Après la Banque mondiale et le FMI, c'est au tour de la sous-secrétaire d'Etat américaine pour les Affaires politiques, Victoria Nuland, d'exprimer son inquiétude concernant la décision du Salvador le 9 juin dernier de légaliser les échanges en Bitcoin. La représentante de la Maison Blanche a rencontré mercredi le président du Salvador, Nayib Bukele, à qui elle a recommandé de "réguler" l'usage du bitcoin, une cryptomonnaie qui aura cours légal dans ce pays centraméricain en septembre.
Pour Washington, l'enjeu est celui de sa puissance monétaire. D'abord, le commerce mondial est aujourd'hui libellé à plus de 80% en dollars. Ensuite, le Salvador - où la population est faiblement bancarisée - utilise le dollar américain comme monnaie officielle. Mais dès septembre, le pays d'Amérique centrale entend autoriser cette cryptomonnaie pour toutes les transactions, ce qui ferait de lui le premier à le faire.
De Christine Lagarde à la BCE à l'ancien président Donald Trump - qui l'accusait d'être « une arnaque face au dollar » - en passant par les régulateurs financiers, le Bitcoin, cet actif numérique qui s'achète et se vend via la technologie sécurisée et décentralisée d'un registre de comptes public ou blockchain, attire les critiques des autorités centrales. Montré du doigt pour sa volatilité, son cours atteint aujourd'hui 33.430 dollars, après avoir franchit le pic des 64.000 dollars en avril.
Pour autant, l'administration Biden n'est pas aussi virulente que son prédécesseur républicain. « J'ai suggéré au président que quelque soit ce que le Salvador choisit de faire (avec le bitcoin), il s'assure que ce soit bien régulé, transparent et responsable, et qu'il se protège des intervenants mal intentionnés », a déclaré la Secrétaire d'Etat démocrate, à l'issue de cette rencontre.
Des réglementations a posteriori
Quelles sont les régulations possibles ? De l'interdiction en Chine, à la restriction de certains produits financiers comme au Royaume-Uni, les réglementations d'Etat peuvent être diverses et variées. A posteriori, elles tentent de suivre ces nouveaux échanges.
Victoria Nuland a aussi fait référence aux activités illégales qui s'opèrent grâce au bitcoin (transferts frauduleux, blanchiment, piratages). Des crimes similaires à ceux pratiqués dans le monde financier traditionnel, mais qui, selon un rapport des consultants de Chainalysis de février, sont toutefois en recul. En 2020, les transactions en cryptomonnaies à des fins illégales ont atteint 10 milliards de dollars, soit 1% du total de l'activité des cryptomonnaies l'année dernière et moitié moins que l'année précédente
D'ailleurs, Mme Nuland a rappelé au président salvadorien la cyberattaque dont a été victime aux Etats-Unis le principal opérateur d'oléoducs Colonial Pipeline, qui avait été contraint d'arrêter temporairement ses activités, avant d'accepter de payer une rançon en bitcoins équivalente à 4,4 millions de dollars. Dans le même temps, cette rançon en bitcoin avait permis aux autorités américaines de récupérer une partie du butin en retraçant les informations sur la blockchain.
Le monde politique et celui des cryptomonnaies communiquent pourtant de plus en plus. Sous la houlette de la Banque des règlements internationaux (BRI), les banques centrales tentent en effet d'accélérer sur leur projet de monnaie numérique d'Etat. La Banque centrale américaine (Fed) rendra même cet été un rapport sur le sujet, avec un éventuel dollar numérique.
Aussi, le gouvernement salvadorien a récemment discuté de cette décision avec le fonds monétaire international (FMI) au cours d'une réunion "fructueuse", selon le ministre salvadorien des Finances, Alejandro Zelaya.
Toutefois, la Banque mondiale a toutefois rejeté de son côté une demande d'assistance du Salvador dans sa tentative d'adopter le bitcoin comme monnaie officielle.
(Avec AFP)
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