Biotech :  pourquoi le champion français Euroapi chute en Bourse

Champion européen de la fabrication des principes actifs pour médicament, la société française Euroapi a plongé en Bourse de près de 60% ce mardi. Si cette chute résulte d'une baisse inattendue de ses résultats pour 2023, sa violence, rare en une seule séance, est symptomatique de la nervosité accrue des investisseurs. Éclairages sur un phénomène inquiétant qui a touché Alstom la semaine dernière.
Mathieu Viviani
Ancienne filiale de Sanofi, Euroapi avait été introduite en Bourse au prix de 12 euros par action en mai 2022 par le laboratoire français, qui avait cédé dans l'opération plus de la moitié du capital.
Ancienne filiale de Sanofi, Euroapi avait été introduite en Bourse au prix de 12 euros par action en mai 2022 par le laboratoire français, qui avait cédé dans l'opération plus de la moitié du capital. (Crédits : iStock)

La société française Euroapi n'est pas connue du grand public et pourtant... elle fait partie des leaders européens des principes actifs pharmaceutiques, indispensables à la fabrication des médicaments (notamment la vitamine B12, un de ses produits phares).

Si l'actualité de l'ancienne filiale de Sanofi est d'habitude consacrée à ses innovations, ce mardi, c'est bien son cours de Bourse qui intéresse particulièrement : celui-ci a plongé de 60% dans la matinée, faisant descendre la valeur de la société à son plus faible niveau depuis son introduction en Bourse en mai 2022.

Vers 17h (heure de Paris), la valeur de son action s'établissait à 5 euros et dévissait encore de 58,85 %. Il y a tout juste un mois, celle-ci valait 12,84 euros et au mois d'octobre il y a un an, son prix était de 17,43 euros.

Mardi noir pour Euroapi

Pour Euroapi, la note de ce mardi noir est salée : 650 millions d'euros de sa valorisation boursière ont ainsi disparu, et l'entreprise vaut désormais moins de 500 millions d'euros aux yeux des investisseurs, qui ont sanctionné la révision à la baisse des prévisions financières du fabricant de principe actif made in France.

Dans un communiqué publié ce lundi, la société pharmaceutique s'en explique en ces termes : « (...) La stratégie d'optimisation des prix a récemment été affectée par une évolution de l'environnement de marché, avec une pression sur les prix résultant d'une inflation plus faible et par des programmes de réduction des stocks chez certains clients ». Des retards ou mises en pause de projets sont aussi évoqués, en raison de problèmes de financement des sociétés de biotechnologie.

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La biotech estime désormais que son chiffre d'affaires va progresser entre 3 et 5% en 2023, contre entre 7 et 8% précédemment, avec des ventes et des marges en baisse. L'entreprise a également suspendu ses perspectives à moyen terme sur la période 2023-2026 et va engager une « revue stratégique » de son modèle opérationnel. Les résultats devraient être connus au moment des résultats annuels 2023, au début de l'année 2024.

Cette nouvelle du jour est d'autant plus inattendue pour les investisseurs qu'au mois d'août, Euroapi avait confirmé son objectif de croissance annuelle des ventes. Une perspective qui avait rassuré, après des résultats annuels (exercice 2022) décevants publiés en mars 2023 (-21% en une séance le 8 mars), et ponctués par un report de son objectif de rentabilité à moyen terme.

Une chute d'une rare violence qui surprend

Introduite en Bourse le 6 mai 2022, après sa cession par Sanofi, la biotech n'était pas prédestinée à ce scénario, selon Antoine Fraysse-Soulier, analyste marché chez la plate-forme d'investissement eToro. « En général, lorsqu'on met en Bourse la filiale de groupe aussi important, ça marche bien. Je me souviens de l'introduction en Bourse du chimiste français Arkema en 2006, après que TotalEnergies l'ait cédé. C'est un vrai succès », explique-t-il.

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La faute à un marché de la santé baissier ? « Pas spécialement. Certes, ce secteur est en baisse d'environ 3% cette année, mais il y a de nombreuses biotechs qui tiennent le cap », répond l'analyste. D'ailleurs, Sanofi, l'ancienne maison-mère d'Euroapi, n'a presque pas été impactée par ce plongeon, ajoute-t-il. D'après lui, l'explication est assez simple : Euroapi subit une réaction plus forte qu'ordinaire à ce qu'on appelle dans le jargon boursier « un profit warning » (un avertissement sur des résultats en baisse, ndlr).

Nervosité anormale des investisseurs

Et c'est ce qui rend intéressant le cas d'Euroapi : il est symptomatique du comportement actuel des investisseurs, plus stressés que d'ordinaire par des taux obligataires toujours aussi hauts.

Il précise : « En ce moment, la moindre mauvaise nouvelle fait bouger assez violemment les marchés. 60% en une seule séance, c'est très rare et disproportionné. La croissance du chiffre d'affaires d'Euroapi est certes revue à la baisse, mais il augmente quand même. »

Et Antoine Fraysse-Soulier de comparer ce qu'est arrivé à Euroapi à Alstom la semaine dernière. Mercredi 4 octobre, le géant ferroviaire français (numéro deux mondial du rail) a plongé en Bourse. La veille, la société a vu son titre dévissé de près de 38% en quelques heures, suite à l'annonce de difficultés de trésorerie sur l'exercice en cours. Depuis, le cours de la société est remonté sans pour autant retrouver son niveau de septembre.

« Il y a une nervosité des investisseurs plus forte que d'habitude. C'est symptomatique de ce qui se passe sur le marché en ce moment, dans un contexte de taux obligataires élevés, d'inflation et de croissance atone », conclut l'analyste d'eToro. Au vue de cette analyse, la période de publication des résultats annuels pour les sociétés cotées promet son lot de surprises...

Une croissance mondiale en légère hausse, mais disparate

« Nous avons une économie mondiale qui continue à récupérer de la pandémie et la guerre en Ukraine, et dans le même temps une croissance qui reste faible en comparaison historique. Nous observons également des divergences grandissantes », a déclaré ce mardi Pierre-Olivier Gourinchas, lors d'un point presse en ligne, le chef économiste du Fonds monétaire international (FMI).

D'après ces dernières données, le FMI table sur une croissance mondiale de 3% en 2023. Mais la situation est contrastée, tant parmi les économies avancées qu'entre les principaux pays émergents, certains voyant leurs prévisions s'améliorer très sensiblement quand d'autres, principalement en Europe, tournent au ralenti, voire connaissent une légère récession. Parmi les économies avancées, l'Allemagne montre les signes les plus inquiétants. En cause, la persistance de certains chocs, en particulier l'invasion russe en Ukraine. L'inflation met du temps à ralentir, poussant les banques centrales à poursuivre leur politique monétaire restrictive avec des taux d'intérêt élevés.

Mathieu Viviani

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Commentaire 1
à écrit le 11/10/2023 à 8:49
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Le dividende pharmaceutique, largement subventionné par l'argent public, qui a le droit de tout faire chez nos dirigeants politiques est un secteur dans lequel il est facile pour les actionnaires de se faire de juteux bénéfices il est donc logique qu...

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