C'est l'un des rapports les plus éclairants sur les risques que doit affronter le secteur de l'assurance et, par voie de conséquences, le monde dans son ensemble. Ce lundi, l'assureur français Axa a ainsi publié son « Future Risks Report » de l'année 2023. Nouveauté de cette dixième édition du rapport : parmi une liste de 25 risques jugés « les plus probables dans les cinq à dix ans à venir », le changement climatique arrive cette fois-ci en tête des risques émergents dans toutes les régions du monde.
Une donnée qui résonnera sans aucun doute avec l'agenda de la COP28 (qui démarre dans un mois), où les assureurs, en première ligne de l'indemnisation des catastrophes naturelles, désormais plus fréquentes et fortes, comptent faire pression. Autre enseignement notable du rapport : les risques liés à l'intelligence artificielle, la cybersécurité et l'instabilité géopolitique occupent aussi le haut de ce classement.
Pour obtenir ces résultats, entre mai et juin dernier, Axa a sondé près de 3 500 experts en risques dans 50 pays, issus de ses rangs ou de ses réseaux professionnels. Le géant français de l'assurance, en partenariat avec le sondeur Ipsos, a aussi interrogé près de 20.000 personnes, issues d'un échantillon représentatif de 15 pays. « L'étude dessine les contours d'un monde en polycrise, dans la mesure où les risques sont désormais interconnectés » résume Thomas Burbel, directeur général d'Axa dans l'avant-propos du rapport.
Le risque climat, numéro un partout dans le monde
Tant chez les experts que le grand public, et tous continents confondus, le risque climatique est pour la première fois placé en tête des inquiétudes, selon l'étude. Il y a deux ans, il caracolait uniquement en Europe. Sondés sur ce qui « la préoccupe le plus à propos du changement climatique », la grande majorité du grand public (78 %) et des experts (84 %) cite en premier lieu les événements météorologiques extrêmes. Ce, devant les risques financiers ou de responsabilité.
« Notre étude montre qu'il y a partout dans le monde un vrai alignement des perceptions sur le climat entre experts et grand public », souligne Paul-Louis Moracchini, responsable des risques émergents du groupe AXA, qui a participé à la rédaction de ce rapport. Il ajoute qu'il y a une prise de conscience montante pour « les migrations climatiques ». A titre d'exemple, il cite Jakarta, capitale de l'Indonésie qui en raison de la montée des eaux, va être transférée vers une ville nouvelle baptisée Nusantara en 2045.
Face à la menace climatique, les experts interrogés par le rapport déplorent par ailleurs l'impréparation des pouvoirs publics. Seulement 15% des experts les estiment « bien préparés ». Et Axa de citer le manque de financements et de coordination, les « hésitations politiques » comme « freins » à la mise en place de plans d'action solides au niveau mondial.
Une statistique à mettre en perspective avec un niveau de confiance élevé envers d'autres types d'acteurs. Notamment les scientifiques, qui ont la confiance de 84 % des experts (70% de la population générale) et les entreprises (72 % de confiance des experts, en hausse de 8 % sur un an). Les assureurs ont aussi bonne presse en la matière : 93 % des experts et 74 % de la population générale estiment qu'ils seront importants pour solutionner la crise climatique.
Inquiétudes autour du « bashing » des entreprises menant des actions vertueuses
L'étude d'Axa met aussi en avant un risque connexe, pointé par une partie de ses experts, les agents généraux d'assurances. Ces derniers s'inquiètent de « la mise au ban d'entreprises en raison de leurs actions ESG », destinées à améliorer leur impact environnemental, social et de gouvernance.
Ce phénomène a notamment été observé aux Etats-Unis où le parti Républicain a déposé en mars une résolution parlementaire interdisant les gestionnaires d'épargne-retraite d'investir selon des critères ESG. Une prise de position « anti-woke » selon les défenseurs de cette ligne politique. En tête de celle-ci, le gouverneur républicain de Floride Ron DeSantis qui, au mois de mai, a promulgué une loi visant à interdire les fonds ESG dans son État.
Nouvelles inquiétudes autour de l'IA
C'est l'autre enseignement essentiel de ce rapport annuel : les risques liés à l'intelligence artificielle et au « big data » enregistrent la plus importante progression, de l'avis des experts interrogés. A la 14ème place en 2022, ce risque monte à la 4ème en 2023. « La majorité des experts (64 %) et de la population générale (70 %) estime même qu'il serait nécessaire d'interrompre la recherche sur l'IA », souligne l'étude d'Axa.
Une prise de position qui n'est pas sans rappeler la lettre ouverte publiée le mercredi 29 mars 2023 sur le site web du « Future of Life Institute », une organisation à but non lucratif étudiant les risques et apports de la technologie. Parmi les 1.100 signataires de ce texte considéré comme historique, on trouve le milliardaire Elon Musk, patron de Tesla et de Twitter, mais aussi Steve Wozniak, cofondateur d'Apple, Noam Shazeer, fondateur de l'entreprise Character. AI, ou encore Gary Marcus, professeur spécialiste de l'IA.
La menace sur l'emploi que fait peser l'intelligence artificielle est un sujet de préoccupation dans la zone Asie, notamment en Chine. Experts et grand public pointent aussi les risques éthiques liés à cette nouvelle technologie. Chez l'ensemble du panel, il y a un réel sentiment de vulnérabilité vis-à-vis de celle-ci.
Cybersécurité et tensions géopolitiques étroitement liés
Les risques liés à la cybersécurité est la deuxième plus grande inquiétude chez les experts. D'après Paul-Louis Moracchini d'Axa, « le sujet est très lié à l'instabilité géopolitique », en 3e position en 2023. « Aux Etats-Unis, le risque de cyber-guerre est même la première préoccupation chez les experts », ajoute le haut cadre. La prise de conscience de ce risque là est moindre chez le grand public. Le contexte de la guerre en Ukraine a aussi joué dans cette perception, mais pas le conflit entre Israël et le Hamas, intervenu après la réalisation du sondage.
Au global, l'étude conclut que « le sentiment de vulnérabilité se maintient à un haut niveau » chez l'ensemble du panel. 84 % des experts s'estiment plus vulnérables qu'il y a cinq ans au niveau de leur pays (contre 76 % en 2020). A l'échelle de leurs villes ou villages, le chiffre est de 73 % (contre 64 % en 2020). Même tendance dans la population générale, où cette inquiétude a progressé de 7 % en trois ans au niveau national, mais aussi au niveau local.
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