Voitures électriques : de nombreux obstacles perdurent en Inde

En Inde, Tesla s'apprêterait à faire des investissements importants dans l'électrique. De son côté, Renault et Nissan ont récemment annoncé attendre pour le lancement d'une citadine électrique, faute d'un marché suffisamment mature. Problèmes d'infrastructures, besoin de production, défi politique... Malgré une ambition forte, plusieurs obstacles freinent encore le déploiement de l'électrique dans le pays. Explications.
Tata, deuxième constructeur automobile du pays, veut vendre 25% de voitures électriques en Inde d'ici à 2026.
Tata, deuxième constructeur automobile du pays, veut vendre 25% de voitures électriques en Inde d'ici à 2026. (Crédits : ANUSHREE FADNAVIS)

C'est l'un des pays au plus fort potentiel automobile. Avec ses 1,417 milliard d'habitants et un taux d'équipement encore très faible, de nombreux constructeurs lorgnent depuis longtemps sur l'Inde, devenu le troisième marché automobile mondial. C'est le cas du patron de Tesla, Elon Musk, qui va prochainement rencontrer le Premier ministre indien, Narendra Modi, pour annoncer des investissements dans le pays, a-t-il indiqué sur X sans avancer de date. Le Financial Times a précisé qu'il pourrait s'agir d'un projet d'usine de voitures électriques estimé entre 2 à 3 milliards de dollars.

Fin mars, l'Alliance Renault-Nissan avait annoncé la sortie de 4 nouveaux SUV de leur usine commune à Chennai, au Sud-Est du pays, renforçant les 5 véhicules déjà présents sur le marché. Ces quatre modèles seront proposés en version 5 ou 7 places, mais tous dans des motorisations thermiques.

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Pourtant, l'Alliance avait annoncé deux autres véhicules sur le segment des citadines en version électrique lors d'une première présentation des projets communs en février 2023. Si cette idée n'est pas annulée, force est de constater que l'électrique n'est pas encore au menu, les deux groupes considérant que le marché n'était pas encore assez mature pour ce lancement.

Les difficultés d'alimentation en électricité

De fait, les motorisations 100% électriques représentent 1% du parc automobile indien en 2023, selon les derniers chiffres du Boston Consulting Group (BCG). L'objectif du gouvernement est d'atteindre les 30% en 2030. Un chiffre qui paraît très élevé, au vu des nombreux freins sur le marché local.

Première difficulté ? La production électrique. Le pays fait face à un boom de la demande (+9,6% en 2023), alimentée par sa fulgurante croissance économique et démographique. Résultat, les entreprises publiques indiennes construisent actuellement 27 gigawatts (GW) de centrales thermiques, presque toutes au charbon. Mais cela reste insuffisant, selon Raj Kumar Singh, le ministre indien de l'électricité et des énergies renouvelables. Il estime que le pays aurait besoin d'au moins 80 GW de nouvelles capacités pour couvrir les besoins à venir.

D'autant que cette addiction au charbon - 73% de son mix électrique - remet en question la pertinence de développer les voitures électriques sur le territoire. Dans une étude, le cabinet Carbon 4 prévenait d'ailleurs que « dans une vingtaine de pays seulement, la voiture électrique est moins vertueuse que la voiture thermique (en supposant que le mix électrique ne change pas). Il s'agit de l'Inde, de certains pays d'Afrique et du Moyen-Orient, et de pays insulaires tels que Cuba, Haïti ou l'Indonésie ».

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En outre, si le pays a établi un vaste plan de raccordement au réseau électrique ces dernières années, recouvrant la quasi-totalité des foyers désormais, les coupures d'électricité restent fréquentes. A ce stade, la charge rapide n'est pas suffisamment développée sur le territoire, ce qui oblige les foyers à s'équiper de bornes de recharge lente à domicile pour charger la nuit, si toutefois, ils souhaitaient acquérir un véhicule électrique.

