Affaire Areva/Uranim : la Cour de cassation annule une partie des poursuites contre Anne Lauvergeon

L'ex-patronne du géant français du nucléaire français avait été soupçonnée d'avoir participé à un montage comptable visant à surpayer en 2007 le rachat de trois mines d'uranium en Afrique, lors de l'acquisition du canadien Uranim. Elle avait été mise en examen en mai 2016 pour "présentation et publication de comptes inexacts" et "diffusion de fausses informations". La Cour vient de refermer un volet de cette affaire politico-financière mais d'autres points restent encore à éclaircir.
La cour d'appel doit désormais réexaminer l'appel du parquet contre le refus des juges d'instruction d'ordonner de nouvelles poursuites contre Anne Lauvergeon et les anciens dirigeants d'Areva.
La cour d'appel doit désormais réexaminer l'appel du parquet contre le refus des juges d'instruction d'ordonner de nouvelles poursuites contre Anne Lauvergeon et les anciens dirigeants d'Areva. (Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

Après six ans d'instruction, c'est un nouvel épisode qui vient enrichir le feuilleton judiciaire entre Uranim, exploitant canadien de gisements d'uranium, et Areva, le géant français du nucléaire, devenu aujourd'hui Orano. Tout commence en 2007, lorsqu'Areva rachète pour 1,8 milliard d'euros la société minière canadienne qui détient trois gisements d'uranium en Namibie, Afrique du Sud et Centrafrique, pour diversifier ses approvisionnements. En 2014, le scandale éclate après un signalement de la Cour des comptes. Deux informations judiciaires sont ouvertes l'année suivante sur le rachat controversé d'Uramin : l'une porte sur des soupçons d'escroquerie et de corruption lors de l'acquisition de la compagnie minière; l'autre sur les provisions inscrites par Areva.

C'est sur ce volet comptable du rachat que la Cour de cassation a décidé mardi d'annuler une partie des poursuites à l'encontre d'Anne Lauvergeon et d'anciens responsables. La Cour a annulé toutes ces mises en examen supplétives, retenant "l'excès de pouvoir" de la cour d'appel. Une décision qui représente un tournant procédural.

Soupçons de corruption

L'acquisition d'Uramin pour 2,5 milliards de dollars (1,7 milliard d'euros) avait contraint Areva à inscrire dans ses comptes en 2010 et 2011 des provisions d'un montant total proche de 1,9 milliard d'euros pour tenir compte de la dévalorisation des actifs de la société, consécutive à une baisse des cours de l'uranium et de ses réserves estimées.

Dans les faits, les magistrats soupçonnent des responsables du groupe d'avoir présenté des comptes inexacts pour masquer l'effondrement de la valeur d'Uranim. Une thèse que vient étayer le rapport d'un expert soupçonnant dès 2010 "au final, un prix excessif payé par Areva ".

De même, en 2012, un journal sud-africain affirme dans une enquête qu'Areva a sciemment payé « trop » cher afin de s'assurer du soutien d'hommes clés autour du président de la république de l'époque Thabo Mbeki. Areva se battait alors farouchement contre son concurrent Toshiba-Westinghouse pour vendre 2 EPR à Pretoria.

La même année, une autre enquête menée par le journal canadien La Presse a révélé que le titre d'Uramin avait fait l'objet d'un volume anormalement élevé de transactions dans les jours précédant l'annonce de sa reprise par le groupe français. Ce volume a presque quadruplé suggérant que des investisseurs apparemment bien informés ont pu réaliser un gain variant de 11% à 27% sur quatre jours.

Anne Lauvergeon, présidente du directoire du géant du nucléaire de 2001 à 2011, est alors mise en examen pour "présentation et publication de comptes inexacts" et "diffusion d'informations trompeuses". L'ancien numéro 2 d'Areva, Gérald Arbola, et l'ancien directeur financier du groupe, Alain-Pierre Raynaud, sont également mis en examen.

Dans un autre volet de l'affaire, l'époux d'Anne Lauvergeon, Olivier Fric, avait été mis en examen pour délit d'initié et blanchiment. Il est soupçonné d'avoir réalisé une plus-value grâce à des informations confidentielles dont il aurait bénéficié au sujet de l'acquisition d'Uramin.

En 2014, des perquisitions avaient eu lieu au siège d'Areva et au domicile de l'ancienne patronne du groupe.

Un bras de fer entre le parquet financier et les juges d'instruction

En mars 2017, les trois juges d'instruction co-saisis du volet comptable annoncent la fin des investigations. Un bras de fer s'engage lorsqu'ils refusent, deux mois plus tard, de suivre le parquet national financier (PNF) qui réclame des mises en examen supplémentaires.

Le parquet soutient que des dirigeants d'Areva ont caché des informations - notamment des notes de la division mines sollicitant de très lourdes dépréciations des actifs Uramin - aux commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes du groupe.

Alors que le bras de fer est engagé entre le parquet et les juges d'instruction, Anne Lauvergeon, Gérard Arbola, Alain-Pierre Raynaud et Thierry Noircler, ancien responsable de l'audit du groupe nucléaire, sont donc à nouveau mis en examen en 2019 pour "délit d'entrave".

Désormais, la cour d'appel doit réexaminer l'appel du parquet contre le refus des juges d'instruction d'ordonner de nouvelles poursuites, mais la date de l'audience ne sera pas fixée avant plusieurs mois.

"Je ne peux que me féliciter de la décision de la Cour de cassation qui a suivi (les arguments) que nous avions soulevés", a réagi auprès de l'AFP l'avocat de Sébastien de Montessus, l'ancien dirigeant de la filiale des mines d'Areva.

Les autres avocats en défense contactés par l'AFP n'ont pas souhaité réagir.

(Avec Agences)

Lire aussi 3 mnUramin : Anne Lauvergeon conteste avoir caché les difficultés d'Areva

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Commentaire 1
à écrit le 06/01/2022 à 2:11
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France corrompue.

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