
Le manque de portes qui provoque des bousculades, les culs de sacs entre voitures et les retards accumulés quotidiennement. Voici les trois principaux problèmes recensés sur le RER E. Reliant la ville de Chelles, en Seine-et-Marne, et la gare Haussmann-Saint-Lazare, à Paris, cette ligne est empruntée, quotidiennement, par 370.000 voyageurs, toutes sources confondues. En 2011, le conseil régional, autorité organisatrice des transports en Île-de-France, pensait avoir trouvé la solution : mettre en service de nouveaux trains. Alstom devait ainsi livrer ces rames en 2021, mais du fait de la crise sanitaire notamment, les quatorze premiers RER nouvelle génération, dits RER NG, sur 125 viennent tout juste d'être mis en circulation sur la ligne E. Suivront 130 sur le RER D. Au total, 255 nouveaux trains entreront en service d'ici à 2026. Un délai « beaucoup trop long », s'agace Marc Pélissier, président de l'association des usagers des transports en IDF, auprès de La Tribune.
Dans les sous-sols de la gare Saint-Lazare à la station Haussmann-Saint-Lazare du RER E, cette arrivée a été célébrée en grande pompe, ce lundi 13 novembre, par Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Île-de-France.
Malgré les festivités, celle qui est aussi présidente d'IDF Mobilités (IDFM) n'a pas caché son mécontentement auprès du constructeur.
« Les retards de livraison, c'est fini. Je le dis gentiment à Alstom, ça fait deux ans qu'on les attend », a-t-elle asséné lors de l'inauguration.
« On cherche toujours à acheter moins cher », dénonce l'opposition
Ultimatum reçu 5 sur 5 par le PDG, Henri Poupart-Lafarge, présent. Alstom est-il pour autant le seul à blâmer de ce retard ? Selon Jacques Baudrier, adjoint (PCF) d'Anne Hidalgo et administrateur d'IDFM, ce délai est dû à une mauvaise gestion de la commande par la patronne du conseil régional.
« Il faut que Valérie Pécresse arrête de s'engueuler avec Alstom », dénonce l'élu auprès de La Tribune. Ce retard est dû à l'appel d'offres qui s'est mal déroulé. On cherche toujours à acheter pour moins cher », fustige-t-il.
Selon lui, Île-de-France Mobilités « bien qu'autofinancée, est sous-financée, alors il y a eu tout un tas de négociations pour faire baisser les prix ». Une thèse réfutée par la principale intéressée.
« Il n'y a pas eu de négociations de prix sur le RER NG. L'appel d'offres s'est très bien passé. Notre sujet, ce sont les normes européennes qui se complexifient, notamment sur l'homologation des trains. La Commission européenne nous rajoute des tonnes de contraintes bureaucratiques à chaque fois. Et ce, alors que la conception d'un tout nouveau train répond à un défi industriel », rétorque Valérie Pécresse interrogée par La Tribune.
Une version confirmée par le directeur commercial d'Alstom, Fabien Henné. « Il y a eu des phénomènes extérieurs, comme la Covid-19 qui a perturbé les activités de manière générale, avance-t-il auprès de La Tribune. A cela s'ajoute [le fait] que le développement d'un nouveau matériel est soumis à des évolutions normatives et à des complexités techniques ». Relancé sur les normes qui ont retardé le développement des trains, le représentant du constructeur a botté en touche.
Un projet courageux et audacieux, rétorque Pécresse
« Il fallait avoir le courage et l'audace pour passer cette méga-commande. C'est le contrat du siècle », claironne la présidente de la région. Une facture qui s'élève à plus de trois milliards d'euros, que critique encore son opposant communiste.
« Pour couper les coûts, on sous-traite à l'étranger, la plupart du temps en Europe de l'Est ou en Chine. En France, on ne fait plus que l'assemblage. Ça rajoute une étape supplémentaire à la livraison, qui provoque un retard », considère ainsi Jacques Baudrier.
Une fois de plus, Alstom dément. « Neuf sites sont concernés par cette commande, dont celui de Valenciennes/Petite-Forêt (usine de Valenciennes-Nord, ndlr). Au total, plus de 900 employés français sont mobilisés pour la fabrication des trains », réplique le directeur commercial, Fabien Henné.
Une fiabilité à confirmer, prévient l'association d'usagers
Maintenant que les livraisons ont commencé, le président de l'Association des usagers des transports (AUT), Marc Pélissier, « espère que ces deux ans ont été mis à profit pour fiabiliser les rames ». Dans le cas où les tests se révéleraient infructueux, il faudra envisager, estime-t-il, un retard supplémentaire avant la mise en service des 60 autres rames attendues à l'automne 2023.
D'autant qu'au-delà des RER D et E, il faut en priorité rénover le RER B, poursuit-il. Selon ce porte-parole des usagers, le matériel y est vieillissant et pas assez capacitaire. Par exemple, pour les trains MI20, initialement prévus pour 2025, Alstom a annoncé, fin septembre 2023, une livraison au plus tôt en 2027.
Ce à quoi le représentant d'Alstom Fabien Henné déclare qu'il n'y aura pas de retard supplémentaire sur la livraison des trains destinés au RER B. Réponse dans quatre ans... au mieux.
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