Les start-up Internet n’ont plus la cote auprès des business angels

Complexité croissante des business models, retours sur investissement pas toujours à la hauteur des attentes... Les investissements des business angels français dans l'Internet ont chuté de 24%, au second semestre 2014, selon un baromètre publié par le fonds Isai.
Christine Lejoux
A PIB (produit intérieur brut) égal, le financement des start-up du numérique par les business angels, en France, est 25 fois inférieur au niveau des Etats-Unis.

Ces dernières années, pour séduire des business angels français, mieux valait être à la tête d'une start-up dont le nom finissait en ".fr" ou en ".com." En effet, en 2013 encore, le quart des 41 millions d'euros investis par ces particuliers fortunés dans de jeunes entreprises innovantes avait été alloué à des sociétés spécialisées dans les services numériques. Mais la cote des jeunes pousses de l'Internet auprès des business angels français commence à s'émousser sérieusement. Au second semestre 2014, les "anges" de la finance ont injecté à peine plus de 12 millions d'euros dans des start-up du Web, un montant en chute de 24% par rapport à la deuxième moitié de l'année 2013, selon le baromètre Fibamy (French Internet Business Angel Money Yardstick), publié le 28 janvier par la société de capital-risque Isai.

Sur l'ensemble de l'année 2014, le recul est de 13%, à quelque 26 millions d'euros. Les chiffres sont encore moins engageants au chapitre du nombre de levées de fonds : Isai en recense une trentaine seulement au second semestre, soit une chute de 29% par rapport à la même période de 2013 (et de 25% sur l'ensemble de l'année 2014).

Des signaux contradictoires de la part du gouvernement

Cette désaffection des business angels pour l'Internet résulte d'abord d'une conjoncture économique toujours très incertaine en France, qui n'incite guère les investisseurs particuliers à prendre des risques, indépendamment des secteurs d'activité dans lesquels les start-up opèrent. Outre ce climat morose, "l'année 2014, malgré un discours gouvernemental favorable aux start-up, a pu entraîner (...) un sentiment d'instabilité et d'incohérence peu favorable à l'investissement", décrypte Isai.

De fait, l'année écoulée a été émaillée par le décret  "Alstom" relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, par les articles 11 et 12 de la loi Hamon créant un nouveau droit d'information préalable des salariés en cas de transmission d'une entreprise de moins de 250 salariés, ou bien encore par la loi sur la réduction des quotas de stagiaires dans les entreprises.

Une concentration des business angels autour de "serial entrepreneurs"

Enfin, "il est très probable que les réseaux généralistes de business angels éprouvent des difficultés à évaluer de nombreux projets Internet, faute de (disposer de) l'expertise nécessaire dans certains sous-secteurs", avance Isai. En effet, au fur et à mesure d'innovations telles que le big data (analyse d'énormes masses de données), les business models de l'Internet se complexifient et deviennent difficiles à appréhender pour un investisseur lambda. D'où un retour en grâce de secteurs d'activité plus traditionnels auprès des business angels. Conséquence, l'écosystème des business angels du numérique se caractérise par une concentration croissante autour d'un petit nombre de "serial entrepreneurs" du Web par ailleurs investisseurs, comme Xavier Niel, le patron de Free, Marc Simoncini, fondateur de Meetic ou encore Pierre Kosciusko-Morizet, créateur de Priceminister.

Une concentration qui "est sans doute synonyme d'une certaine forme de rationalisation et d'efficacité de cet étage de la chaîne de financement", reconnaît Isai. Il n'empêche, la société de capital-risque juge la baisse des investissements des business angels dans l'Internet "inquiétante et potentiellement révélatrice d'un trop faible renouvellement de l'écosystème (des investisseurs)."

Un coup de pouce fiscal en perspective

Il est vrai qu'à PIB (produit intérieur brut) égal, le financement des start-up du numérique par les business angels, en France, est 25 fois inférieur au niveau des Etats-Unis, et 10 fois inférieur à celui du Royaume-Uni. "La chaîne de financement du secteur digital, en France, bénéficie d'un nombre de business angels beaucoup plus important que par le passé mais qui a tendance à stagner et qui demeure microscopique", avait regretté Jean-David Chamboredon, président exécutif d'Isai, lors de la conférence annuelle du marché boursier organisée par Euronext, le 3 décembre.

"Nous subissons encore des barrières fiscales d'un autre âge en France, où les business angels sont contraints de réinvestir leurs plus-values dans d'autres start-up, au risque, sinon, de les voir taxées à plus de 70%, alors que les business angels britanniques bénéficient d'une très bonne incitation fiscale",

avait dénoncé de son côté Tanguy de La Fouchardière, vice-président de France Angels, l'association qui fédère les réseaux de business angels français, dans un entretien à latribune.fr, le 25 novembre. Bonne nouvelle, la loi Macron, actuellement en débat au Parlement, s'est enrichie de deux amendements assouplissant l'ISF-PME, lequel offre aux business angels redevables de l'impôt sur la fortune une réduction d'ISF égale à 50% du montant investi dans une PME, avec un plafond de 45.000 euros.

Le premier amendement propose de ramener de cinq à trois ans le délai de détention des titres requis pour bénéficier de cet avantage fiscal. Le second suggère de réduire de dix à sept ans la durée minimum d'existence des holdings de business angels investissant dans des PME. Certes, les business angels sont avant tout passionnés par l'aventure entrepreneuriale mais un coup de pouce fiscal serait le bienvenu. Il s'agit là d'un véritable enjeu pour le financement de l'innovation en France car les business angels interviennent au stade de l'amorçage, avant même la création de l'entreprise, un risque que bien des banques et des fonds de capital-risque ne sont pas disposés à prendre.

Christine Lejoux

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