Maritime, aérien, fossiles… Plus de taxes en vue pour mieux lutter contre le changement climatique

Jeudi et vendredi, une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement se retrouveront à Paris pour repenser le système financier international afin de mieux venir en aide aux pays les plus vulnérables aux effets du réchauffement climatique. Nombre d'observateurs attendent qu'une large coalition de pays se forme en faveur d'une taxe sur le transport maritime. D'autres instruments fiscaux sont aussi à l'étude.
Juliette Raynal
Les iles Marshall, les iles Salomon, la France ainsi que d'autres pays devraient porter l'idée d'une taxe carbone sur le transport maritime pour flécher de nouveaux financements vers les pays les plus vulnérables au changement climatique.
Les iles Marshall, les iles Salomon, la France ainsi que d'autres pays devraient porter l'idée d'une taxe carbone sur le transport maritime pour flécher de nouveaux financements vers les pays les plus vulnérables au changement climatique. (Crédits : unsplash licence - Anja Bauermann)

Trouver de nouvelles sources de financements pour venir en aide aux pays les plus vulnérables au changement climatique. C'est l'un des principaux enjeux du sommet « Pour un nouveau pacte financier mondial », qui se tiendra jeudi et vendredi à Paris. Emmanuel Macron y accueillera une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement afin de repenser le système financier international, qui « ne répond pas à la question de la lutte contre le changement climatique tant du point de vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, que du point de vue de l'adaptation », a souligné  devant la presse, Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation Européenne pour le Climat et architecte de l'Accord de Paris.

Cette réunion s'inscrit six mois après que la COP27 de Charm El-Cheikh, en Egypte, a été marquée par une crise de confiance dans les mécanismes de solidarité internationale, les pays du sud réclamant aux pays riches des compensations financières pour leurs pertes et dommages, qui désignent les conséquences irréversibles du changement climatique (dégâts provoqués par un ouragan, des inondations, l'érosion côtière, la montée des eaux ou encore la sécheresse). Le coût économique de ces pertes pourrait s'élever à 580 milliards de dollars par an en 2030.

Or les pays les moins développés sont plus frappés par les effets du dérèglement climatique, tout en étant les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre. Dans le détail, les 46 pays les moins développés de la planète abritent 14% de la population mondiale et sont responsables d'à peine 1% des émissions de CO2 issues des énergies fossiles.

Plusieurs instruments fiscaux à l'étude

« La clé de ce sommet c'est la question des taxes internationales solidaires. Le financement des pertes et dommages ne va pas se faire par des prêts de la Banque mondiale. Il faut du cash », appuie Friederike Roder, vice-présidente du plaidoyer sur la finance de développement et le climat au sein de l'ONG Global Citizen.

Dans cette optique, plusieurs instruments fiscaux sont à l'étude. L'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) en a listé une demi-douzaine. Les premiers sont directement liés aux activités ou aux produits responsables des émissions de gaz à effet de serre (GES). Au menu : une taxe carbone sur le transport maritime, une taxe de solidarité sur les billets d'avion (à l'image de la taxe Chirac instaurée en France en 2006) ou encore une taxe mondiale imposée aux producteurs de pétrole, de gaz et de charbon. D'autres travaux envisagent aussi une taxe sur les superprofits des entreprises des énergies fossiles. La seconde catégorie d'instruments n'est pas liée directement à l'empreinte carbone des produits ou services taxés, mais à leur fort potentiel quant à la mobilisation rapide de ressources importantes, explique l'institut. Il s'agit, par exemple, d'une taxe sur les transactions financières, comme les actions ou les échanges de devises internationales.

« La taxation sur le transport maritime est à la fois très loin d'être une réalité et, en même temps, de toutes celles listées, c'est celle dont le chemin de mise en œuvre est le plus clair », estime Lola Vallejo, directrice du programme climat de l'Iddri.

Il existe, en effet, un consensus sur l'idée de mettre un prix du carbone sur les flux maritimes, alors qu'aujourd'hui « c'est un secteur qui ne contribue pas aux finances publiques, ni au changement climatique de façon importante », souligne Laurence Tubiana, tout en rappelant que les compagnies maritimes travaillent dans les eaux internationales et que nombre d'entre elles sont logées dans des paradis fiscaux.

