Gaz : face à la menace russe, GRDF se prépare à une baisse de la demande l'hiver prochain

Face à l’éventualité d’un arrêt total ou partiel des échanges d’hydrocarbures depuis la Russie vers l’Europe, la société française de distribution de gaz GRDF se prépare à une baisse de la consommation de gaz l’hiver prochain, de manière à répondre au choc d'offre qui pourrait secouer l'Europe. Y compris par un délestage imposé aux industriels, potentiellement nécessaire en dernier recours afin de passer les pointes, mais aussi via des actions individuelles de sobriété. Explications.
Marine Godelier
(Crédits : Kacper Pempel)

Alors que la guerre en Ukraine fait planer sur l'Europe la menace d'une rupture d'approvisionnement en gaz russe, les inquiétudes pour l'hiver prochain se multiplient. Et notamment en Allemagne, si dépendante de son voisin de l'Est pour les hydrocarbures que le régulateur se prépare d'ores et déjà à un éventuel rationnement. Mais l'Hexagone n'est pas non plus protégé, puisque 40% des besoins de chaleur sur le territoire proviennent du gaz, celui-ci fournissant d'ailleurs jusqu'à la moitié de l'énergie en pointe hivernale. D'autant qu'une disponibilité historiquement faible du parc électronucléaire implique en ce moment de se tourner un peu plus vers les combustibles fossiles, afin d'ajuster l'offre à la demande.

Dans ce contexte pour le moins incertain, « il faut économiser du gaz et de l'électricité en France dès maintenant », a prévenu hier dans les Echos le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), Jean-François Carenco. Un constat partagé par la directrice générale de GRDF, Laurence Poirier-Dietz, qui a fait savoir ce mardi que la société de distribution de gaz se préparait à des réductions de consommation en cas d'aggravation de la crise.

Couper momentanément l'alimentation des industriels

Y compris non choisies, via des coupures ciblées en cas d'urgence. En effet, d'ici à quelques jours, l'exécutif doit publier un décret qui prévoit le délestage, autrement dit la réduction momentanée et planifiée de la consommation de gaz naturel par certains consommateurs. Seront concernés en priorité les 5.000 sites qui brûlent plus de 5 GW/h par an, selon le gouvernement, en dehors de ceux assurant des missions d'intérêt général (écoles, hôpitaux, Ehpad...).

En parallèle, les gestionnaires du réseau de transport de gaz GRTgaz et Téréga mènent de leur côté une enquête auprès de leurs clients, afin de déterminer ceux qui pourraient, en dernier ressort, réduire partiellement ou totalement leur demande. Quant à GRDF, « A la suite de l'enquête de délestage réalisée l'an dernier, 1.650 clients ont indiqué pouvoir réduire une part ou la totalité de leur besoin de gaz en moins de deux heures sans impact significatif sur leur activité »a fait valoir Laurence Poirier-Dietz dans une interview aux Echos.

Et d'ajouter que, « parmi eux, 130 ont des contrats interruptibles : ils bénéficient d'une incitation financière pour réduire ou stopper leur consommation en moins de 24 heures. Si on ajoute les clients industriels de GRTgaz délestables aux 1.650 de GRDF, cela peut représenter une baisse de 7 % environ des volumes consommés un jour de pointe ».

La sobriété de mise

Les clients particuliers, eux, ne seraient pas concernés. « Mais ce qui pourrait être demandé à tout le monde, ce serait d'économiser de l'énergie. Par exemple, 1°C de chauffage en moins dans la maison, c'est 10 à 15 TWh de gaz évités », a souligné la DG de GRDF à la presse ce mardi, rejoignant les recommandations récentes de l'Agence internationale de l'Energie.

A ce titre, les outils de régulation de la consommation comme les thermostats programmables et les compteurs communicants permettent déjà d'aider les ménages à « piloter leur demande », a-t-elle fait valoir. Mais alors qu'un million de clients seulement ont créé un compte pour avoir accès à ces données, sur les 9,5 millions d'abonnés au gaz, GRDF assure qu'il « prévoit de réinformer [ses] clients sur leur capacité » à le faire.

