Sanofi mise sur l’IA générative pour accélérer la découverte de médicaments

Le groupe pharmaceutique français a mis en place une stratégie pour permettre la libre circulation de ses données, notamment au service d’algorithmes visant à optimiser les différentes étapes du processus de recherche et de mise sur le marché d’un nouveau traitement.
Il faut en moyenne entre dix et quinze ans et dépenser environ 2,5 milliards d'euros pour développer un médicament.
Il faut en moyenne entre dix et quinze ans et dépenser environ 2,5 milliards d'euros pour développer un médicament. (Crédits : BENOIT TESSIER)

Développer de nouveaux médicaments est un processus lent, coûteux et complexe. Les chercheurs doivent en effet passer au crible un grand nombre de molécules potentielles, ainsi que leurs phénotypes et leurs interactions pour identifier les candidates les plus prometteuses. Une fois la ou les molécules identifiées, les scientifiques procèdent à une batterie de tests pour vérifier que le traitement est efficace, sûr et pérenne.

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Il faut ainsi en moyenne attendre entre dix et quinze ans et dépenser environ 2,5 milliards d'euros pour développer un médicament. Le taux d'échec est très élevé : sur 10.000 molécules ciblées, dix seulement arrivent au stade du dépôt de brevet, parmi lesquelles une seule parviendra à passer toutes les étapes de tests et d'essais cliniques pour devenir un médicament. Mais grâce au traitement des données par l'intelligence artificielle (IA) générative, Sanofi entend améliorer l'efficacité de ce processus.

Briser les silos de données

Le groupe pharmaceutique français a récemment entrepris de briser les silos au sein de ses données pour obtenir une vue à 360 sur toutes ses activités. Un processus de rationalisation entamé fin 2021.

« Nous avions l'ambition de rassembler l'ensemble de nos informations. Sanofi est une société ancienne, avec un parc applicatif qui s'est construit sur beaucoup de technologies qui se sont superposées au fil du temps. Nous avons donc voulu rationaliser, centraliser l'ensemble de nos données pour améliorer notre usage de celles-ci en interne, mais aussi en externe. A titre d'exemple, la centralisation des données de professionnels de santé nous permet d'élaborer des méthodologies IA afin de délivrer les informations les plus pertinentes par le meilleur canal de communication », explique Bruno Gagliardo, chargé des plateformes de développement d'IA et applicatifs chez Sanofi.

La société française s'appuie pour cela sur le Data Cloud de Snowflake, spécialiste de la gestion des données, que Sanofi a choisi à la fois pour sa capacité à facilement faire circuler les données et pour sa certification HIPAA sur l'hébergement des informations de santé. « En tant qu'entreprise pharmaceutique, nous gérons des données très sensibles, nous devons donc nous montrer irréprochables sur la confidentialité. Il est capital de pouvoir gérer les droits d'accès de manière très fine et de pouvoir recourir à l'anonymisation, ce que permet Snowflake », développe Bruno Gagliardo.

Lors de la dernière édition de Vivatech, le groupe pharmaceutique français a également annoncé le déploiement à grande échelle de son application plai, développée en collaboration avec la plateforme d'intelligence artificielle Aily Labs. Une couche supplémentaire en matière de gestion des données qui s'adresse aux cadres de l'entreprise pour leur permettre d'optimiser le pilotage de cette dernière et de prendre des décisions éclairées.

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Diviser par deux le temps de passage de la molécule au traitement

Cette stratégie holistique de gestion des données permet à Sanofi d'optimiser certaines de ses activités, comme le pilotage de sa chaîne de valeur et de ses lots de médicaments, ou encore ses procédés de fabrication. Sanofi utilise par exemple des cahiers de laboratoire électroniques qui interopèrent automatiquement avec les machines utilisées pour l'expérimentation, ce qui permet une fluidité de l'information sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Les chercheurs peuvent ainsi facilement exporter les données issues de leurs expériences au sein du portail de données de Sanofi pour les réutiliser, les croiser et appliquer une couche d'IA par-dessus.

