus favorables à des règles du jeu mondial car elles ont intérêt a la réciprocité, au fair trade. L'ancien ministre des affaires Etrangères de Francois Mitterrand voit se dérouler une crise de convulsion de l'Occident face a la mondialisation. Mais " il y a des mondialisateurs et des mondialisés" rappelle-t-il.

Pour lui, il faut être pragmatique, et ne pas tout attendre du G20. Et sur le plan institutionnel, garder le G8, car les émergents sont en train de s'organiser ". Dans les pays développés, toutes les opinions sont opposées à la mondialisation, même aux Etats-unis. "pour retourner cette tendance, il faut présenter des résultats impressionnants, c'est à dire des régulations", car les élites favorables à la mondialisation " ne sont plus écoutées, ni par les classes populaires, ni par les classes moyennes".

Le problème avec le G20, " c'est que cela prend 20 ans" a lancé Angel Gurria, secretaire general de l'OCDE ! Tout en défendant les acquis des sommets réunis jusqu'ici, avec la lutte contre les paradis fiscaux et la corruption...

"La demondialisation est une thèse erronée et dangereuse" prévient Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, seule institution vraiment globale de régulation economique... " La Mondialisation est une étape de la globalisation dont le vrai moteur sont les technologies. Démondialiser est une mauvaise réponse à une vraie question. Le monde est dans une phase schumpeterienne qui bouleverse à très grande vitesse les tissus économiques et sociaux, chair des sociétés. Mais il y a un ressenti social de douleur dans les pays développés qui se sentent perdants de la mondialisation là où les pays émergents se sentent gagnants".

Conclusion de Laurent Fabius, avec une citation d'Einstein : "on ne peut pas résoudre un problème avec les modes de pensée qui les ont engendrés". Un appel à notre imagination, résume-t-il...

La faim dans le monde, une mission pour les entreprises ?

Pour Pierre Bellon, président de Sodexo, la cause humanitaire est aussi un défi pour les entreprises. En 2003, Sodexo a formalisé sa stratégie de développement durable en définissant formellement 14 priorités. L?entreprise alimentaire s?engage notamment à améliorer la nutrition, à apporter son soutien aux communautés locales, à réduire le gaspillage alimentaire et à protéger l?environnement.

Pierre Bellon reconnaît que la faim est un risque mondial qui « fait plus de victimes que le sida, la tuberculose et la malaria réunis ». « Pourtant il y a assez de nourriture pour que tout le monde mène une vie saine et productive ». Il dénonce ainsi le gaspillage des pays riches et le « sacro - mais pas sain principe de précaution qui est le comble de l?irresponsabilité politique ».

Mais, pour Guillaume Bapst, directeur d?A.N.D.E.S, réseau des Epiceries solidaires, la faim est un « marché » trop souvent oublié. Il s?adresse directement aux patrons dans l?assistance : « Je ne vous comprends pas ! Il est urgent que les entreprises réfléchissent à ces 20% de pauvres en France qui sont aussi des consommateurs ». Il suffit d?imaginer des solutions innovantes, à l?instar des AMAP (Associations pour le maintien d?une agriculture paysanne) qui permettent de développer une agriculture locale biologique et de nourrir les personnes en difficulté. « C?est aux entrepreneurs de se mettre à l?ouvrage » afin de réconcilier intérêt économique et lien social.

Pour Serge Villepelet non plus efficacité économique et marché solidaire ne sont pas incompatibles. Et si les entreprises s?engagent de plus en plus pour le développement durable, le manque de règles communes à échelle mondiale est un réel obstacle à leurs actions. Le président de PricewaterhouseCoopers explique que dans un contexte de mondialisation où la concurrence est extrêmement forte, une gouvernance mondiale est nécessaire, notamment dans le domaine environnemental et social. Pour lui, « c?est au tour des politiques de s?engager à mener des négociations internationales afin de mettre au point des règles claires du business mondial ». Il ne manque pas de faire allusion à l?absence du ministre de l?Agriculture et de l?Alimentation à cette table ronde pour illustrer le manque d?engagement des politiques.