Des aides pour les entreprises

Une dépense qui s'ajoute aux prix déjà très élevés des modèles électriques dans le pays. Aucun bonus à l'achat de voitures électriques neuves n'est mis en place en Inde. C'est d'ailleurs la raison principale de l'attente de Renault et Nissan pour lancer leur véhicule électrique.

« Si l'électrique est crucial ici aussi, nous avons besoin d'un écosystème et de politiques publiques qui nous aident », a insisté Luca de Meo, le directeur général de Renault, lors d'une conférence en Inde.

Le gouvernement aide néanmoins de plus en plus les entreprises à venir s'installer sur le territoire. Le mois dernier, il a annoncé la réduction des taxes à l'importation sur les véhicules électriques pour les constructeurs automobiles étrangers qui s'engagent à investir 500 millions de dollars et à démarrer la production locale d'ici trois ans. Cette taxe réduite de 15% s'appliquerait pendant cinq ans à toute voiture électrique importée d'un prix supérieur à 35.000 dollars, avait détaillé le ministère indien du Commerce dans un communiqué.

D'autres programmes d'aides ont également été mis en place ces dernières années, comme Fame pour encourager la production de voiturettes électriques ou le programme Production linked incentives (Pli) pour l'installation de toute la chaîne de valeur de production. Certains états indiens incitent par des mesures non-fiscales comme des stationnements réservés aux véhicules électriques ou l'attribution de terrains publics pour l'installation de bornes de recharge.

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Un numéro d'équilibriste politique

Toutes ces aides devront être maintenues et renforcées, pour espérer voir le marché interne décoller rapidement, sans creuser davantage les écarts entre les riches et les pauvres dans le pays. Et pour cause, en mars dernier, le World Inequality Lab a publié un bilan désastreux en Inde : 1% d'Indiens les plus riches concentrent 40% des richesses du pays, du jamais vu depuis 1961.

Le Premier ministre, Narendra Modi, a promis la croissance et le développement de l'Inde, d'où son regard vers la voiture électrique, encore apanage des pays développés. Mais des prises de décisions trop brusques pourraient enrayer la machine. Par exemple, le gouvernement avait annoncé en 2017 la fin de vente des moteurs thermiques pour 2030 avant de rétropédaler, voyant la marche trop haute.

L'ambition des constructeurs locaux

Ces freins à l'électrification n'empêchent pas l'Indien Tata, deuxième constructeur du pays avec 15% de part de marché, d'afficher un plan électrique ambitieux. Le groupe souhaite que les véhicules 100% électriques représentent 25% de ses ventes en Inde d'ici à 2026, et 50% en 2030. Son concurrent local, Maruti-Suzuki, le principal constructeur local avec 41% du marché, a quant à lui annoncé la production de véhicules électriques en 2025 dans une toute nouvelle usine complétée par une unité de production de cellules et de batteries. Le troisième acteur du marché, le coréen Hyundai lancera, de son côté, 6 modèles électriques en Inde d'ici à 2028.

Les constructeurs européens comme Renault, présent en Inde depuis 10 ans, ont également une place à prendre puisque les tensions entre l'Inde et la Chine empêchent les constructeurs automobiles chinois de pénétrer le marché. A moins que Tesla ne soit plus rapide, et ne rafle tout sur son passage.

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Commentaires 3
à écrit le 13/04/2024 à 8:11
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Des problèmes de marges bénéficiaires d'abord et avant tout et comem d'habitude puisque les gens se jetteraient sur une petite voiture simple et de qualité à 5000 euros.

à écrit le 12/04/2024 à 17:16
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L'inde sort à peine (et encore!) du Tiers Monde...la voiture électrique les infrastructures et la production d'électricité sont hors de portée pour ce pays.

à écrit le 12/04/2024 à 16:45
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"73% de son mix électrique - remet en question la pertinence de développer les voitures électriques sur le territoire" au Japon c'est 75% de charbon pour la production électrique. Si en Inde toutes les voitures sont encore à pétrole (vendu pas cher p...

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