Après deux ans d'hibernation, les introductions en Bourse repartent fort

Après deux ans de mise en sommeil, le mois de septembre est marqué par une série d’introductions en Bourse réussies aux Etats-Unis, comme en Europe. Pourquoi un tel retour des investisseurs ? Quels profils de sociétés se distinguent ? Explications.
Maxime Heuze
En Europe, comme aux Etats-Unis, le segment des introductions en Bourse redémarre.
En Europe, comme aux Etats-Unis, le segment des introductions en Bourse redémarre. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Les investisseurs qui ont misé sur les sociétés nouvellement cotées en Bourse arborent un large sourire ! Et pour cause, alors que le Nasdaq, l'indice de la tech américaine, et le CAC40 ont tous deux baissé de plus 3% sur un mois, la valeur des sociétés introduites en Bourse en septembre s'envole. Côté Nasdaq, le géant ARM, entré le 14 septembre, a vu son cours bondir de 25% le jour de sa cotation. Idem pour Instacart, coté le 20 (hausse de 30%) et pour Klaviyo le 21 septembre (hausse de 9%).

Le phénomène de ruée vers les valeurs entrantes n'est pas cantonné à la tech américaine. En Europe, Schott Pharma, la plus grosse introduction de l'année à la Bourse de Francfort, a aussi vu sa valeur s'envoler de 10% le 28 septembre, jour de sa cotation quand Arvern, arrivé à la Bourse de Paris pour fusionner avec le Spac (Special Purpose acquisition compagny) Transition, a grimpé de 15% le premier jour de sa cotation, le 18 septembre. Des performances plus qu'excellentes, qui font oublier le climat morose dans lequel est plongé le segment des IPO (Initial Public Offering, entrée en Bourse) depuis 2022.

Un marché en hibernation depuis deux ans

Ces derniers mois, avant la récente embellie, nombre de sociétés ayant voulu s'essayer à la Bourse se sont en effet cassées les dents. Elles ont vu leur cours faire du surplace voire baisser dès le premier jour de cotation. A l'image de Lhyfe et ses -2,2% le jour de sa cotation le 23 mai 2022 ou encore Florentaise et ses -2,57% lors de sa cotation le 12 avril 2023.

La politique monétaire a notamment beaucoup affecté les nouveaux candidats à la Bourse. « Dans un contexte incertain sur l'évolution des taux, acheteurs et vendeurs ont du mal à fixer un prix et à s'entendre dessus », analyse Vincent le Sann, directeur général adjoint chez Portzamparc, filiale de BNP Paribas Banque Privée.

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Des départs ratés accompagnés d'une chute des volumes d'investissements depuis près de deux ans. « Les montants levés lors des IPO en 2022 et 2023 étaient au plus bas depuis 2015 aux Etats-Unis et même depuis 2009 en France », rappelle le financier. Ainsi, selon les statistiques de Dealogic, les introductions à la Bourse de Paris ont représenté 3,9 milliards d'euros en 2021, et seulement 460 millions en 2022.

Les stabilisations des taux redonne confiance aux investisseurs

Deux ans d'hibernation donc, qui semblent prendre bientôt fin, selon les analystes.

« Les investisseurs sont de retour car ils estiment que les taux d'intérêts vont bientôt se stabiliser », affirme Luis Vaz Pinto Responsable Mondial des Marchés de Capitaux Actions chez Société Générale.

Certes, les dossiers d'introduction sont encore peu nombreux puisque selon un baromètre EY le nombre d'introductions au deuxième trimestre 2023 est inférieur de 3% au nombre d'IPO un an avant, année pourtant historiquement faible. Mais « depuis un mois, il ne se passe pas une journée sans qu'il y ait une annonce de future introduction », pointe Pierre Troussel, co-responsable des marchés de capitaux actions France, Belgique et Luxembourg à la Société Générale.

Parmi les dernières annonces en date, les sociétés Douglas et DKV souhaitent entrer prochainement à la Bourse de Francfort quand Coty, Planissware ou encore Ampère (filiale de Renault) ont annoncé leur entrée à la Bourse de Paris dans les prochaines semaines ou mois. « Le retour des investisseurs sur les IPO demande donc à être confirmé par un flux plus large de dossiers, qui devrait arriver dans les prochains mois, mais nous avons des éléments factuels montrant un redémarrage de ce segment », confirme le directeur général adjoint chez Portzamparc.

Comment expliquer ce regain d'intérêt pour les nouvelles sociétés cotées ? A l'image du marché immobilier, tout vient d'une baisse des prix. ARM a notamment abaissé sa levée de fonds à 55 milliards de dollars (52,09 milliards d'euros) contre 80 milliards initialement prévu quand Instacart à émis pour neuf milliards d'actions quand elle affichait une valorisation de 31 milliards en 2021. Autrement dit, les candidats à la Bourse acceptent de vendre moins cher leurs actions, pour répondre à la demande des investisseurs. Ces derniers craignent, en effet, que la hausse du coût de l'endettement pèse sur la valorisation des sociétés et fasse baisser leur cours une fois cotée.

Un marché centré sur les grosses sociétés solides

L'incertitude n'est d'ailleurs dissipée du côté des actionnaires.

« Aujourd'hui, les investisseurs sont là, mais ils sont sélectifs. Ils se concentrent sur les dossiers solides, les sociétés qui promettent d'être profitables sur une période d'un à deux ans, si elles ne le sont pas déjà », ajoute Thomas Feuerstein, co-responsable des marchés de capitaux actions France, Belgique et Luxembourg chez Société générale.

A l'inverse, « les sociétés qui ne promettent pas d'être profitables dans un horizon de 12 à 24 mois auront du mal à réussir une introduction aujourd'hui », précise-t-il.

Une autre vague d'IPO viendra dans un second temps selon les analystes. « Si ces premières introductions se passent bien, les investisseurs seront plus enclins à regarder des dossiers plus risqués dans le futur », anticipe Thomas Feuerstein. Les moyennes et petites valeurs, « qui représentent 90% des dossiers d'IPO », rappelle Vincent le Sann, devraient à leur tour venir challenger les Bourses européennes en 2025, selon les analystes. De nouvelles opportunités pour les boursicoteurs qui ont accumulé beaucoup d'épargne en attendant le retour des beaux jours.

Maxime Heuze

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Commentaire 1
à écrit le 29/09/2023 à 12:21
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Ben oui les enfants, maintenant que le phénomène du "Moral Hazard" s'est totalement démocratisé, les investisseurs peuvent reprendre le chemin de la salle des paris "aventureux". Aventureux surtout dans le contexte actuel. En économie, "un trop grand...

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