Immobilier : l'Etat sort le chéquier pour aider les territoires à transformer leur entrée de ville

La ministre des Collectivités territoriales a dévoilé la liste des 45 collectivités qui se sont portées volontaires pour bénéficier d'un soutien à la requalification de leur entrées de ville dans le cadre d'Action Cœur de ville 2. Elles bénéficieront d'un fonds de requalification des zones commerciales de périphérie et d'une enveloppe de la Banque des territoires. Explications.
César Armand
Un fonds de requalification des zones commerciales de périphérie de 24 millions d'euros va être mobilisé « pour financer des projets de transformation et de réhabilitation ».
Un fonds de requalification des zones commerciales de périphérie de 24 millions d'euros va être mobilisé « pour financer des projets de transformation et de réhabilitation ». (Crédits : Reuters)

Mettre fin à l'étalement urbain et à la bétonisation, synonyme de relégation économique et sociale et... de catastrophe climatique. Telle était la promesse de la ministre des Collectivités territoriales Dominique Faure qui a dévoilé, lors d'un déplacement à Nevers ce 20 février, la carte des 45 collectivités territoriales « volontaires » [voir à la fin de l'article] « pour bénéficier d'un soutien méthodologique, technique, financier ». Car comme elle a tenu à le rappeler à La Tribune : le modèle des entrées de ville n'est « plus soutenable écologiquement, économiquement et socialement ».

Sous l'expression « entrée de ville » que l'on croirait accueillante, se résument en réalité ces zones commerciales faites de hangars ou « boîtes à chaussures » mono-fonctionnelles. Bien desservies, elles ont le mérite d'offrir des hectares potentiellement reconvertibles (logements, bureaux, entrepôts) sur ce qui étaient auparavant de vastes terres agricoles.

« Nous travaillons sur un autre modèle plus aéré, avec davantage de nature, des loisirs et un aménagement commercial plus responsable », annonce Dominique Faure.

Dans ce cadre, un fonds de requalification des zones commerciales de périphérie de 24 millions d'euros va être mobilisé « pour financer des projets de transformation et de réhabilitation ». Il fait l'objet de trois groupes de travail - le premier composé de professionnels, le deuxième d'élus et le troisième porte sur les normes - co-pilotés, notamment, par la ministre des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme Olivia Grégoire.

La prise de conscience ne date pas d'hier

D'ici à fin mars-début avril prochain, « ces groupes de travail vont permettre de modéliser les transformations de zones commerciales et permettre d'identifier les dispositifs normatifs dont nous avons besoin pour faciliter, accélérer et sécuriser la transformation de ces zones », explique son cabinet à La Tribune. A cette date, des visuels d'architectes permettront également de montrer ce qui est imaginé pour les entrées de ville de demain. Puis fin avril-début mai, une dizaine de démonstrateurs seront sélectionnés.

La prise de conscience ne date pas d'hier, mais elle s'est accélérée ces deux dernières années. Depuis septembre 2020 et le lancement du plan « France Relance » à 100 milliards d'euros, le gouvernement déploie en effet un « Fonds friche » - désormais doté de 750 millions - pour aider les acteurs publics et privés à recycler des terrains déjà utilisés. Le texte « Climat & Résilience » de 2021 est, lui, venu inscrire le double objectif de diminuer de moitié l'artificialisation nette des sols dans les dix ans et de la neutraliser à horizon 2050.

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A cela, s'ajoute le « Fonds vert », une enveloppe de 2 milliards d'euros au service des élus locaux dès 2023, dont 300 millions pour abonder le « Fonds friche » d'après le président de l'association des maires de France. Et ce sans oublier le deuxième volet du programme de revitalisation des villes moyennes « Action Cœur de ville » riche de 5 milliards d'euros qui se concentrera, notamment, sur les entrées de ville.

Une enveloppe de la Banque des territoires

Dans ce dispositif, la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) va débloquer une enveloppe de 15 millions d'euros « en faveur de l'ingénierie pour repenser les entrées de ville afin de les embellir, de réinventer leurs paysages et de participer à leur renaturation ». Et ce sachant qu'au global, l'entité a prévu pour « Action Cœur de ville 2 » 700 millions d'euros de prêts, 500 millions d'investissements en fonds propres et 90 millions d'euros de subventions en ingénierie.

« Les directions régionales vont repérer les territoires avec qui nous allons ensuite conventionner sur un calendrier de travail, des modalités de mise en œuvre, la mobilisation de nos moyens d'aide à la décision pour préciser les projets et enfin sur nos investissements et nos prêts », précise Michel-François Delannoy, directeur du département Appui aux Territoires de la Banque des territoires.

