Le patron d'Emirates, Tim Clark, distribue les mauvais points à Airbus et Boeing avant le salon aéronautique de Dubaï

Véritable stratège du transport aérien, Tim Clark sait ruer dans les brancards quand l'occasion se présente. A quelques jours de l'ouverture du Dubaï Airshow, il n'a pas hésité a sévèrement tancer l'industrie aéronautique pour ses problèmes de production à répétition ces dernières années. Et ce, alors même qu'il prépare actuellement une nouvelle commande massive d'avions long-courriers, qui pourrait être annoncée lors du salon.
Léo Barnier
Tim Clark, président d'Emirates, lors du Paris Air Forum en juin dernier.
Tim Clark, président d'Emirates, lors du Paris Air Forum en juin dernier. (Crédits : DR)

Le salon aéronautique de Dubaï est sur le point de s'ouvrir, lundi prochain. Tous les regards du transport aérien vont alors se tourner vers l'émirat du Moyen-Orient, et plus spécifiquement vers Emirates. Forte de résultats records depuis un an et demi, la compagnie aérienne est pourtant à la croisée des chemins comme le reconnaît lui-même Tim Clark, son président.

Elle se prépare à fermer « la seconde époque de son développement pour en ouvrir une nouvelle », qui va l'emmener sur les vingt prochaines années. Et cela passe en particulier par la construction d'une nouvelle flotte pour succéder à ses Airbus A380. Une nouvelle commande géante pourrait ainsi intervenir lors du Dubaï Airshow. Mais en attendant, Tim Clark n'hésite pas à faire savoir ses quatre vérités à l'industrie aéronautique. Présent à Monaco la semaine dernière lors du World Connect d'APG, il ne s'est pas privé d'une cinglante saillie à l'encontre des industriels.

Interrogé sur ce à quoi ressemblera sa commande à venir et sa future flotte en conclusion d'une table ronde sur le futur du transport aérien, Tim Clark a d'abord calmement expliqué qu'Emirates « prépare les 20 ou 30 prochaines années et (que) nous avons des plans pour cela. Le plan de flotte, sa maîtrise, la taille, l'ajustement et le nombre d'avions entrant dans ce plan de flotte en font partie ».

Mais ensuite, tout en restant léger dans le ton, le très expérimenté patron d'Emirates s'est montré dur dans ces propos : « En ce qui concerne l'incapacité de l'industrie aérospatiale, des fabricants, des équipementiers, de la chaîne d'approvisionnement à nous livrer les bonnes nouvelles en temps voulu, c'est une situation désolante. »

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Des directions fautives

Tim Clark reconnaît bien sûr l'impact de la pandémie de Covid sur les perturbations qui agitent l'industrie aéronautique aujourd'hui, mais pour lui le mal est plus profond avec des erreurs d'ingénierie et de conception qui perdurent. Il cite ainsi « la pression maximale » causée par les problèmes rencontrés par les moteurs GTF de Pratt & Whitney, qui vont clouer au sol une partie de la flotte d'Airbus A320 NEO au premier semestre 2024, mais aussi « les nombreuses défaillances au niveau de la qualité de la production du 787 et d'autres appareils ».

« Il s'agit de problèmes de gestion qui devraient être contrôlés par la direction et qui sont donc inexcusables, à mon avis. Ce n'est pas la façon dont, par exemple, nous gérons notre entreprise. Nous avons des contrôles de qualité pour pratiquement tous les points de contact avec les clients. Je les vérifie personnellement tous les jours. Je peux vous dire combien de bagages ont été maltraités, combien se sont perdus. [...] Il est très important de garder un œil sur tous ces éléments », a lancé Tim Clark.

Il a ensuite estimé que c'est le genre de pratique que devrait adopter l'industrie aérospatiale, « plutôt que de se préoccuper de l'aspect financier des choses, comme les flux de trésorerie, les bilans, les primes des dirigeants et tout le reste. Il suffit de faire le travail, de nous donner des avions qui fonctionnent, des avions qui ne coûtent pas cher à entretenir ou du moins qui n'augmentent pas les dépenses. »

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Loin de s'arrêter en si bon chemin, le dirigeant emblématique d'Emirates a également eu un mot pour les motoristes à qui il demande « des moteurs qui ne doivent pas être déposés après deux ou trois ans sous l'aile », mais au moins 6 à 8 ans avant une maintenance lourde. Il a enfin regretté de ne pas pouvoir aller contrôler ce qu'il se passe « lorsqu'un site de production aux États-Unis, en Europe ou ailleurs ne fait pas son travail correctement » en envoyant « (ses) ingénieurs à Hambourg, à Toulouse ou en Caroline du Sud ».