Pour Jean-Pierre Clamadieu, PDG de Rhodia, les acteurs associatifs et les entreprises partagent certaines valeurs et se sentent concernés par des défis communs. Il répond à l?appel de Guillaume Bapst : « les patrons sont conscients de l?importance des enjeux de l?accès à la nourriture et à l?eau, et nous avons des solutions à apporter ». Il rejoint l?idée exprimée plus tôt par Jean-Marc Borello, directeur général du Groupe SOS, selon laquelle les entreprises sont tenues à la fois par la performance et par le principe de responsabilité. « Il n?y a pas de performance économique durable sans responsabilité sociale et environnementale des entreprises. »

Le B20, un foyer d'idées et une "force de proposition"

En parallèle du G20 de novembre 2011, Laurence Parisot a affirmé qu'elle souhaitait organiser une rencontre de haut niveau entre les représentants du B20, dont la communauté d'affaires internationale, et une représentation syndicale internationale. Cette initiative vise à constituer un véritable foyer d'idées. Mais "le B20 n'est qu'une force de proposition" et reste tributaire du G20 pour la prise de décisions, comme l?a souligné Maurice Levy, président directeur général du groupe Publicis.

Les cartes sont redistribuées au niveau mondial. "L'Asie et l'Afrique concentrent 3/4 des ressources de la planète"a précisé Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat chargé au commerce extérieur. Les problèmes de compétitivité de l'industrie française sont au coeur des préoccupations, ceci dans un contexte de concurrence mondiale accrue. " La très grande majorité des entreprises chinoises se préoccupent assez peu des règles internationales et pillent le patrimoine mondial des brevets" a fustigé Maurice Levy.

Si la morosité de la croissance inquiète en France, Hans Peter Keitel, président du BDI (patronat allemand), reconnaît que l?Allemagne n?est pas à l?abri du ralentissement économique. "Le grand danger en ce moment c'est le marché financier, il y a des problèmes qui vont au delà des secteurs. Il faut qu'on réfléchisse à la contribution à réaliser pour résoudre la crise financière", a précisé Hans Peter Keitel, un défit de taille pour le G20 de novembre 2011.

Sortir ?plus forts" de la crise : l'avis de Charles Beigbeder et Nadine Morano 

Salariés et entreprises sortiront-ils renforcés de la crise ? C?est la question à laquelle une dizaine de participants, patrons et politiques, ont tenté de répondre lors de cette première journée.

« Plus forts après la crise ». Le sujet de cette conférence avec titre aussi affirmatif, semblait répondre à la question avant même d?être posée. Les avis ont tout de même pu s?exprimer sur le sujet.

Charles Beigbeder, président de Gravitation ? holding financier et industriel, n?hésite pas à citer Nietzsche : « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Pour lui, pas de doute, la « crise est une crise de confiance », confiance qu?il faudrait rétablir pour retrouver le chemin de la croissance.

Fabrice Brégier préfère, lui, conjurer les mauvais pronostics : « en 2008-2009, on nous prédisait un drame. Pourtant nous avons à peu près maintenu notre croissance et nos objectifs. » Et le directeur général d?Airbus de louer le travail des PME : « Il y a mille et une raison d?en vouloir à nos fournisseurs et pourtant, on peut être plus solidaires avec eux sans perdre en compétitivité ».

Chaudement applaudi, Stephan Brousse a fait fortune grâce aux fruits frais et en conserve avec le groupe Brousse Vergez. Grand défenseur de ces mêmes PME, il s?est livré à une autocritique bien reçue par l?assemblée : « n?oublions pas que nous, chefs d?entreprises, sommes le premier frein à notre propre développement. Comme nous avons tous les pouvoirs, c?est un devoir de nous former avant tout. » Pour sortir « plus forts » de la crise, il faut accepter d?apprendre de ses erreurs a-t-il prêché. « Contrairement aux hommes politiques » qui, au lieu de se livrer à un tel travail d?introspection, « pensent d?abord à 2012 ».

Une (petite) pique adressée à son voisin Frédéric Lefebvre, secrétaire d?Etat aux Petites et Moyennes entreprises, qui a préféré se réfugier derrière une citation de Martin Luther King pour répondre : « chaque crise a ses dangers mais chacune a ses possibilités » s?est-il défendu, énigmatique.

Des « possibilités » que son homologue à l?Apprentissage, Nadine Morano, a avant tout envie de saisir « pour les jeunes », son domaine de prédilection. La ministre s?est même vantée d?une sortie « politiquement incorrecte », selon ses mots : « je pense qu?il faut davantage ouvrir l?école aux entrepreneurs qui le désirent. S?ils veulent enseigner l?économie par exemple, il faut le leur permettre. »

Le participant qui a cependant vraiment fait mouche est sans conteste Gary Shapiro, le président de la Consumer Electronics Association. L?Américain a fait l?éloge de l?innovation, « le seul vrai facteur de croissance », pour s?en sortir. Et surtout, il conseille ne rien attendre de la puissance publique pour agir : son association réunit deux mille entreprises des nouvelles technologies, dont Apple, Yahoo et Microsoft, et ne touche aucun denier public pour faire son « show » annuel, le Consumer Eletronic Show », à Las Vegas.

