Renault et Nissan misent sur l'Inde et l'Amérique du Sud pour leur projet commun

Après l'accord signé lundi 6 février, place à l'opérationnel. Le groupe Renault-Nissan a annoncé plusieurs projets en commun et une force d'action internationale tournée vers l'Inde et l'Amérique latine. Pourquoi ces marchés attirent-ils autant les constructeurs automobiles ? Explications.
(Crédits : Christian Hartmann)

Un soulagement. C'est l'impression générale après la signature de l'accord entre Renault et Nissan. De part et d'autre, on souffle. Après plus de vingt ans de tensions et de ruptures, les relations entre les trois constructeurs n'ont jamais été aussi bonnes. Plusieurs projets ont pu être annoncés à l'issue des concertations. Parmi eux, deux marchés séduisent particulièrement l'alliance : l'Amérique latine et l'Inde. Des zones géographiques qui intéressent aussi d'autres constructeurs, par exemple Stellantis, qui veut faire de l'Inde « un pilier central de [son] ambition internationale ». Mais pourquoi ces régions attirent tant les groupes Renault et Nissan ?

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L'Inde, troisième marché automobile mondial

Dans le deuxième pays le plus peuplé au monde, et sûrement le premier au cours de l'année 2023 selon des estimations, la bataille des constructeurs ne fait que commencer. Avec plus de 4 millions de voitures vendues en 2022, l'Inde est le 3e plus gros marché automobile mondial selon S&P Global Mobility, devant le Japon (4e) mais encore loin derrière la Chine (1er avec 26,7 millions d'immatriculations) et les Etats-Unis (2e, avec 15,4 millions). Avec une forte croissance démographique mais surtout un PIB en hausse de près de 8% en 2022, le marché indien présente une belle perspective de vente pour les constructeurs européens.

L'alliance Renault-Nissan avait d'ailleurs ouvert une première usine en 2010 près de Chennai, la capitale de l'État du Tamil Nadu, au sud-est de l'Inde. Le constructeur français vend trois modèles sur le marché indien, dans trois catégories différentes : une citadine, un minispace et un SUV. Tous trois étaient spécifiques au marché indien, très compacts et économiques. Mais malgré ces produits, l'alliance ne détenait que 3% du marché indien en 2022, loin derrière les géants de l'automobile locaux que sont Tata Motors et Mahindra & Mahindra. Pour renforcer leur force de frappe, les deux constructeurs vont collaborer afin de présenter un nouveau SUV ainsi qu'un véhicule Nissan dérivé du Renault Triber, le crossover phare de Renault sur le marché indien. L'alliance planche également sur des citadines électriques, un marché à fort potentiel dans le pays.

Chine et Russie, des marchés risqués

En plus d'être attractif en termes de ventes de véhicules, le marché indien présente des avantages considérables. Main-d'œuvre peu coûteuse et positionnement géographique avantageux pour le reste de l'Asie. Mais Renault a surtout compris que la Chine, pays pourtant très convoité par les constructeurs français, était trop difficile à conquérir. Le groupe a terminé avec 0,8% des parts de marché en 2020 avant de se retirer et de ne commercialiser que ses véhicules utilitaires.

Le premier marché automobile mondial a décidé de subventionner très fortement les voitures électriques en particulier les matières premières et les batteries, permettant ainsi de proposer des produits moins chers. Résultat : 80% des voitures électriques utilisées dans le pays sont issues de constructeurs chinois. Seul Tesla parvient à se faire une place sur ce segment très convoité.

Le choix de groupe Renault-Nissan a donc été de privilégier l'Inde, plus low-cost que la Chine mais également moins risquée d'un point de vue géopolitique.

Renault a déjà fait les frais de son retrait de Russie après le début du conflit avec l'Ukraine. Pour rappel, le constructeur français avait cédé à la Russie ses parts dans le numéro un russe automobile Avtovaz et celles de sa filiale Renault Russie (Avtoframos), ainsi que les trois usines, pour un rouble symbolique. Le marché russe était le 2e marché après la France pour la marque au losange avec quelque 30% de parts de marché. Ce retrait lui a coûté 2,3 milliards d'euros dans les comptes au deuxième trimestre 2022, sans parler des milliards investis depuis 2010 dans la modernisation des outils industriels.

