Les outils venant compléter les Prêts garantis par l'Etat (PGE) pour soutenir la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise sanitaire prennent forme. Après les avances remboursables et les prêts à taux bonifiés, dont les premiers fonds ont été débloqués au début du mois, le gouvernement s'apprête à lancer un dispositif innovant visant à renforcer le financement par affacturage. Objectif : financer le besoin en fonds de roulement lié à la reprise d'activité et ainsi honorer le plus grand nombre de commandes nouvelles. Autrement dit : accélérer le redémarrage de l'économie lourdement touchée par la pandémie du coronavirus.
L'affacturage est une technique de financement qui consiste pour une entreprise, souhaitant se faire payer rapidement une facture, à céder ladite créance commerciale auprès d'un établissement bancaire spécialisé (appelé factor). Le factor paye le montant de la facture à l'entreprise et se charge d'opérer le recouvrement. En échange de ce service, il prélève une commission.
Depuis 2016 en France, l'affacturage est devenu le premier crédit à court terme pour les entreprises, coiffant même le découvert. Le montant des créances financées a atteint des sommets en 2019, avec un total de près de 350 milliards d'euros de créances achetées, en hausse de près de 10% par rapport à l'année précédente. Aujourd'hui, quelque 40.000 entreprises ont recours à l'affacturage.
Adopté par l'Assemblée nationale vendredi dernier, le nouveau dispositif, élaboré en collaboration avec les sociétés d'affacturage (bien souvent des filiales d'établissements bancaires) et l'Association française des sociétés financières (ASF), doit permettre aux factors de bénéficier d'une garantie publique à l'image des banques pour le Prêt garanti par l'Etat, commercialisé depuis le 25 mars dernier.
1. En quoi ce dispositif est innovant ?
L'affacturage classique intervient lors de l'émission de la facture, une fois que la livraison ou la prestation de service a été effectuée. L'entreprise souhaitant céder une facture doit donc attendre environ 45 jours (ce qui correspond au délai moyen entre la prise d'une commande et l'émission d'une facture) pour bénéficier de ce financement de trésorerie.
Dans le cas du dispositif inédit imaginé par l'Etat, les factors auront la possibilité de financer une entreprise dès l'émission du bon de commande. Il se situe donc en amont de l'affacturage classique. Seule cette partie du financement située en amont de l'émission de la facture bénéficiera d'une garantie de l'Etat. L'affacturage classique tel qu'il est aujourd'hui continuera, lui, à exister sans garantie publique.
"Ce préfinancement garanti permettra aux entreprises de gagner en moyenne 45 jours de trésorerie par rapport à l'affacturage classique", résume Bercy dans un communiqué.
2. Quel est son objectif ?
Ce système doit permettre de faciliter la prise de commande des petites et moyennes entreprises, en finançant le démarrage de leur production. Bien souvent, ces dernières doivent, en effet, engager un certain nombre de dépenses (paiement des charges, des salaires, achats des matières premières, etc.) en amont même de l'émission de la facture. Ce serait le cas, par exemple, d'un sous-traitant d'un grand fabricant d'avions chargé de produire plusieurs trains d'atterrissage.
"Ce préfinancement de court terme permettra également de détendre les délais de paiement au sein des chaînes de valeur, notamment dans l'industrie, le bâtiment et la construction", précise Bercy.
3. Quel est le montant alloué par l'Etat ?
Le dispositif s'inscrit dans l'enveloppe des 300 milliards d'euros dédiée aux prêts garantis par l'Etat (PGE), qui aujourd'hui a déjà été utilisée à hauteur de 120 milliards d'euros. Au total, Bercy s'attend à ce qu'une poche de 20 milliards d'euros puisse être engagée sur ce nouveau dispositif.
4. Qui pourra proposer ce financement aux entreprises ?
Seules les sociétés financières et les établissements de crédit, essentiellement les acteurs traditionnels donc, sont éligibles. Pour l'heure, la première mouture du dispositif n'inclut pas les fintech spécialisées dans l'affacturage, comme Finexkap (affacturage en ligne) et Pytheas Capital Advisors (affacturage inversé et collaboratif), qui évoluent respectivement en tant que société de gestion et fonds d'investissement alternatif.
Ces jeunes sociétés espèrent néanmoins pouvoir être intégrées à ce nouveau dispositif dans un second temps, à l'image des plateformes de prêts participatifs, qui depuis le 8 mai dernier, peuvent aussi distribuer des PGE aux entreprises.
"Cela crée un énorme appel d'air et cela va dans le très bon sens", estime néanmoins, fair-play, Cédric Teissier, directeur général de Finexkap.
5. Quand ce nouveau dispositif sera opérationnel ?
Bercy vise une mise en route dans le courant de l'été, avant la rentrée de septembre. Le cahier des charges est toujours en cours de rédaction. Le dispositif doit être définitivement voté par le Parlement et être soumis à l'approbation de la Commission européenne puisqu'il inclut une garantie de l'Etat. Plusieurs paramètres doivent encore être définis, comme le prix de la garantie qui pourrait s'élever à 0,25% la première année, à l'image du PGE. Une fois sur les rails, le dispositif sera applicable aux financements de commandes prises jusqu'au 31 décembre 2020.
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