Une taxe sur le transport maritime déjà à l'agenda de l'OMI

Ainsi, ce projet de taxation est déjà à l'agenda de l'Organisation maritime internationale (OMI), où un groupe de travail planche depuis plusieurs mois sur ce dossier. Il fera d'ailleurs l'objet d'une attention toute particulière lors d'une réunion prévue début juillet pendant laquelle les Etats membres devront se mettre d'accord sur la trajectoire de décarbonation du secteur.

Le transport maritime représente actuellement 3 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Toutefois, si le secteur n'entame pas de vastes changements, les émissions pourraient représenter jusqu'à 17 % d'ici à 2050, compte tenu notamment d'un possible doublement des flux de transport sur les mers à cet horizon. Lors de la COP 27, plusieurs pays avaient demandé à l'OMI d'être plus ambitieuse et de viser le « zéro carbone » d'ici à 2050, plutôt que la diminution de moitié des émissions d'ici à 2050.

Parmi les pays favorables à une taxe, on retrouve en premier lieu la République des îles Marshall et les îles Salomon, situées en plein cœur de l'océan Pacifique. Ces deux États insulaires, particulièrement menacés par le changement climatique, militent depuis une dizaine d'années pour l'instauration d'une telle taxe et proposent un prélèvement obligatoire universel qui s'appliquerait à tous les voyages internationaux sans exemption. Chaque navire serait alors tenu de payer un montant déterminé par le niveau des émissions de GES lié à la quantité de fioul utilisée.

La France, hôte de ce sommet, y est désormais également favorable et n'hésite pas à communiquer largement sur ce sujet « alors que ce n'était pas le cas à l'origine », rappelle Laurence Tubiana. Ce projet de taxation est aussi soutenu par le Royaume-Uni et par plusieurs Etats membres de l'UE. « En revanche, certains pays ne voient pas ça d'un bon œil, comme la Chine, le Brésil et l'Inde, car ils redoutent que cela constitue un frein à leurs exportations, qui passent essentiellement par le transport maritime », explique la directrice générale de la fondation européenne pour le climat. L'enjeu consistera donc à bien ajuster cette taxe « pour ne pas que cela pèse trop sur le commerce international », selon elle.

Donner une forte impulsion politique

L'autre grande question sera de savoir « dans quelle mesure les revenus de cette taxe seront recyclés pour faciliter la décarbonation du secteur maritime et quelle part, si part il y a, pourrait être redistribuée vers les pays vulnérables au prix du carbone (certaines îles en voie de développement sont très dépendantes des importations maritimes) et au changement climatique », pointe Lola Vallejo. Ce premier outil « pourrait être déployé à court terme et rapporter 100 milliards de dollars par an », estime, pour sa part, Laurence Tubiana.

Selon nombre d'observateurs, ce nouveau sommet doit donner une véritable impulsion politique. Il ne sera une réussite que si une large coalition de pays porte de manière concrète ces projets de taxation. Or, seulement quelques jours avant l'événement, peu de chefs d'Etat ou de gouvernement de pays du Nord avaient répondu à l'invitation d'Emmanuel Macron. « On observe une grande participation des pays du Sud, mais au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, les pays du Nord sont beaucoup moins bien représentés et c'est un vrai sujet », note Friederike Roder. « Nous déplorons que des pays ne viennent pas comme le Canada, le Japon ou encore la Grande-Bretagne », glisse-t-elle. Les Etats-Unis, eux, seront représentés par Janet Yellen.

Juliette Raynal

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Commentaires 21
à écrit le 07/07/2023 à 8:38
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Voici 5 critères qui permettent d’identifier une vaste opération de désinformation Critère n°1 : Unanimité de tous les médias et de tous les politiques, voire de toutes les institutions internationales Critère n°2 : Surinformation sur un aspect de ...

à écrit le 23/06/2023 à 11:39
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Le début de l'article m'a plongé dans une goutte d'espoir. La fin, hélas, m'a fait rougir de honte : je fais partie du Nord !

à écrit le 22/06/2023 à 9:01
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Voici ce qu’écrivait Jacques Monod en 1948 : « Comment Lyssenko a-t-il pu acquérir assez d’influence et de pouvoir pour subjuguer ses collègues, conquérir l’appui des médias, recevoir l’approbation du Comité Central du Parti et de Staline en personne...

à écrit le 22/06/2023 à 9:01
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Voici ce qu’écrivait Jacques Monod en 1948 : « Comment Lyssenko a-t-il pu acquérir assez d’influence et de pouvoir pour subjuguer ses collègues, conquérir l’appui des médias, recevoir l’approbation du Comité Central du Parti et de Staline en personne...