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Le Mexique, eldorado fiscal des européens

Autre marché cible : le Mexique, 2e économie d'Amérique Latine. Après l'annonce de Tesla de vouloir s'y implanter, c'est Renault qui profite de la signature de la refonte de l'alliance pour annoncer son envie de de produire de nouveaux véhicules sous son logo tout en profitant de l'attractivité de son partenaire Nissan, bien ancré sur ce territoire. Renault n'a pas produit de véhicules sous sa marque au Mexique depuis vingt ans, faute de ventes trop faibles.

Si le Mexique attire, c'est avant tout pour sa règlementation avantageuse, en particulier ses droits de douane. Le pays de 127 millions d'habitants, au 15e rang mondial pour le PIB, a négocié avec près de 44 pays pour enlever les droits de douanes, parmi eux : l'Europe, le Japon, l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud. Une aubaine pour tous les constructeurs automobiles. Le Mexique permet aussi une dévolution d'impôts sur les importations de matières premières ou autres pour toutes les entreprises qui exportent.

Aussi, le Mexique bénéficie de faibles coûts de production et de sa situation géographique avantageuse, à la fois proche du marché de l'Amérique du Nord et de celui de l'Amérique du Sud. Les constructeurs allemands de véhicules de luxe comme Audi, Mercedes et BMW ont été les premiers à s'installer là-bas. Les constructeurs asiatiques les ont ensuite rejoints pour prendre peu à peu plus de la moitié du marché.

Et l'essor va continuer puisque le Mexique a annoncé un plan de 48 milliards de dollars à destination des énergies renouvelables, dont une partie sera consacrée à l'extraction du lithium, indispensable pour les batteries électriques des véhicules.

Stabiliser les ventes en Amérique latine

Mais le groupe Renault-Nissan ne souhaite pas viser le marché nord-américain dans un premier temps. L'installation au Mexique permet surtout de stabiliser son implantation en Amérique latine, un marché clé pour l'alliance mais également un marché très volatil en termes de volumes vendus.

Cette instabilité des marchés est surtout liée à l'instabilité politique de cette zone géographique. Le directeur général de Renault, Luca de Meo, préfère ainsi raisonner en termes d'équilibrage sur toute la plaque d'Amérique du Sud afin de compenser le décrochage des ventes dans un des pays par une augmentation du volume dans un autre. Les voitures produites sur l'usine de Nissan, bien qu'aucun modèle n'ait été annoncé, auront donc un design uniquement destiné au marché global d'Amérique latine.

L'alliance continuera de développer son réseau en Argentine avec la sortie d'un nouveau pick-up, un projet partagé entre Renault et Nissan. L'Amérique latine est très importante puisque le Brésil, notamment, est le cinquième marché du constructeur français. L'alliance a déclaré continuer la collaboration sur les Nissan Frontier et Renault Alaska et renforce son offre électrique avec le lancement des Mégane et Kangoo E-Tech. L'électrique est encore un marché de niche dans cette région et c'est justement cette opportunité de développement qui séduit l'alliance.

Pour les Etats-Unis et l'Amérique du Nord en général, il faudra attendre quelque temps. Renault souhaite les conquérir avec une Alpine SUV 100% électrique d'ici 2027 ou 2028. Le constructeur français souhaite également s'appuyer sur Nissan, plus en avance que lui sur cette région, pour se déployer à l'avenir. Ce marché, pourtant très important, n'est pas la priorité du groupe pour le moment.

L'alliance a annoncé plusieurs millions voire un milliard d'euros de bénéfices après 2025 pour chacune des entreprises Renault et Nissan sur leurs projets en commun à l'issue de cette nouvelle refonte grâce, notamment, à ces nouvelles stratégies géographiques.

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