Aéronautique : la vague de consolidation chez les équipementiers s'intensifie avec le rachat de Meggitt par Parker-Hannfin

Secoué par la crise sanitaire du Covid-19, le secteur mondial de l'aéronautique commence à se restructurer. Le mouvement est important en Grande-Bretagne, comme le démontre le rachat ce lundi de l'équipementier Meggit par Parker-Hannfin pour 7,37 milliards d'euros, quelques jours seulement après l'opération Cobham-Utra Electronics. La dynamique pourrait toucher la France au regard de l'éclatement des acteurs, de la situation économique des sous-traitants et des grands donneurs d'ordres, sans oublier les dernières évolutions vers l'avion vert, qui redessine les besoins industriels. Explications.
L'entreprise britannique, qui a réalisé 2 milliards de livres sterling (2,3 milliards d'euros) de chiffre d'affaires en 2018, intègre donc le giron d'un poids lourd du secteur, Parker-Hannafin, fort de 13,8 milliards de dollars (11,6 milliards d'euros) de revenus.
L'entreprise britannique, qui a réalisé 2 milliards de livres sterling (2,3 milliards d'euros) de chiffre d'affaires en 2018, intègre donc le giron d'un poids lourd du secteur, Parker-Hannafin, fort de 13,8 milliards de dollars (11,6 milliards d'euros) de revenus. (Crédits : Reuters)

La crise du covid-19 qui a lourdement frappé l'aéronautique va-t-elle bouleverser la supply chain du secteur ? En tout cas, les opérations de consolidation s'accélèrent, particulièrement au Royaume-Uni. L'équipementier aéronautique britannique Meggitt va être racheté pour 6,3 milliards de livres (7,37 milliards d'euros) par l'américain Parker-Hannifin. L'industriel spécialisé dans les équipements technologiques notamment pour l'aéronautique propose un prix de 800 pence par action (9,4 euros). Il s'agit d'une prime de plus de 70% par rapport au cours de clôture de vendredi. Ce matin, le titre de Meggitt bondissait de 52%, à 736,40 pences  (8,5 euros) par action, à la place de Londres.

L'entreprise britannique, qui a réalisé 2 milliards de livres sterling (2,3 milliards d'euros) de chiffre d'affaires en 2018 intègre donc le giron d'un poids lourd du secteur, Parker-Hannafin, fort de 13,8 milliards de dollars (11.6 milliards d'euros) de revenus. Le groupe américain explique que les deux entités sont complémentaires en termes d'activité, ce qui lui permettra de se renforcer considérablement dans l'aéronautique.

Fièvre acheteuse au Royaume-Uni

Ce deal intervient quelques jours seulement après une autre importante opération de fusion-acquisition outre-Manche. Le groupe de défense britannique Cobham a lancé une offre de rachat à 2,6 milliards de livres sur l'équipementier Ultra Electronics, afin de créer un poids lourd des systèmes de communication, a annoncé ce dernier vendredi. Ultra Electronics travaille notamment pour Boeing. Cobham, lui même racheté par le fonds américain Advent début 2020, propose 35 livres par action, soit une prime de plus de 42% par rapport au cours de clôture de jeudi, selon un communiqué.

Les deux rachats auront également un impact sur le secteur de la défense. Cobham a indiqué accepter de fournir au gouvernement britannique, un important client d'Ultra Electronics, les garanties nécessaires sur le respect de la sécurité nationale. Du côté de Meggitt, le rachat est sensible compte tenu des contrats noués entre cette entreprise et le gouvernement britannique, notamment dans la défense. Le groupe américain a par conséquent voulu apporter des assurances aux pouvoirs publics au Royaume-Uni, comme le maintien de la technologie, des usines et du siège de Meggitt dans le pays.

