Défense : Ultra Electronics accepte de se vendre à Cobham, Londres va-t-il s'y opposer ?

Après une quinzaine de jours de réflexion, l'équipementier spécialiste des communications militaires, Ultra Electronics, accepte la fusion avec le groupe Cobham, détenu par un fonds d'investissement américain. L'opération, d'un montant de 2,6 milliards de livres (3,06 milliards d'euros), est désormais examinée par le gouvernement britannique, qui pourrait s'opposer au deal grâce à un attirail législatif en cours de renforcement afin de garantir sa "sécurité nationale".
Ultra electronics travaille notamment en étroite collaboration avec la Royal Navy.
Ultra electronics travaille notamment en étroite collaboration avec la Royal Navy. (Crédits : ROyal Navy)

C'est l'heure des grandes manœuvres dans l'industrie de la défense britannique. L'équipementier Ultra Electronics a annoncé lundi avoir donné son accord à un rachat pour un montant de 2,6 milliards de livres (3,06 milliards d'euros) par le groupe de défense Cobham, anciennement britannique et désormais détenu par un fonds d'investissement américain, après avoir obtenu des garanties sur ses contrats noués avec le Royaume-Uni.

Le dossier, initié fin juillet, était jusqu'alors étudié par le conseil d'administration du groupe britannique tant les contrats d'Ultra Electronics sont sensibles. L'équipementier spécialisé dans les systèmes de communication radio à destination des forces terrestres, aériennes et maritimes, travaille en effet avec des acteurs clés du secteur de la défense britannique, particulièrement la Royal Navy pour qui il participe à la fabrication de sonars. Après une quinzaine de jours de réflexion, les administrateurs ont estimé que les conditions proposées par l'entreprise acquéreuse, détenue par le fonds américain Advent, étaient "justes et raisonnables".

Cobham s'est en effet engagé auprès des autorités à préserver les intérêts de sécurité nationale du Royaume-Uni, à investir dans la main-d'œuvre britannique, à conserver le siège d'Ultra dans le pays et à accroître les dépenses en recherche et développement.

Londres devra encore donner son accord

Si le conseil d'administration a donné son accord, le feu vert définitif devrait toutefois venir du gouvernement britannique. Cobham va désormais discuter avec l'équipe du Premier ministre Boris Johnson afin de se mettre d'accord sur les détails de ces engagements qui s'appliqueront immédiatement une fois l'acquisition bouclée, ce qui est espéré pour le premier trimestre de 2022.

Lors de l'annonce de cette opération, fin juillet, Londres n'avait pas tardé à réagir. "Même s'il s'agit d'une affaire commerciale pour les entreprises impliquées, nous suivons de près la transaction", avait indiqué alors un porte-parole du gouvernement.

Le gouvernement britannique peut en effet intervenir dans ce type d'opération. Une loi de 2002 lui permet de le faire quand une fusion peut avoir un impact sur la sécurité nationale et la défense, la pluralité des médias, la stabilité du système financier, ou encore la santé publique. Cette loi datant du début des années 2000 va en outre être renforcée début 2022 avec de nouvelles mesures, ce qui permettra au gouvernement d'analyser plus en profondeur les opérations, poser des conditions pour qu'elles aboutissent, ou bien simplement les interdire. Et cette nouvelle loi aura un effet rétroactif à novembre 2020 et pourrait donc être utilisée dans le cas de l'opération entre Cobham et Ultra Electronics.

L'administration britannique pourrait également utiliser son artillerie législative dans d'autres deals actuellement en cours de négociation et scrutés de près tant ils relèvent de la "souveraineté nationale". Le gouvernement britannique pourrait bloquer le rachat de l'entreprise ARM, l'un des leaders mondiaux de la production de semi-conducteurs, installée à Cambridge, par le géant américain Nvidia, spécialiste des cartes graphiques, pour un montant de 40 milliards de dollars. ARM fournit notamment des puces électroniques pour des infrastructures critiques du pays ainsi que pour le secteur de la défense. Autre opération de rachat qui préoccupe le pouvoir britannique, celle du plus grand fabricant britannique de semi-conducteurs, Newport Wafer Fab, par Nexperia, société néerlandaise appartenant au groupe chinois Wingtech, annoncé le 5 juillet dernier. Le montant n'a pas été dévoilé mais la chaîne américaine CNBC croit savoir qu'il atteint 63 milliards de livres.

Champion des communications militaires

Si l'acquisition d'Ultras Electronics par Cobham aboutit, elle visera à créer un géant des systèmes de communication. Cette fusion va "créer une entreprise d'électronique de défense sur une plus grande échelle, rassemblant deux groupes avec des compétences complémentaires", que ce soit dans la technologie ou la production, se félicite Simon Pryce, directeur général d'Ultra Electronics, dans un communiqué publié ce lundi 16 août.

Parmi ses clients figurent les gouvernements appartenant au réseau Five Eyes, des collaborations dans le renseignement qui comprend le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il travaille également avec des grands groupes comme les américains Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman, ou le britannique BAE Systems. Quant à Cobham, entreprise née dans les années 1930, ses activités se concentrent dans l'électronique, les communications, la technologie pour les satellites ou encore le ravitaillement en vol.

(avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 16/08/2021 à 18:40
Signaler
@l'auteur: Pouvez-vous nous dire ce que cela signifie concrètement lorsqu'un fond d'investissement étranger (USA en l'occurence) possède une entreprise de haute technologie ? Est-ce que le fond qui possède à un droit de regard sur les technologies dé...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.