S'il n'est pas forcément le plus touché par ces problèmes spécifiques même si Emirates dispose d'une commande de trente 787-9, Tim Clark doit faire face aux retards à répétition du 777X. Cela fait maintenant dix ans qu'il a commandé 150 exemplaires lors du lancement du programme, déjà au salon de Dubaï. La première livraison était alors prévue en 2020, avant de glisser en juin 2021, puis fin 2023 et maintenant probablement fin 2025, selon une interview accordée à Bloomberg en septembre. En 2019, Emirates avait d'ailleurs raboté sa commande de 35 exemplaires, remplacés par les trente 787.

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Des commandes à venir malgré tout

Malgré ses déclarations tonitruantes et ce retard qui n'en finit pas de s'allonger, Tim Clark devrait bientôt signer un chèque de plusieurs dizaines de milliards de dollars à Boeing ou Airbus pour poursuivre le renouvellement de sa flotte, comme il l'avait confirmé lors du salon du Bourget, en juin dernier. Il était alors fait mention d'une fourchette comprise entre 100 et 150 avions.

Privé de la possibilité de commander de nouveaux Airbus A380 depuis l'arrêt du programme et la livraison du dernier exemplaire fin 2021, et malgré tout son amour pour cet avion, Tim Clark doit en effet se résoudre à préparer leur sortie. Les plus vieux, qui approchent la quinzaine d'années, doivent ainsi être remisés au début de la prochaine décennie. Et ce n'est pas chose aisée que de remplacer une flotte de 119 super jumbo (dont 104 remis en service au 30 septembre).

Si le 777-9 - plus grosse des deux versions du 777X - semblait être le successeur tout désigné, le programme est handicapé par les retards susmentionnés. D'ailleurs, Emirates a commandé 50 A350-900 en 2019, qui seront livrés rapidement à partir de l'été prochain. Et Tim Clark a encore confié récemment son intérêt pour l'A350-1000, compétiteur du 777-9. Le salon qui s'ouvre dans quelques jours pourrait donc se révéler déterminant pour le futur visage d'Emirates, même s'il est toujours envisageable de voir la compagnie acheter des A350-1000 et de reprendre des 777-9 dans le même temps. En revanche, Tim Clark a écarté la possibilité de miser davantage sur le 787 pour le moment, malgré des négociations en cours avec Boeing.

Léo Barnier

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Commentaires 6
à écrit le 12/11/2023 à 7:59
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Travailler chez un avionneur et une compagnie aerienne font appel a des qualites et connaissances tres largement differentes et se chevauchent sur une faible interface. Ce Monsieur profite de sa position de client majeur pour donner des lecons en ...

à écrit le 11/11/2023 à 11:28
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Le client étant toujours roi, il joue sur la rivalité Boeing Airbus pour obtenir les meilleurs offres en terme de prix et délais de livraison.

le 11/11/2023 à 14:40
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Vous oubliez le cout de la maintenance , très très important la maintenance d'un avion civil ou militaire .Et il faut également savoir que le choix de la motorisation relève de la décision de la compagnie et non de l'avionneur ...

à écrit le 11/11/2023 à 10:13
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Bonjour, bon ils peuvent acheter des avion russe ou chinois, voir si sa fonctionne mieux... Nous parlons ici d'une compagnie aérienne dans un etat au condition climatique extrême... ( chaleur, tempête de sable ). Ne pas oublié que tous cela s'e...

à écrit le 10/11/2023 à 23:38
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Il peut aussi acheter de ComaC Chinois🤣

le 11/11/2023 à 9:53
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il faut que airbus et Boeing refuse de lui vendre avion et piece détaché et ce petit bon homme sera au chomage

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