La voiture autonome, victime collatérale de la crise ?

Alors que le marché automobile s'effondre, la technologie du véhicule sans conducteur pourrait bien pâtir des arbitrages d'investissement des constructeurs. Certains usages intéressent toutefois les industriels.
Nabil Bourassi
(Crédits : DR)

Il y a peu de certitudes sur les conséquences de la crise du coronavirus dans l'industrie automobile. Seule conviction : les experts sont à peu près sûrs que le marché mondial sera amputé de près de 20% de ses immatriculations en 2020 (voire pire en cas de deuxième vague épidémique). Pour les constructeurs, la catastrophe financière qui s'annonce impose des arbitrages radicaux, et la voiture autonome pourrait directement en pâtir.

« Il y a un processus évident de sélectivité des investissements où le retour sur investissement sera un critère beaucoup plus important qu'auparavant. Autrement dit, les technologies qui vont être privilégiées seront celles qui auront une réalité commerciale à court ou moyen terme », explique Guillaume Crunelle, associé chez Deloitte et spécialiste de l'industrie automobile.

Pour Anne-Marie Idrac, commissaire chargée de la voiture autonome pour le gouvernement français, le processus est antérieur :

« Il y a un recalage sur la voiture autonome, mais qui était déjà en cours avant la crise du coronavirus. Il est vrai qu'il y a une révision des priorités, notamment en faveur de l'électrification qui a pris plus de poids avec le Green Deal.»

Les collectivités locales restent demandeuses

Depuis bientôt deux ans, les constructeurs automobiles ont en effet changé de discours autour de la voiture autonome. La promesse de la voiture sans volant, où une famille regarde un film au cours d'un trajet, relève désormais de la science-fiction. D'autant que les investissements dans la voiture électrique sont également élevés.

« On en a terminé avec l'angélisme sur la voiture autonome, et les business models qui n'ont jamais dépassé le stade du PowerPoint », confirme Guillaume Crunelle.

Oublié les « levels 4 et 5 » qui permettent de concevoir une voiture totalement autonome, désormais les constructeurs veulent se concentrer sur le niveau 3, plus communément appelé l'« assistant de conduite » - Adas dans le jargon. Il s'agit d'une conduite assistée, notamment sur autoroute, où il y a peu d'obstacles, mais le conducteur ne doit pas quitter le volant, ou alors sur une période très limitée. On est loin de la voiture qui restitue du temps aux chauffeurs, ouvrant ainsi la voie aux services embarqués de type contenus médias. C'était le pilier des modèles économiques esquissés, entre autres, par les Gafa, qui se sont jetés dans le développement de la voiture autonome.

Pour autant, la voiture autonome n'est pas morte. Ainsi que le rappelle Anne-Marie Idrac, « il existe encore des cas d'usage avec un modèle économique, comme les navettes ou la logistique urbaine dans un contexte où l'e-commerce est en expansion. Il n'y a pas de ralentissement des projets de recherche au niveau européen, ni même en France. Les expérimentations se poursuivent, et les collectivités locales sont toujours très demandeuses d'accueillir sur leur sol de tels projets », ajoute-elle.

Moins de projets, plus de partenariats

Aéroports, voies dédiées pour transport collectif ou livraisons, les industriels poursuivent donc leurs recherches, mais sur des projets plus restreints que celui de véhicules lâchés dans la jungle urbaine.

« La crise ne va pas diminuer la compétition sur la voiture autonome, mais faire baisser le nombre de compétiteurs. Il n'est plus nécessaire d'avoir cinquante projets pour autant de systèmes qui devront cohabiter. Au contraire, l'heure est à la standardisation », conclut Guillaume Crunelle.

Les constructeurs pourraient ainsi intensifier leur coopération sur des projets communs. Ainsi, Ford et Volkswagen viennent de renforcer leur partenariat de recherche dans la voiture autonome, l'Alliance Renault-Nissan a décidé de rationaliser la R & D sans sacrifier cette technologie, tandis que la fusion entre Fiat et PSA doit aussi permettre d'amplifier le retour sur investissement de l'autonomie. Ce n'est probablement qu'un début...

« Il y a eu une révision des priorités, notamment en faveur de l'électrification, qui a pris plus de poids avec le Green Deal. »

Nabil Bourassi

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Commentaires 10
à écrit le 22/07/2020 à 14:43
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Au contraire, ce sont les constructeurs traditionnels qui seront les victimes mais la voiture autonome se fera avec ou sans eux. Tesla, Waymo et leurs concurrents chinois prendront une partie dominante de la valeur ajoutée du secteur automobile. Le...

à écrit le 22/07/2020 à 14:20
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Les voitures individuelles sont incompatibles avec le danger majeur d'effondrement de notre civilisation. De toute façon, vers 2080, l'extraction de fer diminuera et on devra choisir où l'allouer.

à écrit le 21/07/2020 à 23:36
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Et pourquoi pas un Hal dans notre moteur comme on avait jadis un tigre ? Hardware Abstraction Layer, quand la machine s'abstrait de sa condition matérielle en dure, enfin solid state quoi. C'est dingue tout est planifié de longue date (justin d...

à écrit le 21/07/2020 à 23:01
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Je ne veux absolument pas une voiture dite autonome - c'est a dire hackable par qui sait qui et quand et certainment par le NSA etc pour tuer n'importe qui deplaise le roi. Cette "technologie" est une "solution" a rien - et quand les terroristes hack...

à écrit le 21/07/2020 à 14:59
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Ouais mais...cpte tenu de ce qu'ont déjà investi les constructeurs européens et particulièrement français sur ce sujet en RD avec des équipes dédiées ultra spécialisées, il est indispensable qu'une veille attentive soit maintenue, car des petits mali...

à écrit le 21/07/2020 à 10:04
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Des aides à la conduite, des systèmes pour améliorer la sécurité, c'est positif. Une voiture autonome dans un environnement qui n'est pas prévu pour elle est une utopie.

à écrit le 21/07/2020 à 8:55
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La voiture autonome est une lubie, faire dans la voiture ce que l'on fait a la maison est d'un ennuie...!

à écrit le 21/07/2020 à 8:31
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Crise ou pas, la voiture autonome ne pourra marcher que si tout l'environnement est autonome. On imagine difficilement un réseau de voitures autonomes au milieu duquel circuleraient des véhicules en conduite classique. Ca serait placer des chiens au ...

à écrit le 21/07/2020 à 8:22
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Si cette idée de voiture autonome pouvait réjouir, ceux qui par handicap en auraient besoin, rapidement on s'apercevrait des dégâts collatéraux que ce véhicule deviendrait dans la main des terroristes.

le 21/07/2020 à 8:59
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Le terrorisme ne sont que "des actes" publicitaires qui ont besoin des médias!

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