Cryptomonnaies : ce qu'il faut savoir pour bien clôturer l'année fiscale 2023, et éviter les mauvaises surprises en 2024

La déclaration de revenus implique de mentionner les plus-values et les bénéfices en crypto-actifs. Cette obligation peut se révéler complexe à réaliser. Et pour cause, cette classe d'actif est récente et les outils rares pour suivre et récapituler les transactions. Un casse-tête en perspective ? Les contribuables peuvent s'épargner des heures de paperasse lors de la déclaration qu'ils rédigeront en 2024, à condition d'adopter de bonnes pratiques, et ce, avant la fin de l'année. Explications.
Maxime Heuze
A partir de la déclaration de revenus 2024, portant sur les gains générés en 2023, les investisseurs pourront opter pour le barème progressif de l'impôt sur le revenu, en lieu et place, du prélèvement forfaitaire unique (PFU).
A partir de la déclaration de revenus 2024, portant sur les gains générés en 2023, les investisseurs pourront opter pour le barème progressif de l'impôt sur le revenu, en lieu et place, du prélèvement forfaitaire unique (PFU). (Crédits : BENOIT TESSIER)

[Article publié le 11 décembre 2023 à 6h30, mis à jour le 2 janvier 2024 à 10h15]La fin d'année est signe de mise au propre de sa situation fiscale 2023. Pour rappel, l'année d'imposition en France court du 1er janvier au 31 décembre. La déclaration de revenus, elle, intervient en n+1, soit au printemps 2024. Et s'il est un monde où la rigueur se doit d'être de mise en matière de fiscalité, c'est bien celui des cryptomonnaies.

Depuis la loi Pacte de 2019, les plus-values générées sur ces actifs, échangés via un réseau d'ordinateurs et inscrits sur un registre décentralisé appelé blockchain, sont soumises au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% - 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux. Partant de ce principe, ces plus-values devront donc être mentionnées dans la déclaration de revenus du printemps 2024, en cas de conversion en monnaie officielle - ou d'un achat de bien ou de service - dont le montant est supérieur ou égal à 305 euros, en 2023.

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Des informations multiples à recueillir

Petite subtilité, et non des moindres : à partir de la déclaration de revenus 2024, portant sur les gains obtenus en 2023, les investisseurs pourront choisir le barème progressif de l'impôt sur le revenu. Une option fiscalement avantageuse pour les contribuables appartenant aux deux premières tranches d'imposition (0 et 11 %), et qui existe déjà pour l'assurance-vie, par exemple.

Une fois le cadre posé, reste que le calcul des bénéfices à déclarer à l'administration fiscale peut s'avérer fastidieux. Au printemps, il faudra donc se munir du formulaire n°2086 - pour ceux qui utilisent encore le formulaire papier, ceux qui remplissent leur déclaration en ligne disposant d'une coche, permettant de générer les cases correspondantes - et inscrire plusieurs données concernant les transactions, dans les cases dédiées :

  • La date de la transaction
  • La valeur totale du portefeuille en euros à la date de la transaction
  • La valeur des cryptomonnaies vendues (en euros)
  • La valeur de ces mêmes cryptomonnaies à la date d'achat (en euros).

Le site des impôts calculera ensuite la plus ou moins-value en fonction de ces données.

Moins de transactions crypto-euros, plus de simplicité

Et c'est là où le bât blesse. L'administration fiscale demande au contribuable imposable de répéter cette opération pour chaque transaction crypto-euro (mais pas crypto-crypto).En clair, celui qui a réalisé cent transactions crypto vers des euros devra inscrire les cent plus ou moins-values sur sa déclaration.

« Cela demande un suivi très minutieux, il faut bien noter toutes les transactions, ça peut être vraiment compliqué », confie Frédéric Poilpré, membre du Cercle des Fiscalistes, un think-tank, et Directeur général délégué d'Officium Asset Management.