Herman Van Rompuy : "Un esprit purement calculateur ne réussira pas à faire l'Europe"

Le président du Conseil Européen Herman Van Rompuy, invité à l'Université d'été du Medef, a voulu se montrer confiant et déterminé sur l'avenir de la zone euro.

Herman Van Rompuy est-il « l'homme de la situation », comme a dit de lui Laurence Parisot lors de la conférence d'ouverture de l'Université du Medef, ce mercredi (voir ci-dessous) ? L'assemblée des patrons a en tout cas chaudement applaudi l'intervention de l'ancien Premier ministre belge, parfaitement francophone.

Le Président du Conseil européen a voulu rappeler que les choses les plus simples étaient souvent les plus sages : « On peut s'endetter pour investir, mais pas pour consommer » ; « Rechercher trop le gain peut-être périlleux, il faut un équilibre entre risque et rendement » ; « Il faut exécuter ce que l'on a décidé. Détricoter une décision nuit à la crédibilité. » a-t-il égrené devant un parterre constitué de près de 4.000 chefs d'entreprise.

Puis il a adopté une rhétorique de chef de l'Europe qu'on entend rarement dans sa bouche : « aucune construction européenne ne peut se faire sans un supplément d'âme. Un esprit purement calculateur ne réussira pas. »

Pour Herman Van Rompuy, l'eurozone sortira renforcée de la crise qu'elle traverse depuis 2008. Lui qui parle d'ordinaire peu, a décidé de donner du « temps au temps » : « On peut aller plus loin dans l'intégration. Je ferai de nouvelles propositions en octobre. Pas dans l'immédiat, car je suis pour une diplomatie discrète donc efficace. » a-t-il asséné. En octobre se réunira le G20 à Cannes.

La Grèce et le Portugal ne sont pas des cas désespérés selon lui. En 1993, la Belgique avait une dette quasi-équivalente à celle de la Grèce, et Herman Von Rompuy se targue de l'avoir réduite, « parce qu'on s'était donné du temps ».

Un discours d'ouverture à la gloire de Herman Van Rompuy

Laurence Parisot, qui fête son anniversaire aujourd'hui, ouvre la plénière et annonce le discours de Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, qui viendra demain à Paris pour un sommet consacré à la Libye."Je suis fière et touchée que Herman Van Rompuy ait accepté de venir malgré un été très chargé" a entamé la présidente du Medef.

"Nous, entrepreneurs français, considérons que vous êtes vraiment l'homme de la situation" a poursuivi Laurence Parisot. En pleine tourmente financière, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont exprimé le souhait que vous puissiez être président de la zone euro. Vous êtes l'horloger des situations impossibles". La salle semble partager la même emphase que la présidente du Medef : elle a applaudi lors que Laurence Parisot l'a félicité d'être "un des seuls ministres du budget qui soit parvenu a réduire le deficit" (en Belgique).

Laurence Parisot est également revenu sur l'épisode "Société Générale" et des rumeurs qui avaient enflé sur Internet : "Lors de notre première rencontre vous aviez dit que parler c'est la maladie du siècle. Vous êtes bien loin de tous ces tweets et de toutes ces rumeurs, ces déclarations ravageuses qui nous empêchent d'avancer solidement et unis".


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Dossier réalisé par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de "La Tribune", avec nos blogeurs Kenza Daldoul, Anna Villechenon, Sharon Wajsbrot
et Jason Wiels.

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Commentaires 3
à écrit le 04/09/2011 à 3:34
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Bravo pour le français... Peut-être que la France va mal parce que ces journalistes ne maîtrisent plus la langue ? "pointe d?ailleurs du doigt le fait qu?aucune société française n?est pas présente dans le palmarès des 50 premières entreprises innov...

à écrit le 02/09/2011 à 15:54
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L'Américain Abbott licencie en FRANCE!!! alors que les bénéfices sont à la hausse!!!!!!! http://intersyndicaleabbott.blogspot.com/2011/08/tous-lhopital-pour-de-nouvelles-actions.html#comments

à écrit le 01/09/2011 à 11:11
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"Le participant qui a cependant vraiment fait mouche est sans conteste Gary Shapiro, le président de la Consumer Electronics Association. L?Américain a fait l?éloge de l?innovation, « le seul vrai facteur de croissance », pour s?en sortir." : çà prou...

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