En août 2015, Meggitt avait acheté les activités de composites de Cobham, pour 200 millions de dollars, signe que la consolidation des secteurs était en prémisse avant la crise sanitaire. Mais pour Russ Mould, analyste chez AJ Bell, "la fièvre acheteuse au Royaume-Uni continue de se répandre rapidement". "Les actions britanniques sont considérées depuis un moment comme bon marché et la vague de fusions et acquisitions cette année montre que les investisseurs étrangers ont assez confiance pour saisir les occasions après des années de prudence", estime-t-il. Pas un jour ne passe ou presque sans annonce. Lundi matin, le gérant d'actifs britannique Sanne a par exemple annoncé avoir reçu une offre du fonds d'investissement Apex pour 1,5 milliard de livres.

Un marché en déboire depuis 2020

Ces opérations s'inscrivent en effet dans une période particulière pour l'activité aéronautique mondiale. En 2020, les compagnies aériennes ont subi d'énormes difficultés financières en raison des restrictions mondiales de voyage. Les vols internationaux ont connu une baisse de 68% par rapport aux vols intérieurs (-40%). Selon une analyse publiée sur Forbes US, les grandes compagnies aériennes ont subi une baisse de 60 % de leurs revenus par rapport à 2019.

A ces difficultés liées au Covid-19, se superposent des problèmes industriels qui ont fragilisé le secteur, notamment les déboires de Boieng, qui ne voit pas encore le bout du tunnel de ses problèmes de fabrication après les difficultés du B737Max et de son très rentable avion long-courrier 787 Dreamliner. Après une première suspension des livraisons entre novembre et mars 2021 - à cause d'un dysfonctionnement sur le raccord d'une portion du fuselage et sur le stabilisateur horizontal - puis une deuxième en mai 2021 - deux mois seulement après la reprise de l'activité -, l'appareil est de nouveau épinglé par l'administration fédérale de l'aviation américaine (FAA). En conséquence, le géant américain annonce réduire sa cadence de livraison. De son côté, l'autre géant mondial de l'aéronautique, Airbus, aurait réduit de 40% son taux de production global en 2020 en raison de la crise du Covid-19.

Face à cette réduction d'activité, les fabricants à l'échelle mondiale ont subi une baisse comprise entre 30% et 50% de leurs ventes, certains fabricants avec une plus grande part du portefeuille aérospatial commercial ont enregistré une baisse de 60 % à 70 %, explique encore Forbes. La marge de bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA) correspondait en 2020 à environ 14% en moyenne des marges en 2019.

Inquiétude sur la capacité de production des sous-traitants

Si le secteur a été fortement exposé, les contrats de défense ont toutefois fourni une certaine couverture aux fournisseurs avec de grands portefeuilles, où la majorité des entreprises de défense ont maintenu une croissance positive en 2020. Forbes estime la marge bénéficiaire avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA) en 2020 à environ 14% inférieure en moyenne des marges en 2019.

Les équipementiers ont également pu compter sur les soutiens gouvernementaux et aux grands donneurs d'ordre qui ont maintenu un taux de production, protégeant ainsi la chaine de valeur. Toutefois, plusieurs analyses se demandent si les sous-traitants pourront répondre à la hausse du niveau de production attendue au moment de la reprise. Rien que chez Airbus, c'est une production d'avions jamais observée dans l'histoire de l'aviation sur laquelle table le constructeur européen d'ici à deux ans seulement, avec des rythmes de production capables de livrer près de 800 avions par an, voire dépasser les 1.000 d'ici à 2025.

Cette demande est soutenue par les grandes compagnies aériennes. Air France-KLM a notamment annoncé une commande de 160 avions moyen-courriers, des appareils d'une capacité allant de 150 à 220 sièges. Une commande pharaonique dont la valeur dépasse 16 milliards de dollars au prix catalogue. Un record pour le groupe depuis sa création en 2004 à la suite du rachat de KLM par Air France. Reste à savoir si le constructeur européen bénéficiera de la commande ou si Boeing se taillera la part du lion.