« Quelqu'un qui a effectué 5 transactions imposables dans l'année doit déclarer au moins 50 données à l'administration fiscale », acquiesce Pierre Morizot, le PDG de Waltio, une startup d'aide à la déclaration fiscale des cryptomonnaies.

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La solution ? Être méthodique, en notant dès à présent toutes les transactions crypto-euros effectuées dans l'année, voire en réaliser le moins possible d'ici la fin de l'anné 2023. Une autre solution est de convertir ces actifs numériques très volatils en stablecoins, des cryptos répliquant le cours des monnaies légales (en majorité le dollar américain).

De cette manière, l'investisseur peut préserver les plus-values, sans passer par la case impôt... jusqu'à nouvelle conversion en euros. Attention toutefois, si les stablecoins promettent un cours quasiment identique à celui de leur monnaie de référence, ils ne sont pas sans risques. Certains d'entre eux, comme le tristement célèbre Terra Luna, se sont effondrés après la découverte d'une faille dans leur mécanisme ou des capitaux moins importants que promis.

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Des outils pour simplifier la déclaration... encore imparfaits

Pour aider ses clients qui ont accumulé les transactions au cours de l'année - sans s'attendre à en payer le prix administratif lors de la déclaration 2024 -, la plus importante plateforme d'échange au monde Binance a mis au point un service d'aide à la déclaration fiscale « Binance Tax » en février 2023, peu après le lancement du même outil par son concurrent « Crypto.com Tax ».

Ces nouveaux services gratuits développés par les géants des échanges de crypto-actifs permettent de répertorier l'intégralité de vos transactions (jusqu'à 100.000 effectuées sur la plateforme Binance, à titre d'illustration) et de calculer les plus-values et revenus passifs annuels à déclarer, en un seul clic.

Si l'initiative peut avoir le mérite d'être saluée, elle en reste largement incomplète. Les calculateurs des plateformes ne supportent pas, par exemple, les opérations liées aux produits dérivés et aux jetons non fongibles (NFT). Ces outils ne prennent pas non plus en compte les transactions effectuées en dehors de leur plateforme.

Problème, « le monde des cryptomonnaies est un monde débanquarisé où les gens possèdent des comptes sur différentes plateformes et différents portefeuilles personnels » explique Pierre Morizet.

Binance précise pour sa part que « travailler à une solution qui permettrait d'importer les transactions d'autres wallets dans Binance Tax ».

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Incertitudes quant à la fiscalité des revenus du minage et du staking

En outre, les offres de Binance et Crypto.com comportent une autre zone d'ombre : le calcul des revenus générés en minage ou en stacking. Ces deux activités consistent à fournir un service à la blockchain faisant travailler des ordinateurs pour elle ou en mettant sous séquestre des crypto-actifs, en échange d'une récompense en crypto.

Or, ces gains ne sont pour l'instant pas comptabilisés par Binance Taxe et concurrents. En effet, un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 26 avril 2018, affirme que « les gains issus d'une opération de cession, le cas échéant unique, d'unités de "bitcoin" sont [...] susceptibles d'être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ». Ce changement de qualification engendre un grand bouleversement. De fait, ce type de gain doit être déclaré dès la réception des crypto-actifs, et non à la date de conversion en euros. Jusqu'ici cependant, cet arrêt n'a pas été intégré au projet de loi de finances créant un flou sur la méthode de déclaration des bénéficiaires de revenus de minage ou de staking qui étaient nombreux à inscrire ces revenus comme des plus-values lors des déclarations précédentes.

Maxime Heuze

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Commentaire 1
à écrit le 11/12/2023 à 7:47
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Si la démarche est compliquée nombreux vont profiter du fait que le bitcoin est une monnaie libre hein. Il n'y a pas que des cupides qui vont vers le bitcoin il y a aussi des gens qui aiment cette liberté désétatisée qu'elle offre au sein de cette en...

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