Encadrement d'Airbnb à Annecy : « La réglementation doit respecter les droits des propriétaires » (Carole Steimlé, avocate)

TROIS QUESTIONS À Carole Steimlé, avocate associée en droit de l'immobilier au cabinet Reed Smith. Saisi par le syndicat Annecy meublés et le syndicat des conciergeries de Haute-Savoie, le tribunal administratif de Grenoble vient de suspendre l'exécution du plafonnement du nombre de locations courte durée en résidence secondaire sur le territoire du Grand Annecy.
César Armand
Pour l'avocate Carole Steimlé, cela reste un coup dur pour la collectivité.
Pour l'avocate Carole Steimlé, cela reste un coup dur pour la collectivité. (Crédits : Reuters)

Le législateur devrait s'interroger sur les freins juridiques (et non seulement économiques) qui encouragent les propriétaires de logements à se tourner vers la location courte durée.

Carole Steimlé, Reed Smith

LA TRIBUNE- Le tribunal administratif de Grenoble vient de suspendre la réglementation du Grand Annecy sur l'encadrement des meublés touristiques. Qu'est-ce que cela signifie ?

CAROLE STEIMLÉ- C'est une décision de plus parmi beaucoup d'autres, mais elle intervient dans un contexte où les maires ont décidé de faire la guerre à la location meublée touristique afin de protéger le logement. Entre les annonces de la ville de Paris, la proposition de loi en cours ou les règles prises à Saint-Malo ou à la Rochelle, le plafonnement du nombre de locations courte durée en résidence secondaire dans le Grand Annecy s'inscrit dans cette myriade. Il ne s'agit pas d'une décision définitive, dans la mesure où elle a simplement été suspendue en référé. Cela reste un coup dur pour la collectivité.

En effet, le juge des référés considère que deux moyens d'illégalité invoqués par le syndicat Annecy meublés et le syndicat des conciergeries de Haute-Savoie sont de nature à créer un doute sérieux quant à légalité des décisions attaquées. En l'occurrence, le premier est tiré de l'application de ces règlements aux personnes morales et non seulement aux personnes physiques ; le second tiré de ce que les demandeurs des autorisations doivent prouver que la location meublée touristique de courte durée est autorisée par le règlement de copropriété. Concrètement, que cela va-t-il changer ?

Je trouve le premier argument assez pertinent car l'article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation vise expressément les personnes physiques. C'est peut-être une erreur de rédaction de la part de la communauté d'agglomération haut-savoyarde qui aurait pu couvrir les logements détenus par les sociétés (notamment les sociétés civiles immobilières) en visant les occupants déclarés.

Pour le second, le principe de l'indépendance des législations conduit à écarter une analyse relevant du droit de la copropriété pour rendre une décision administrative. En pratique, il est difficile de demander aux maires de faire de l'analyse du règlement de copropriété ou de ses délibérations d'assemblées générales pour vérifier, a fortiori dans la mesure où la possibilité d'effectuer des locations meublées touristiques de courte durée est souvent sujette à interprétation. La clause d'habitation « bourgeoise », par exemple, a été utilisée par les requérants pour tenter d'interdire de telles occupations des logements. Ce point restera contrôlé, mais par le juge judiciaire et non par le juge administratif.

Si les magistrats condamnent définitivement le Grand Annecy, que va-t-il se passer ?

Si l'objectif de la protection du logement est louable, il n'en demeure pas moins que « la réglementation doit respecter les droits des propriétaires » et se concentrer sur les abus.

L'intercommunalité pourra modifier ses règlements afin de supprimer la référence à l'autorisation de la copropriété et viser uniquement les personnes physiques. Cela ne demande pas beaucoup de modifications du texte, sous réserve des éventuels autres arguments qui pourraient être soulevés dans le cadre de la procédure au fond. Reste que la nouvelle mouture devra être adoptée en séance plénière par les représentants des vingt-sept communes concernées.

Au-delà de cette décision d'espèce, le législateur devrait s'interroger, en coordination avec les professionnels du droit, sur les freins juridiques (et non seulement économiques) qui encouragent les propriétaires de logements à se tourner vers la location courte durée plutôt que vers la location classique.

César Armand

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Commentaires 5
à écrit le 17/07/2023 à 20:10
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Si les maires ne stoppent pas les locations AirBnb, nous aurons bientôt des centres villes vides d'habitants. A moins que certains d'entre eux visent cet objectif?

le 18/07/2023 à 11:15
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"A moins que certains d'entre eux visent cet objectif? " Comme les ZFE d'ailleurs.

à écrit le 17/07/2023 à 20:10
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Si les maires ne stoppent pas les locations AirBnb, nous aurons bientôt des centres villes vides d'habitants. A moins que certains d'entre eux visent cet objectif?

à écrit le 17/07/2023 à 20:06
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Une atteinte au droit de la propriété , un communisme latent , privilégié par nos politiciens .

à écrit le 17/07/2023 à 18:02
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En fait on veut sanctionner les propriétaires qui font du Airbnb car la pression des frontaliers français qui travaillent en suisses et qui ont de super rémunérations veulent vivre en France car le cout de la vie et moindre et aussi tant qu'à faire s...

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