Sous-marins : Naval Group va envoyer la facture à l'Australie, Paris tente de relever la tête

Tandis que l'industriel français va tenter d'obtenir réparation d'une partie du contrat avorté de plus de 90 milliards de dollars, les tensions politiques créées entre les Etats-Unis et la France sont en voie d'apaisement. Mais Bruno Le Maire prévient : "nous ne pouvons plus compter sur les Etats-Unis d'Amérique pour garantir notre protection stratégique", a réagi le ministre de l'Economie au lendemain de la discussion entre les présidents Biden et Macron.
Le montant total du contrat, dont seules les premières phases ont été conclues, s'élevait à 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) au moment de la signature, soit 90 milliards de dollars en prenant en compte l'inflation sur la durée du programme et les dépassements de coûts.
Le montant total du contrat, dont seules les premières phases ont été conclues, s'élevait à 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) au moment de la signature, soit 90 milliards de dollars en prenant en compte l'inflation sur la durée du programme et les dépassements de coûts. (Crédits : Marine nationale)

Il s'agissait du plus important contrat pour du matériel de défense jamais passé tant par un industriel français que par l'Australie. Et pour sa rupture inattendue pour le constructeur Naval Group et pour la diplomatie française, il s'agira bientôt de faire payer des pénalités d'annulation. L'industriel français va ainsi remettre "dans quelques semaines" à l'Australie une "proposition détaillée et chiffrée" des "coûts déjà engagés et à venir" après la rupture du gigantesque contrat pour la construction de 12 sous-marins, a indiqué son PDG Pierre Éric Pommellet au Figaro.

« L'Australie a résilié le contrat pour "convenance", ce qui veut dire d'ailleurs que nous ne sommes pas en "faute" », a-t-il expliqué.

« C'est un cas qui est prévu dans le contrat et qui donnera lieu à un paiement de nos coûts engagés et à venir, liés à la "démobilisation" physique des infrastructures et informatique ainsi qu'au reclassement des employés. (...) Nous ferons valoir tous nos droits », a ajouté le dirigeant qui a qualifié « la décision (...) d'une brutalité inouïe. »

Naval Group avait été sélectionné en 2016 par Canberra pour fournir 12 sous-marins à propulsion conventionnelle (non nucléaire) dérivés des sous-marins nucléaires français Barracuda dont la France commence à se doter. Mais le 15 septembre, l'Australie a annoncé qu'elle rompait ce contrat pour finalement se doter de sous-marins à propulsion nucléaire dans le cadre d'un nouveau partenariat dans la région indo-pacifique, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Le montant total du contrat, dont seules les premières phases ont été conclues, s'élevait à 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) au moment de la signature, soit 90 milliards de dollars en prenant en compte l'inflation sur la durée du programme et les dépassements de coûts.

Selon lui, "en aucun cas, Naval Group n'a été sollicité pour proposer des SNA (sous-marins nucléaires d'attaque) de classe Barracuda, la toute dernière génération de ce type, à l'Australie. Un tel sujet ne peut être traité qu'au plus haut niveau de l'Etat."

Bruno Le Maire appelle les Européens à "ouvrir les yeux"

La crise a d'ailleurs eu des répercussions politiques. Mercredi soir, les présidents Joe Biden et Emmanuel Macron se sont entretenus pour renouer un dialogue, après que les ambassadeurs français ont été temporairement rappelés de Washington et de Canberra.

"Une conversation honnête qui a permis plusieurs gains importants", a résumé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. Il a estimé que Joe Biden "a reconnu la responsabilité des Etats-Unis dans la crise", ce qui n'est "pas banal", et le fait qu'"avec nous, l'Europe ne cherchait pas un grand frère mais un partenaire".

Le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, a, lui, été plus dur. Il a estimé jeudi que la crise des sous-marins montrait que l'Union européenne ne pouvait "plus compter" sur les Etats-Unis pour garantir sa protection, et a appelé les Européens à "ouvrir les yeux".

"La première leçon qu'il faut tirer de cet épisode, c'est que l'Union européenne doit construire son indépendance stratégique. L'épisode afghan, l'épisode des sous-marins, montrent que nous ne pouvons plus compter sur les Etats-Unis d'Amérique pour garantir notre protection stratégique", a-t-il déclaré sur Franceinfo.

"Les Etats-Unis n'ont plus qu'une seule préoccupation stratégique, la Chine, et contenir la montée en puissance de la Chine". Autant l'ancien président Donald Trump que l'actuel Joe Biden "estiment que leurs alliés (...) doivent être dociles. Nous, nous estimons que nous devons être indépendants", a encore pointé Bruno Le Maire.

"Il faut que nos partenaires européens ouvrent les yeux", a-t-il ajouté, critiquant le soutien apporté par le Danemark aux Etats-Unis, à contre-courant des critiques formulées par les autorités européennes. Mercredi, la Première ministre danoise, Mette Frederiksen, a défendu le "très loyal" président américain Joe Biden, indiquant ne pas comprendre "du tout" les critiques françaises et européennes.

Joe Biden et Emmanuel Macron ont convenu de se retrouver fin octobre en Europe, où le président américain est attendu pour participer au G20 à Rome les 30 et 31, puis à la COP26 début novembre à Glasgow.

Lire aussi 4 mnSous-marins : l'Australie en eaux très troubles

(avec AFP)

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Commentaires 10
à écrit le 24/09/2021 à 9:27
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D'autres médias font part d'une proposition de "révision" du montant du contrat, autrement dit d'une remise, ainsi que d'une proposition à propos d'une propulsion nucléaire.

à écrit le 23/09/2021 à 18:05
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D'abord faire payer les sommes dues pour rupture de contrat, puis annuler le traité de libre échange:)

à écrit le 23/09/2021 à 17:28
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En même temps, ci ça finit par une guerre dans le pacifique, c'est peut être mieux que ce soient les Anglais et les Australiens qui soient face aux Chinois que les Français...

le 08/05/2022 à 21:41
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Dans tous les cas la France va rentrer en guerre, peu de chance en zone pacifique plus certains en Europe de l ouest contre la Russie, nous sommes déja cobelligérant en livrant des armes lourdes a l Ukraine.

à écrit le 23/09/2021 à 14:54
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Normalement pour un contrat Africain, plus on arrose le chef d'état et plus on est sur d'avoir le marché. Dans ce cas, je ne vois pas comment il aurait fallu faire, mission impossible ...

à écrit le 23/09/2021 à 13:59
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Bien on revient dans une négo commerciale, esperons que la clause du contrat soit bien rédigée. On fait du cinéma, puis on signe un dédommagement en sauvant la face.Pour la dimension stratégique rien de neuf. Amércia First quel que soit le président...

à écrit le 23/09/2021 à 13:38
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Le Danemark a apporté son soutien aux USA. Fort bien, dont acte. C'est par ce même Danemark qu'est passée l'histoire de l'espionnage des tuyaux de communications en soutien à la NSA américaine, divulguée fin mai. Il faut vous faire un dessin ? Pr...

le 23/09/2021 à 18:14
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Il semble que personne n’est naïf. Pas plus les ministres que vous et moi. Voici des temps nouveaux, emplis d’opportunités. Rome n’est tombé que sur les champs cataloniques. Ça a pris longtemps aux Francs pour gagner leur terre. Dans ce cas, c’était...

à écrit le 23/09/2021 à 12:43
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Il apparait maintenant clairement que les USA et UK se sont alliés contre la France et en secret. Tous les bons signaux émis ces dernières semaines n'avaient pour but que d'enfumer la France. Des alliés ???

le 23/09/2021 à 18:15
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Des Young Leaders aussi ...

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