Une initiative déjà lancée en décembre

D'autant qu'en décembre dernier, l'unité de la « Caisse » a annoncé, avec CDC Habitat - filiale logement du groupe Caisse des Dépôts - et de la foncière commerciale Frey, a annoncé qu'à eux trois, ils mettaient sur la table 200 millions d'euros pour créer une société de portage qui se positionnerait, pour une durée de vingt ans, sur des zones commerciales vieillissantes dans les grandes agglomérations tendues en logements. D'après leurs calculs, il existe en effet 243 zones commerciales en périphérie des 21 plus grandes zones urbaines françaises d'un total de 55.000 hectares, c'est-à-dire un potentiel de 70 millions de mètres carrés à usages mixtes, soit 1 million de logements.

« Il manquait un outil pour faciliter le déploiement du renouvellement urbain et répondre à l'acquisition foncière tout en supportant les risques et la capacité de ce projet en phase d'investissement. La société se rémunérera avec les loyers des activités encore en place puis en cédant les fonciers réaménagés. Dans une 2e phase, les promoteurs prendront le relais, suivi d'une 3è où des investisseurs acquerront des logements ou des commerces », déclaraient, alors à La Tribune, pour la Banque des territoires (40% du capital), Olga Chaufray, responsable des Investissements immobiliers commerces et Sergio Dias, responsable des investissements du Pôle Immobilier d'entreprise.

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Des logements dans les tuyaux

Dès lors que la foncière aura remembré et réaménagé le foncier, elle le cédera avec un cahier des charges précis sur l'exigence environnementale, les certificats et les qualités d'usage aux promoteurs. « Nous mènerons avec eux des opérations en co-promotion et aurons un droit de priorité sur 40% de la programmation des logements », affirme la présidente du directoire de CDC Habitat (30% du capital).

« Notre ambition environnementale est forte : par exemple avec la renaturation partielle de parkings, le traitement d'îlots de chaleur ou la biodiversité. Là réside notre double intérêt à agir : la production d'habitats et la recomposition de quartiers plus attractifs avec de la mixité d'usages », poursuit Anne-Sophie Grave.

« CDC Habitat en qualité d'investisseur pourra avoir un droit de premier regard sur la production de logements. De la même manière pour Frey sur la partie commerce. Soit deux investisseurs potentiels dérisquant ainsi les issues de ces opérations », appuie le PDG du groupe Frey, Antoine Frey, qui joue déjà ce double rôle d'investisseur et d'aménageur à Strasbourg moyennant 75 millions d'euros.

Avec ce véhicule financier, les parties prenantes pourront « traiter à la fois sept sites différents », dit-il encore, dont trois-quatre sur lesquels Frey a déjà travaillé en amont. Ces projets à dix-quinze ans, dont des premières phases à cinq-six ans, devraient accueillir, à terme, entre 2.500 et 5.000 logements, confie Anne-Sophie Grave, la patronne de CDC Habitat.

D'autres acteurs se positionnent sur ce sujet

Elle n'est pas la seule à se positionner sur ce sujet. Directeur général du groupe Altarea, spécialisé dans le développement de commerces, de bureaux et de logements, Jacques Ehrmann propose, par exemple, une prime à la conversion des surfaces commerciales obsolètes sur le modèle de la prime à la casse automobile.

« Cette mesure permettrait en effet de faciliter la mutation de ces emprises au bénéfice d'usages alternatifs dont des logements sociaux, d'aider le commerce physique en réduisant l'offre commerciale de mètres carrés périphériques et de renforcer la densité commerciale des centres-villes », souligne celui qui est aussi président de la Fédération des Acteurs du Commerce dans les territoires.

Le locataire recevrait une prime à la réinstallation dans un centre-ville ou un équipement commercial moderne, sous forme de prime ou de crédit d'impôt. Le propriétaire du local percevrait, lui, une compensation partielle du manque à gagner « provisoire » entre le départ de son locataire et le nouvel usage du foncier. Avec un premier objectif à 1 million de mètres carrés obsolètes, Jacques Ehrmann évalue la mesure à 1,3 milliard d'euros, dont 500 millions financés par le e-commerce.

La carte des 45 territoires - cliquer pour agrandir

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César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 22/02/2023 à 5:23
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Maintenant on veut reconstruire une ville en entrée de ville une nouvelle aberration

à écrit le 21/02/2023 à 19:55
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des cheques, des subventions, de l'argent gratuit, quoi qu'il en coute aux allemands, avec 5% de deficit primaire, et 170 de deficit commercial! la faillite retentissante va amener une guerre civile hypertolerante car de gauche

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