Recycler les anciennes usines, l'une des réponses au manque de foncier industriel

Le postulat fait consensus. Si elle veut devenir un berceau de l’industrie verte sans rogner sur ses terres cultivables, la France devra recycler ses friches. Sans doute faudra-t-il aussi aller chercher de la place dans l’enceinte des usines en activité où sommeillent des terrains non (ou plus) utilisés. Illustration en Normandie.
Vue de la raffinerie Exxon Mobil de Gravenchon en Seine-Maritime dont l'emprise foncière pourrait être utilement rationalisée, selon la présidente de l'agglomération Caux Seine.
Vue de la raffinerie Exxon Mobil de Gravenchon en Seine-Maritime dont l'emprise foncière pourrait être utilement rationalisée, selon la présidente de l'agglomération Caux Seine. (Crédits : DR)

Impossible pour qui arpente l'énorme complexe industriel de Port-Jérôme en Seine-Maritime d'échapper à la vue de ces mastodontes endormis. Depuis une quarantaine d'années, plusieurs sphères de gaz, appartenant à la raffinerie ExxonMobil, sont en proie à la rouille. La major américaine les a « débranchées », mais s'est bien gardée de déconstruire ces installations qui occupent une partie importante de son site de 750 hectares. Trop cher, trop compliqué probablement. De quoi susciter un peu d'agacement chez la présidente de l'agglomération Caux Seine.

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  « Remettre sur le marché cet espace laissé à l'abandon serait bienvenu, mais il nous manque un outil juridique pour y parvenir », se désole Virginie Carolo.

L'endroit n'est pas le seul que convoite la collectivité. Le directeur de l'agence de développement économique évoque un cas de figure similaire dans l'enceinte de l'usine du sucrier Tereos, arrivé en 2014 à la faveur du rachat d'une unité de fabrication d'alcool de synthèse. « Une bonne partie des anciennes installations ont été arrêtées, ce qui fige plusieurs hectares », constate Gilles Lecarpentier. Une situation difficile à accepter dans une agglomération sur laquelle s'abat, en ce moment, une pluie d'investissements industriels.

Dans les ports de la Seine, la vigilance est de mise

Depuis l'entrée en vigueur du zéro artificialisation nette (ZAN), le sujet infuse aussi au sein d'Haropa qui chapeaute les ports du Havre, de Rouen et de Paris. Comme Port-Jérôme, l'établissement qui promeut « une consommation frugale » craint de manquer d'espaces le long de la vallée de Seine pour accueillir les implantations industrielles que la loi industrie verte est censée hameçonner. Aussi, ses dirigeants se montrent-ils plus exigeants avec les occupants des terrains portuaires, priés de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre.

« Nous veillons désormais à ce que les engagements contractuels des conventions d'occupations temporaires (COT, ndlr) soient respectés à la lettre, quitte à réduire l'emprise si tout n'est pas utilisé », assure le directeur général adjoint d'Haropa en charge du développement.

Pour autant, Kris Danaradjou admet que ses marges de manœuvre sont limitées. « Il nous faut attendre le renouvellement des COT pour prendre des mesures. De pluscertaines entreprises souhaitent conserver des réserves foncières, parce que la transition énergétique va nécessiter de l'espace », fait-il valoir.

« Éviter la rétention inutile de terrains »

Dès lors, les solutions viendront-elles du préfet Rollon Mouchel Blaisot que les ministres Christophe Béchu et Roland Lescure ont chargé de piloter la mission interministérielle de mobilisation pour le foncier industriel ? Difficile de l'affirmer, mais l'ancien chef d'orchestre du programme Action Cœur de Ville dit prendre la question très au sérieux.

« Il convient d'éviter la rétention inutile de terrains dont les entreprises n'ont plus besoin. Je serai amené à faire plusieurs propositions pour mobiliser davantage ce foncier très intéressant », affirme-t-il à La Tribune.

L'intéressé rappelle au passage que France Industrie et la DGE (Direction générale des entreprises) effectuent actuellement « un recensement parmi les entreprises concernées de leurs terrains potentiellement disponibles ». Le sénat semble décidé à aller dans le même sens. Mercredi lors de l'examen du projet de loi sur l'industrie verte, la haute chambre a adopté une disposition permettant à une commune, via une procédure d'expropriation, d'acquérir des terrains qui ne sont plus entretenus, en vue de l'installation de nouvelles usines.

En attendant, une poignée d'industriels normands montrent l'exemple. Ainsi, l'entreprise havraise Safran Nacelles a cédé, il y a quelques mois, 28 hectares au promoteur immobilier logistique GLP qui doit y bâtir 70.000 mètres carrés d'entrepôts. À un jet de pierres de là, l'usine Renault de Sandouville envisage, selon nos informations, de remettre sur le marché une quinzaine d'hectares dans le cadre de la stratégie d'optimisation foncière du groupe. Des initiatives vertueuses, mais qui restent trop rares.

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Commentaires 2
à écrit le 04/07/2023 à 7:34
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La fin de l´artificialisation va bloquer tout développement du pays (et réserver les constructions neuves individuelles aux rares personnes riches capables d´acheter un vieux bâtiment, puis le raser pour y reconstruire dessus), mais ce qu´on manque, ...

à écrit le 04/07/2023 à 7:08
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On a quand même l'impression que nombreux maires s'en tapent du ZAN leur logiciel restant bloqué aux trente glorieuses. Vous ne vous rendez pas compte à quel point cette période de forte croissance économique fut une anomalie pour l'évolution de l'hu...

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