à écrit le 22/06/2023 à 8:55
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Voici ce qu’écrivait Jacques Monod en 1948 : « Comment Lyssenko a-t-il pu acquérir assez d’influence et de pouvoir pour subjuguer ses collègues, conquérir l’appui des médias, recevoir l’approbation du Comité Central du Parti et de Staline en personne...

à écrit le 22/06/2023 à 7:17
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Nous autres français avec nos cargos à voiles avons intérêt à ce que les transports maritimes paient les dégâts qu'ils causent à la nature le problème des taxes étant que ce sont nos paniers percés de politiciens qui doivent en gérer la collecte par ...

à écrit le 21/06/2023 à 19:01
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L' équipe de cinglés qui s' était déjà égaré en terrain covidien pour amorcer le great reset s' égare dans son deuxième volet le réchauffisme anthropique. France Soir l' Interview rapportée par l' avocat Marc Amblard ...

le 21/06/2023 à 23:18
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Enfant, as-tu eu la biologie quelque part?,,,, pas à l'école

à écrit le 21/06/2023 à 18:44
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La France en mort cerebrale economique, on arrive au mur. Ce qui se passe avec l'économie decarbonnée c'est la volonté de créer un trompe œil, pour dédouaner les 40 ans d'incompétences et diluer la responsabilité avec tous les Français . Nos politiqy...

le 21/06/2023 à 20:36
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Non, formellement non, la réalité sous-jacente et précieusement masquée est d' aller vers le great reset de "schwab de davos". Le Courrier des Stratèges y consacre beaucoup de dossiers..

à écrit le 21/06/2023 à 17:41
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Depuis quand des taxes permettraient-elles de lutter contre le changement climatique. C'est vraiment n'importe quoi!

le 21/06/2023 à 22:39
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Vous avez raison, des interdictions pures et simples seront bien plus efficaces car les taxes n'arrêtent pas les pollueurs riches et contribuent sournoisement à créer un droit à polluer.

à écrit le 21/06/2023 à 17:40
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Depuis quand des taxes permettraient-elles de lutter contre le changement climatique. C'est vraiement n'importe quoi!

à écrit le 21/06/2023 à 17:12
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L’IPCC (GIEC) a été imaginé par Margaret Thatcher et Donald Reagan. L’une voulait mater la grève des mineurs de charbon en disant je vais développer le nucléaire, l’autre espérait museler le développement de la Chine (et de l’Inde), qui possède une é...

à écrit le 21/06/2023 à 16:47
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On tape sur le chiffre d'affaire mais pas sur les bénéfices ! ,-)

à écrit le 21/06/2023 à 16:25
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Dans une France shootée aux impôts, taxes, prélèvements en tout genre, demander le "programme" à MACRON, il a plein d'idées à proposer à ses homologues UE et même plus, aux Pays de l'hémisphère Nord. Par exemple: une taxe "sécheresse", une taxe CO2, ...

à écrit le 21/06/2023 à 15:38
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Quelqu'un croit encore à ces slogans ? On a un problème alors on taxe. Donc ça veut dire que si il n'y a plus d'argent il n'y a plus de solution ? Et si la solution est toujours l'argent , alors pourquoi l'état ne reprends pas le contrôle des b...

le 21/06/2023 à 16:53
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..Pourquoi on taxe pas les banques les grosses sociétés ?.. » mais parce subi. Pays ne peut rien faire tout seul de Luis la mondialisation apparu dans les années 70…. Le 1 er qui tire est mort ses banques grosses sociétés millionnaires foutent le ca...

le 21/06/2023 à 16:53
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..Pourquoi on taxe pas les banques les grosses sociétés ?.. » mais parce subi. Pays ne peut rien faire tout seul de Luis la mondialisation apparu dans les années 70…. Le 1 er qui tire est mort ses banques grosses sociétés millionnaires foutent le ca...

le 21/06/2023 à 16:54
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..Pourquoi on taxe pas les banques les grosses sociétés ?.. » mais parce qun seul Pays ne peut rien faire tout seul depuis la mondialisation apparue dans les années 70…. Le 1 er qui tire est mort: ses banques grosses sociétés , millionnaires foute...

le 21/06/2023 à 17:09
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Comme beaucoup vous êtes pour qu'on taxe les autres mais pas vous !

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