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Des opérations déjà en France

En France, la question de la consolidation est au cœur des débats, dans un contexte où les fleurons n'ont pas encore tous retrouvé leurs niveaux d'avant-crise. Le fabricant de moteurs d'avions Safran a perdu encore plus de 20% de son chiffre d'affaires par rapport à 2020, et la chute est de plus de 40% comparé à 2019. De leur coté, Safran et Thales sont repassés dans le vert.

De fait, les grands donneurs d'ordre de la filière aéronautique ont appelé de leurs vœux une consolidation accrue de la supply chain. Figeac Aero s'est par exemple dit prêt à une fusion. Sur le bassin toulousain, Gillis Aerospace (fabricant de fixations et vis aéronautiques) ou Mapaero (traitement de surface) ont été racheté ou sont en passe de l'être par des acteurs étrangers. Dans un entretien à La Tribune, Raphaël Petit, cofondateur du bureau toulousain de la banque de conseil en fusions-acquisitions Oaklins, estime que le rapprochement entre entreprises françaises du secteur est essentiel dans le contexte de concurrence internationale :

La consolidation appelée déjà avant la crise par Airbus, qui voulait des acteurs plus gros et moins nombreux, est encore plus d'actualité. Le manque de consolidation est un facteur de fragilité, comme a pu le montrer cette crise. Il est important de faire cette mutation industrielle pour se rapprocher de ce que l'on peut voir aux Etats-Unis avec les sous-traitants de rang 1 atteignant le milliard de chiffre d'affaires. Cette étape reste à mener mais elle ne pourra pas avoir lieu avant que les sociétés aient retrouvé des couleurs.

Les évolutions technologiques à venir de la filière, vers un avion plus vert pour participer à la réduction des émissions à effet de serre, pourraient également modifier le paysage de l'aéronautique. Airbus a par exemple amorcé une réorganisation de son système industriel pour préparer l'avion du futur en se rapprochant notamment de ses filiales d'aérostructures, jugées essentielles. Selon David Corceiro, président du cabinet ACDC Partners, deux choix s'offrent aux sous-traitants.

Les fournisseurs de rang 1 comme Nexteam, Mecachrome ou Figeac Aéro vont devoir prendre un virage pour atteindre une taille critique. Le dilemme aujourd'hui pour les sociétés plus petites, qui réalisent entre 25 et 40 millions d'euros de chiffre d'affaires, est de savoir si elles créent un champion, un sous-traitant de rang 2, en se regroupant avec d'autres petites sociétés pour former un ensemble qui pèse 50 à 100 millions d'euros. La deuxième option qui s'offre à elles est de rejoindre un acteur de rang 1 pour lui permettre d'atteindre plus rapidement une taille critique.

Les prochaines semaines devraient donner une tendance plus précise à ce phénomène. L'analyste estimait que l'année 2021 serait celle des opérations de consolidation du secteur.

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Commentaires 4
à écrit le 03/08/2021 à 11:19
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Découvrez comment la Chine a dépecé un Airbus A320 pour le copier au profit de son avion commercial, lisez "L'empreinte du Dragon" de Jean Tuan chez C.LC. Editions. Une lecture édifiante et jubilatoire ! Disponible sur amazon.fr et fnac.com

à écrit le 03/08/2021 à 10:34
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J espère que toutes. Es boites britanniques ont été virées du consortium Airbus!! Et de tous les programmes Européens… A t on récupère notre indépendance dans la compensation de l euro? Aucun article à ce sujet c’ est bizarre !!!

à écrit le 03/08/2021 à 10:30
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J espère que touts ces boites britanniques ne travaillaient pas pour Airbus … sinon gare à l espionnage !!! Au fait les a t on dégage du consortium ? L Europe a t elle repris la compensation de la euro sur le d’OL continental ?.. aucun article n évo...

à écrit le 02/08/2021 à 16:13
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Les restructurations collent parfaitement avec le great reset de Davos, comme si cette dictature sanitaire n'était déjà pas particulièrement suspecte en soi... ALors si c'est bien fait ça ne peut pas faire de mal mais comment des gens pathologiquemen...

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