Airbus : plus de 600 A320 NEO cloués au sol au premier semestre 2024 à cause des moteurs Pratt & Whitney

C'est l'erreur qui valait trois milliards. Deux mois après avoir dévoilé un risque induit par un problème de qualité dans la production de ses moteurs PW1100G, Pratt & Whitney (groupe RTX) a présenté un plan pour résoudre la situation. Et cela va coûter cher au motoriste américain, mais aussi aux compagnies qui opèrent des Airbus A320 NEO qui verront leurs appareils momentanément cloués au sol.
Léo Barnier
Equipant l'A320 NEO d'Airbus, le PW1100G-JM (dit aussi GTF) est rattrapé par un problème de qualité dans sa production entre 2015 et 2021.
Equipant l'A320 NEO d'Airbus, le PW1100G-JM (dit aussi GTF) est rattrapé par un problème de qualité dans sa production entre 2015 et 2021. (Crédits : Reuters)

Le coup est rude pour le motoriste américain Pratt & Whitney et sa maison-mère RTX. Après avoir révélé en juillet la présence de « contaminants microscopiques » dans une poudre de métal utilisée pour produire certaines pièces des moteurs PW1100G-JM, l'équipementier a détaillé les conséquences opérationnelles et financières de cette situation. Et le bilan va être lourd pour Pratt & Whitney, mais aussi pour les opérateurs de centaines d'appareils de la famille A320 NEO d'Airbus équipés de ces moteurs.

« Pour être clair, cette nouvelle perturbation due à la contamination par la poudre métallique est frustrante et aura un impact significatif sur nos clients, nos partenaires et RTX », a assumé d'entrée de jeu Gregory Hayes, PDG de RTX. Le dirigeant a ensuite confirmé la mise en place d'un plan d'inspection et de gestion de la flotte pour faire face à cette contamination, qui affecte potentiellement les moteurs PW1100G-JM (dit aussi « GTF ») produits entre fin 2015 et 2021. Pas moins de 3.000 moteurs sont concernés par ce plan.

« Nous avons littéralement travaillé jour et nuit pour développer le programme de gestion de la flotte du GTF afin de répondre à l'exigence d'inspection renforcée dont nous avons discuté en juillet », a assuré Gregory Hayes, PDG de RTX.

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Des avions cloués au sol

Résultat : de nombreux moteurs vont devoir être inspectés pour vérifier l'état des disques de turbine et de compresseur haute-pression. Environ 600 à 700 moteurs seront ainsi déposés pour des visites en atelier entre 2023 et 2026, en plus des visites déjà programmées normalement. La majorité de ces déposes auront lieu d'ici au début de l'année prochaine. Le changement des disques et la remise en état des moteurs nécessitera des interventions lourdes, d'une durée allant de 250 à 300 jours, avant de pouvoir être remis en service.

Ces déposes de moteurs vont avoir un impact conséquent pour les compagnies qui opèrent des avions de la famille A320 NEO. Bien que la production actuelle de Pratt & Whitney ne soit pas concernée par cette contamination, le motoriste va avoir des difficultés à assurer en parallèle le remplacement des moteurs touchés et la mise en service de moteurs et des pièces neufs. Cela va donc se traduire par l'immobilisation d'un très grand nombre d'Airbus A320 et A321 NEO.

« Nous prévoyons maintenant une moyenne de 350 avions immobilisés au sol pour la flotte d'A320 motorisés par le GTF de 2024 à 2026, avec un pic de 600 à 650 avions au sol au cours du premier semestre 2024 », a dû se résoudre à annoncer Christopher Calio, directeur des opérations.

De son côté, Airbus a assuré Pratt & Whitney de son soutien pour la mise en œuvre de ce plan et limiter les conséquences indirectes potentielles. Le constructeur a assuré qu'il « n'y a pas d'impact direct sur la livraison des moteurs de Pratt & Whitney à Airbus, et donc d'Airbus à nos clients ». Du moins pour 2023. La question se posera davantage par la suite, comme l'avait déclaré Guillaume Faury, président exécutif d'Airbus en juillet dernier : « Pour résumer, je ne m'attends pas à des perturbations en 2023 pour nous. Pour ce qui est de 2024/2025, il y a beaucoup de travail à faire sur les conséquences potentielles indirectes chez Pratt. »

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Un impact financier lourd

La facture va se chiffrer en milliards de dollars sur plusieurs années. RTX annonce que ce plan d'inspection et de gestion de la flotte de PW1100G-JM concernés va avoir un impact brut de l'ordre de 6 à 7 milliards de dollars. Propriétaire du programme à 51 %, Pratt & Whitney verra son résultat opérationnel touché à hauteur de 3 à 3,5 milliards de dollars, avec une charge non récurrente d'environ 3 milliards de dollars au troisième trimestre de cette année.

Partenaire du programme, le motoriste allemand MTU Aero Engines estime que cela pèsera à hauteur de 1 milliard de dollars sur son résultat opérationnel en 2023, comme le rapporte Reuters.

La situation va aussi se répercuter sur la génération de cash de RTX, qui prévoit une perte de trésorerie totale d'environ 3 milliards de dollars entre 2023 et 2025. Le groupe a ainsi révisé son objectif de flux de trésorerie disponible en 2025 de 9,5 à 7,5 milliards de dollars.

« Les charges financières liées à la question de la fabrication de poudres métalliques, qui seront comptabilisées ce trimestre, reflètent l'impact de cette affaire et la façon dont nous prévoyons de soutenir nos clients. Cela dit, la situation financière de RTX reste solide et nous restons bien positionnés pour mettre en œuvre nos priorités stratégiques », a avancé Neil Mitchill, directeur financier de RTX, tentant tout de même de se montrer rassurant. Tout comme Gregory Hayes, qui a conclu sa présentation en rappelant qu'il ne s'agissait pas d'un problème structurel pour le PW1100G-JM.

Léo Barnier

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Commentaires 5
à écrit le 12/09/2023 à 18:57
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C'est bon pour boeing ?

à écrit le 12/09/2023 à 11:33
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Est-ce que ce problème impacte également Boeing ? Je crois que le 737Max n'a que CFM comme motorisation. Mais ça pourrait impacter d'autres programmes ?

à écrit le 12/09/2023 à 9:08
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Meme la qualite made in usa est a prendre avec des pincettes, c'est dire la deliquescence de ce pays, qui jadis construisait sur et solide.

le 12/09/2023 à 13:52
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Peut être... mais, lui, il construit. Ce n'est pas demain la veille que vous allez voler dans un avion russe, voire même chinois (plutôt marché national).

le 12/09/2023 à 16:18
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Les Américains essaient de faire comme les Français

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