Car le groupe s'appuie également sur le traitement des données pour déployer des algorithmes d'intelligence artificielle afin de réduire les temps de recherche. Sanofi recourt ainsi à des algorithmes d'apprentissage automatique et à de grands modèles linguistiques pour gagner en efficacité très en amont de la chaîne de développement des médicaments. Ceux-ci viennent ainsi accélérer les recherches du groupe sur l'ARN messager (ARNm). Pour qu'un vaccin ARNm atteigne les cellules désignées et produise des protéines qui combattent la maladie, il doit en effet être transporté par un système stable d'administration du médicament via un véhicule, une particule spéciale connue sous le nom de nanoparticule lipidique.

« L'IA générative nous permet d'effectuer des simulations numériques pour trouver les meilleurs candidats ARNm, mais aussi les véhicules qui vont s'accrocher à l'ARNm afin de le faire entrer dans le champ des cellules », précise Bruno Gagliardo. Les cycles d'expérimentation ont grâce à cette technique connu une accélération significative.

« Au-delà de l'ARNm, nous recourons également à l'IA générative pour découvrir des molécules pharmaceutiques potentielles parmi les thérapies basées sur les protéines. Tout comme l'ARNm, une protéine est avant tout un langage, une suite de lettres, et sur ce langage on peut donc appliquer de grands modèles linguistiques pour découvrir les bonnes séquences qui vont donner des protéines intéressantes d'un point de vue pharmaceutique. »

De manière générale, l'usage de l'IA permet aux équipes de R&D de Sanofi de faire passer certains processus de recherche de quelques semaines à quelques heures seulement et d'améliorer de 20 à 30 % l'identification de cibles potentielles dans des domaines thérapeutiques tels que l'immunologie ou l'oncologie. En d'autres termes, de repérer davantage de candidates potentielles au futur titre de médicaments. « Au total, l'ambition de l'équipe digitale Sanofi est, à terme, de diviser par deux le temps qu'il faut pour passer d'une molécule à un médicament », affirme Bruno Gagliardo.

Acquisitions et alliances en cascade

Sanofi a réalisé au cours des dernières années une série d'acquisitions qui sont venues nourrir sa stratégie autour des données. L'an passé, le groupe a mis la main sur Amunix Pharmaceuticals, jeune pousse de San Francisco spécialisée dans l'immuno-oncologie, qui s'appuie sur l'IA pour fournir des médicaments ciblés, activables uniquement dans le microenvironnement tumoral de manière à épargner les dommages collatéraux sur les tissus sains.

La même année, Sanofi s'est associée à la biotech britannique Exscientia, qui s'appuie sur l'IA pour découvrir de nouveaux traitements contre le cancer et les maladies auto-immunes. Depuis 2021, Sanofi a également conclu trois partenariats : avec Owkin, dont la plateforme pilotée par l'IA s'appuie sur les données issues de partenariats avec de multiples centres hospitaliers universitaires pour prédire les réactions des patients aux traitements ; ainsi qu'avec Insilico Medicine et Atomwise, afin d'accélérer le développement de médicaments à l'aide de leurs plateformes respectives basées sur l'IA.

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« Notre ambition est de devenir la première entreprise pharmaceutique alimentée par l'intelligence artificielle à grande échelle, en mettant à la disposition de nos collaborateurs des outils et des technologies qui mettent l'accent sur les connaissances disponibles et leur permettent de prendre de meilleures décisions au quotidien », déclarait récemment Paul Hudson, directeur général de Sanofi, dans un communiqué.

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Commentaires 2
à écrit le 11/07/2023 à 8:57
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Comme en informatique, ils vont nous créer des virus pour nous contraindre à acheter le dernier antivirus en date ! ;-)

à écrit le 11/07/2023 à 8:09
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LOL ! Faudrait déjà un budget recherche supérieur au budget marketing ! Quelle lamentable économie mais tellement représentative de nos "investisseurs"

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