D'une part, un marché des métaux rares de plus en plus tendu, en raison de facteurs géopolitiques comme de réputation. D'autre part, des arguments stratégiques ainsi qu'éthiques mis en avant par plusieurs experts afin de relancer la création de mines sur le territoire national et européen. Qu'est-ce qui s'oppose alors à l'idée de refaire de la France un géant minier ? Le principal obstacle qu'elle va rencontrer est sans doute d'ordre politique et social.
Au lendemain de la fermeture de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, et à l'heure où l'on redoute un durcissement de l'opposition au "cimetière de déchets radioactifs" de Bure, l'acceptabilité de nouveaux projets de mines semble plus qu'improbable.
Les précédents de Mountain Pass et de La Rochelle
Par le passé d'ailleurs, c'est bien le rejet des populations occidentales face aux conséquences environnementales de l'extraction et du raffinage des terres rares qui ont permis à la Chine de s'en approprier le monopole, montre Guillaume Pitron dans son livre. La mine américaine de Mountain Pass, dans les alentours de Las Vegas, a fini par être définitivement fermée en 2002 par la société Molycorp après une série d'accidents environnementaux, actions judiciaires et amendes. En France, la raffinerie de Rhône-Poulenc (aujourd'hui Solvay) à La Rochelle, qui dans les années 80 purifiait 50% du marché mondial de terres rares, a décidé de sous-traiter aux Chinois la première partie du raffinage en raison des craintes de la population et à la pression médiatique face aux risques de radioactivité. Et encore aujourd'hui, le projet guyanais de la Montagne d'Or rencontre l'opposition des deux tiers de la population locale, selon un sondage réalisé en juin par Ifop pour WWF.
Ce dernier dossier montre d'ailleurs aussi l'ambiguïté du gouvernement actuel face à la question de la réouverture des mines. Alors qu'Emmanuel Macron s'est dit favorable au projet lorsqu'il était ministre de l'Économie, Nicolas Hulot a exprimé ses réticences devant l'Assemblée nationale, estimant qu'il y avait "intérêt" à "remettre à plat" les impacts environnementaux comme les bénéfices économiques du projet. C'est d'ailleurs à la suite de la présentation par le ministre de la Transition écologique et solidaire du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures que l'Académie des sciences a décidé de se pencher sur le sujet des mines et de publier sa récente "Stratégie d'utilisation des ressources du sous-sol pour la transition énergétique française", confie l'un des co-auteur, Ghislain de Marsily, qui espère rencontrer Nicolas Hulot à la rentrée.
D'autres pays et les entreprises s'organisent
En attendant que la question soit ouvertement mise sur la table puis éventuellement tranchée en France, d'autres pays s'organisent. Le Japon investit depuis une décennie non seulement dans des mines à l'étranger, mais aussi dans l'amélioration du recyclage des déchets électriques et électroniques, dans lequel il est devenu un modèle. Donald Trump a annoncé fin décembre plusieurs mesures en faveur de la relance de l'extraction de minerais critiques sur le sol américain ainsi que de l'amélioration des technologies de recyclage.
Pour leur part, conscientes des temps longs de ce genre de stratégies, les entreprises cherchent aussi leurs propres solutions. Les prises d'actifs d'industriels dans des projets miniers se multiplient, témoigne Alcimed, qui observe également le développement de stratégies de stockage de métaux rares ou de négociation directe avec les producteurs.
"Le sujet de l'approvisionnement des métaux rares doit être traité sérieusement et en permanence, même en l'absence de crise", suggère le cabinet.
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Épisode 1 : "Métaux rares : doit-on craindre pour l'approvisionnement ?"
Épisode 2 : "Métaux rares : faudrait-il rouvrir des mines en France ?"
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