Lire aussi 7 mnÉnergie : la « chasse au gaspi », ce sujet mal-aimé qui s'invite dans le débat public après l'offensive russe en Ukraine

Maintenir des usages thermiques

Il n'empêche que ni le délestage, ni la chasse au gaspi ne suffiront à construire un système résilient. Alors que sur ce sujet, l'électrification des usages a le vent en poupe afin de se débarrasser une bonne fois pour toute des énergies fossiles, « faire basculer totalement les clients du gaz à l'électricité est une fausse bonne idée », a avancé Laurence Poirier-Dietz.

« Cela signifie devoir raccorder des moyens de production supplémentaires, soit du charbon, soit du gaz, pour pallier l'intermittence de certaines énergies renouvelables. Et ce, en consommant deux fois plus de gaz en pointe que si on l'avait dans le chauffage directement dans ce logement », a-t-elle expliqué.

La DG de GRDF a plutôt plaidé pour l'installation de chaudières à très haute performance énergétique, « qui permettent 30% d'économies d'énergie par rapport à une ancienne chaudière au gaz », ou encore pour les pompes à chaleur hybrides, qui, en intégrant une pompe à chaleur air/eau et une chaudière gaz à condensation, « mélangent le meilleur des deux énergies », a-t-elle vanté.

« Cette technologie a un grand avenir [...] Dans les logements individuels déjà raccordés au gaz et dans les bâtiments neufs à proximité du réseau de gaz, c'est la solution la plus adaptée », a ajouté Laurence Poirier-Dietz.

Accélérer sur le biométhane

Reste que l'immense majorité du gaz naturel consommé aujourd'hui, quelque soit la technologie choisie, est toujours d'origine fossile, et participe donc au réchauffement de l'atmosphère. A cet égard, GRDF demande que soient mises en place des « mesures concrètes et indispensables » pour accélérer sur le biométhane, ce gaz renouvelable produit localement, issu le plus souvent de la fermentation d'éléments organiques. Et espère ainsi atteindre 20% de ce biogaz injecté dans les réseaux en 2030 - soit deux fois plus que l'objectif fixé dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) -, contre moins d'1% aujourd'hui.

Et ce, en déplafonnant les limites administratives de production annuelle. « Cela pourrait permettre de produire de 10 à 15% en plus, ce qui donnerait 0,5 TWh supplémentaire pour pour hiver prochain », soit l'équivalent de la consommation de plus de 120.000 logements neufs qui se chauffent au gaz, a fait valoir Laurence Poirier-Dietz. Mais également, a-t-elle insisté, en prolongeant la durée d'autorisation des contrats d'achat.

D'autant que, selon la directrice générale de GRDF, les prix de marché du biométhane, qui flirtent aujourd'hui entre 90 et 100 euros le MWh, devraient tomber à 70-75 euros le MWh d'ici à 2030. Soit moins que le prix de 80 € le MWh retenu par l'Ademe dans son étude « 100% gaz renouvelable », et par le gestionnaire du réseau national d'électricité RTE dans ses scénarios « Futurs Energétiques 2050 ».

Lire aussi 8 mnGaz russe : pourquoi l'Europe peut s'en affranchir dans trois ans seulement

Marine Godelier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 30/03/2022 à 18:02
Signaler
""GRDF se prépare à une baisse de la demande l'hiver prochain"" ha ! , une majorité de Français ce sont débarrassé de leur chaudière a gaz a des ballons d'eau chaude électrique en quelque mois ??? des chiffres a l'appuie @GRDF ?

à écrit le 30/03/2022 à 13:19
Signaler
Euh , quelle menace Russe ? C 'est nous qui menaçons la Russie avec nos sanctions débiles , en fait nous nous auto menaçons sur ordre des USA

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.