Blanchiment : Credit Suisse épinglé dans une affaire liée à la Fifa

L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers a indiqué avoir constaté des manquements dans la lutte contre le blanchiment pendant plusieurs années de la part du numéro deux bancaire helvétique dans le cadre de deux enquêtes. La banque suisse a notamment omis de vérifier l’identité de certains cocontractants.
Estelle Nguyen
La banque suisse n'a cependant écopé d'aucune amende dans cette affaire de manquements aux obligations de lutte contre le blanchiment.
La banque suisse n'a cependant écopé d'aucune amende dans cette affaire de manquements aux obligations de lutte contre le blanchiment. (Crédits : Arnd Wiegmann)

Après la banque privée Rothschild en juillet dernier, c'est au tour de Credit Suisse d'être pointé du doigt par le gendarme financier suisse. L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a annoncé, dans un communiqué publié ce lundi 17 septembre, la clôture de deux procédures d'examen approfondi à l'encontre de l'établissement suisse pour des manquements à ses obligations prudentielles de lutte contre le blanchiment d'argent. Dans la première procédure, l'Autorité a indiqué que le « comportement fautif » de la banque helvétique s'était inscrit dans le cadre de cas présumés de corruption en lien avec la Fédération internationale de football (Fifa), ainsi qu'avec les groupes pétroliers brésilien Petrobas et vénézuélien PDVSA.

« Les contrôles portant sur le comportement de la banque dans les cas Fifa, Petrobras et PDVSA étaient indépendants les uns des autres, mais ont abouti aux mêmes constats et ont mis au jour le même modèle » déclare la Finma.

Dans les trois cas cités, Credit Suisse a omis de vérifier l'identité de cocontractants et d'ayants droits économiques, et de classer des relations d'affaires comme particulièrement risquées. La Finma a précisé que la période examinée s'étendait sur plusieurs années, entre 2006 et 2015, « principalement avant 2014 ». Les manquements s'étaient surtout répétés chez Clariden Leu, une filiale de la banque qui l'a pleinement intégrée en 2012.

Un client politiquement exposé

La seconde procédure remonte quant à elle à 2016 et concerne une relation d'affaires « importante pour la banque », avec une personne politiquement exposée (PPE). Son identité n'a toutefois pas été révélée dans le communiqué. Dans ce cas présent, la Finma a également constaté des manquements dans la gestion des risques de la banque.

« La banque n'a pas suffisamment satisfait à ses obligations élevées de diligence en matière de clarifications, de "plausibilisation" et de documentation concernant la relation d'affaires mentionnée, et ce, même face à certaines transactions présentant des risques accrus. [...] La banque n'avait, durant des années, ni déterminé et limité de manière adéquate, ni contrôlé les risques émanant de cette relation d'affaires avec une PPE et du conseiller clientèle qui la gérait (et qui a, depuis, été condamné pénalement) », a estimé la Finma.

L'autorité suisse fait référence à l'affaire qui a concerné l'ex-premier ministre géorgien, Bidzina Ivanishvili. Selon une information Reuters, en mars 2016, l'ancien dirigeant avait déposé une plainte pénale à Genève contre Credit Suisse pour négligences, affirmant qu'il avait perdu des centaines de millions de dollars en raison d'agissements frauduleux d'un des anciens gérants de fortune de la banque. En août 2017, l'homme d'affaire géorgien a également décidé d'attaquer la banque suisse dans d'autres juridictions, à Singapour, aux Bermudes et en Nouvelle-Zélande.

Aucune amende

Outre les manquements aux dispositions de lutte contre le blanchiment d'argent, la Finma a également constaté des lacunes organisationnelles de la part de Credit Suisse, notamment sur la vue d'ensemble automatisée des relations clientèle.

« Pour qu'un dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent soit efficace, tous les postes concernés de la banque doivent pouvoir, d'un clic, avoir une idée claire de l'ensemble des rôles et des relations d'un client », a fait valoir le régulateur.

En réponse, l'établissement bancaire suisse a indiqué dans un communiqué qu'il prenait acte de l'annonce et reconnaissait les conclusions établies par le régulateur sur les lacunes constatées. Le numéro deux bancaire suisse précise qu'il collabore avec l'autorité pour corriger ses insuffisances et souligne aussi qu'il n'a reçu aucune sanction.

« Nous avons pris note qu'en conclusion de cet examen, la Finma n'a pas imposé d'amende au Credit Suisse, ni ordonné de restitution de bénéfices ou de limitation d'activités commerciales », a assuré la banque dans un communiqué ce lundi 17 septembre.

« Éliminer les problèmes du passé »

Malgré des « améliorations parfois substantielles » de la part de la banque, qui a mené des investigations internes et entrepris plusieurs démarches visant à renforcer sa « compliance » (conformité) depuis fin 2015, le gendarme des marchés financiers a ordonné des mesures supplémentaires « afin que soit rétabli l'ordre légal ». Un mandataire indépendant a notamment été nommé pour vérifier leur mise en œuvre et leur efficacité.

Cette annonce intervient alors que Credit Suisse dit travailler depuis plusieurs années pour « éliminer les problèmes du passé ». La banque a notamment lancé une grande réorganisation de ses activités et a recruté 800 personnes pour se charger des questions de conformité. Dans une interview publiée par le journal suisse NZZ am Sonntag, le directeur général, Tidjane Tiam, a affirmé que la banque suisse visait un bénéfice annuel de 5 à 6 milliards de francs suisses (soit 4,44 milliards à 5,33 milliards d'euros) au cours des deux prochaines années, à mesure qu'elle tourne la page de ces problèmes.

Sur les marchés, la banque suisse n'a pas été affectée par les cartons jaunes de la Finma. Le titre Credit Suisse est resté stable, gagnant près de 0,2% à 14,50 francs suisses à quelques minutes de la clôture.

Estelle Nguyen

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Commentaire 1
à écrit le 17/09/2018 à 17:36
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"Sur les marchés, la banque suisse n'a pas été affectée par les cartons jaunes de la Finma." Les condamnations liées aux pratiques d'évasion fiscale et autres, tellement les fraudes bancaires sont nombreuses car acceptées, ne génèrent jamais de r...

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