A défaut de ministre du Logement depuis la nomination de Gabriel Attal à Matignon, c'est le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires qui joue ce rôle au gouvernement. Lors de ses vœux dans la soirée du 31 janvier à l'hôtel de Roquelaure, Christophe Béchu a communiqué sur « une accélération sur la rénovation énergétique ».
Mi-février, il annoncera ainsi « une simplification » du diagnostic de performance énergétique. L'idée ? « Conserver l'ambition du calendrier initial, tout en fiabilisant le dispositif pour les petites surfaces, et en actant des mesures de flexibilité qui permettront aux propriétaires et aux locataires d'aborder la date du 1er janvier 2025 avec plus de confiance », a poursuivi Christophe Béchu.
Un diagnostic obligatoire pour louer ou vendre son logement
Créé en 2006, le diagnostic de performance énergétique (DPE) évalue la consommation d'énergie d'un logement et son impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Selon que le logement est classé G, F ou E, par ce même diagnostic, il sera impossible de le louer en 2025, 2028 et 2034, en application de la loi Climat et Résilience de 2021.
Ce diagnostic est en effet obligatoire pour louer ou vendre un logement. Réformé à la hâte en 2021, il ne se fonde plus sur les factures d'énergie, mais sur les caractéristiques du logement.
Le 10 janvier, le Conseil d'analyse économique (CAE), rattaché à Matignon, a remis en cause son mode de calcul. Le 24 janvier dernier, le patron de Bercy, Bruno Le Maire avait, lui, promis à des entrepreneurs, de le simplifier.
« Le DPE est améliorable, pas simplifiable », réagit, pour La Tribune, le président d'Effy, leader français de la rénovation énergétique.
« Sa fiabilité dépend des résultats du logiciel et de l'attention que le diagnostiqueur met dans les paramètres », nuance Frédéric Utzmann.
Un constat partagé par le délégué général de Plurience, l'association des grandes entreprises de la gestion et de la transaction immobilières. « Les diagnostiqueurs rentrent des données dans un logiciel. Certains mettent des valeurs par défaut, tandis que certains regardent dans le détail les factures de travaux », expose Pierre Hautus.
Avant de mettre en garde l'exécutif : « D'autres encore poussent même l'idée qu'il faudrait revenir à un calcul sur la base des factures, mais ce serait un retour en arrière ».
L'électricité pénalisée dans le nouveau DPE de 2021
« A part modifier l'algorithme de calcul, je ne vois pas comment le DPE pourrait être aménagé », appuie, de son côté, le président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), Loïc Cantin. A la tête du premier réseau d'agences immobilières, il appelle le gouvernement à reprendre la proposition de loi visant à atténuer la crise du logement par une modification rationalisant la méthode de calcul du diagnostic de performance énergétique, portée par la sénatrice (LR) de Haute-Savoie, Sylvia Noel.
Dans ce texte, la parlementaire s'étonne en effet que le DPE version 2021 impose à l'électricité une pénalité. De fait, elle conduit à multiplier par 2,3 la consommation réelle du logement.
« Un logement chauffé au gaz émet environ 227 g de CO2 par KWh quand le même logement chauffé à l'électricité émet moins de 40 g/CO2/KWh, soit un facteur d'émission de 5,7 entre les deux », écrit Sylvia Noel dans son exposé des motifs.
A l'inverse, pour le principal intéressé, Yannick Ainouche, président de la chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la FNAIM, « le diagnostic de performance énergétique n'est pas modifiable en l'état, mais des choses peuvent être aménagées ». Après l'annulation d'un rendez-vous le 9 janvier dernier avec l'ex-ministre du Logement, Patrice Vergriete, le professionnel doit faire un point d'étape, la semaine prochaine, avec la Direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP).
Ensemble, ils ont modélisé un appartement-type de 30 m². Objectif affiché, déterminer s'il faut changer le mode de calcul, décaler le calendrier d'interdiction à la location ou revoir les coefficients de pondération selon que l'énergie consommée est de l'électricité ou du gaz. « Je ne sais pas à quoi le ministre Béchu fait référence, mais avec les services de l'Etat, nous avons déjà mené des centaines de tests », confie Yannick Ainouche.
Un gros effort de pédagogie reste à faire sur Ma Prime Rénov'
D'autant qu'en parallèle, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a formulé une autre grande annonce : simplifier Ma Prime Rénov afin, assure-t-il, d'atteindre l'objectif présidentiel de 200.000 rénovations globales en 2024. Dans ce cadre, Christophe Béchu a déjà fait savoir qu'il en discuterait avec Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment, et Jean-Christophe Repon, le président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).
« Des entreprises climaticiennes n'ont pas compris qu'elles pouvaient encore avoir des primes pour la simple installation de pompes à chaleur. Il y a un gros effort de pédagogie à faire », approuve le patron d'Effy qui a organisé, ce jeudi, un webinaire avec un millier d'artisans.
« S'il y a des modifications, nous essayerons de les expliquer telles qu'elles sont. En attendant, nous restons partisans de l'expérimentation avant de simplifier Ma Prime Rénov », enchaîne Frédéric Utzmann.
Reste qu'en 2023, malgré un budget en hausse, moins de logements ont été rénovés grâce à Ma Prime Rénov' : 569.243 moyennant, 2,74 milliards d'euros d'aides, contre 669.890 logements et 3,1 milliards d'euros d'aides en 2022. « La barrière à l'entrée, ça reste l'argent. Pour faire des travaux, il faut quand même des sous », déclare Pierre Hautus de l'association Plurience, qui défend des financements collectifs et globaux.
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