Avec le rachat de Cobham AeroComms, Thales affiche ses ambitions dans le cockpit connecté

Le cockpit du futur sera connecté. Pour Thales en tout cas, cela ne fait aucun doute. Et en la matière, l'électronicien français compte bien mettre toutes les chances de son côté avec le rachat de Cobham Aerospace Communications. De quoi préparer les futurs échanges sol-bord, les communications numériques et, à plus long terme, le pilote unique à bord.
Léo Barnier
Thales veut finaliser l'acquisition de Cobham Aerospace Communications au premier semestre 2024.
Thales veut finaliser l'acquisition de Cobham Aerospace Communications au premier semestre 2024. (Crédits : Regis Duvignau)

« L'intention est tout à fait claire. Cela va nous amener la connectivité ». Yannick Assouad n'y va pas par quatre chemins au moment d'évoquer le rachat de Cobham Aerospace Communications - dit aussi AeroComms - par Thales. Rencontrée lors de la conférence World Connect organisée par le groupe APG à Monaco, la directrice générale adjointe en charge des activités Avioniques du groupe français a détaillé pour La Tribune la stratégie derrière cette opération, évaluée à plus de 1,1 milliard de dollars.

« Cobham Aerospace Communications est l'une des premières sociétés dans le monde et la première en Europe à avoir certifié une antenne cyber sécurisée en bande L avec la constellation satellitaire Inmarsat. Ce qui constitue une première brique pour la connectivité du cockpit avion », explique Yannick Assouad. Un domaine que Thales entend bien développer, en particulier autour de sa suite FMS (Flight management system, soit l'ordinateur de bord qui assure la gestion du vol) baptisée Pureflyt.

Si les premières applications pourraient se situer dans le domaine des e-VTOL (appareils électriques à décollage et atterrissage verticaux), l'objectif final est de passer à une application dans l'aviation commerciale. « Si nous voulons mettre plus de sécurité, si nous voulons diminuer le nombre de pilotes, nous avons besoin de connecter l'avion à l'ATC (contrôle aérien, NDLR) et au monde extérieur », détaille la dirigeante de Thales. En évoquant l'extérieur, elle pense plus particulièrement à l'échange de données météorologiques en temps réel, ce qui pourrait constituer le premier cas d'application pour l'aviation commerciale.

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Vers un cockpit connecté

Une fonction parfaitement intégrable dans Pureflyt, avionique conçue dès le départ autour de cette connectivité. « C'est en effet un FMS et un assistant pilote. Et dans l'assistant pilote, vous pouvez intégrer beaucoup de choses, notamment des communications externes, que ce soit la météo ou l'ATC, que le pilote décide ou non de d'intégrer dans le FMS. C'est pour cela que nous avons besoin de Cobham Aerospace Communications », explique Yannick Assouad. Autant de fonctions qui vont permettre, selon elle, d'accroître la sécurité des vols, de réduire la consommation de carburant ou encore limiter les effets non-CO2 en évitant les zones de condensation par exemple.

« S'il y a un incident météo, l'assistant pilote va non seulement dire au pilote qu'il y a un incident météo, mais il va lui proposer une trajectoire modifiée au même moment. Pour ne pas surcharger le pilote, l'assistant va lui dire pourquoi il soumet une trajectoire modifiée et lui proposer de l'envoyer à l'ATC de façon automatique. Si le changement de route est validé par l'ATC, le pilote peut alors demander à l'assistant de l'intégrer dans le FMS », Yannick Assouad, directrice générale adjointe en charge des activités Avioniques de Thales.

Les portes sur le monde extérieur vont s'ouvrir tout de même très progressivement, en particulier à cause du risque cyber. Si l'aviation a peu à peu ouvert la connectivité sol-bord pour la transmission de certaines données de maintenance (messages Acars) ou la cabine (Wi-Fi), le cockpit est resté jusque-là un monde relativement étanche. D'où le maintien de cette ségrégation entre l'ordinateur et l'assistant pilote qui communique avec le monde. La validation des informations par le pilote avant leur intégration dans le FMS va rester une étape indispensable pour plusieurs années encore, avant que des concepts « plus intégrés » ne voient le jour. « Dans un futur plus lointain, il n'y a pas de raison que cette transmission de données ne se fasse pas », ajoute celle qui est membre du comité exécutif de Thales.

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Voix numérique

Toujours dans l'optique de renforcer les communications sol-bord de façon sécurisée, Yannick Assouad indique aussi « que Cobham est également un spécialiste de l'audio et de la radio dans le cockpit, domaine que Thales a abandonné sur la partie civile ». Une brique qu'elle juge pourtant indispensable dans la maîtrise du cockpit connecté au même titre que la liaison de données. Le retrait de Thales de ce domaine avait d'ailleurs permis à la société filiale du groupe britannique Cobham de s'imposer sur l'ensemble des appareils Airbus.

Cela pourrait permettre une accélération des travaux de Thales dans la reconnaissance vocale pour les pilotes. « Nous allons jusqu'à imaginer que la voix du pilote puisse être digitalisée. Nous travaillons sur ce genre de système pour communiquer de manière digitale et non plus audio », explique Yannick Assouad, qui y voit un fort potentiel pour réduire les risques d'erreurs et de mauvaise compréhension entre les pilotes et les contrôleurs aériens. Un travail qui nécessite une bonne dose d'intelligence artificielle, ne serait-ce que pour s'accommoder des accents linguistiques de chacun.

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2026 en attendant 2035

Pureflyt va entrer en service fin 2026 sur l'ensemble les gammes A320, A330 et A350 (neufs et en rétrofit), Airbus ayant sélectionné le produit Thales ainsi que son concurrent développé par l'industriel américain Honeywell. Soit deux ans après la finalisation du rachat de Cobham AeroComms, attendue au premier semestre 2024. Mais, Yannick Assouad pense déjà au futur programme qui pourrait être lancé par Airbus d'ici 2027-2028 pour une mise en service à l'horizon 2035. Elle voit dans cet avion conçu à partir d'une « feuille blanche », la possibilité de mettre en place « des fonctions beaucoup plus automatisées » que pour les appareils actuels.

A plus long terme, Yannick Assouad n'oublie pas non plus le Single pilot operations (SPO), soit la possibilité de n'avoir plus qu'un seul pilote dans le cockpit, pleinement assisté par l'ordinateur de bord. Mais elle sait que le chemin de l'acceptation est encore long, que ce soit de la part des pilotes comme de celle des passagers.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 13/11/2023 à 6:54
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Bonjour, comme toujours l'ons souhaitent aller trops vite , le pilote unique a bords ( dans les avion de transport)n'est pas pour demain... Avant ils faudra développer une IA , une Intelligence Artificielle capabe de remplacer un humain dans tous l...

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