Casino-DIA, alliance d'un nouveau genre dans la grande distribution

Le français Casino et l'espagnol DIA mettent en commun une partie de leurs achats mais prévoient aussi de s'unir pour produire des services. Cette alliance s'ajoute à une série de rapprochements similaires opérés depuis 2014 mais ayant pris de formes différentes. Le point sur leurs implications.
Marina Torre
Le premier objectif de ces alliances consiste à s'unir pour accroître les volumes d'achats et ainsi réduire le coût unitaire des produits.

Nouvelle offensive dans la guerre des prix. Casino et DIA uniront une partie de leurs achats mais aussi certains services. Les groupes de distribution français et espagnol (il s'agit du groupe international dont le siège se trouve en Espagne et non de son ancienne filiale française, la chaîne rachetée par Carrefour en 2014) en ont fait état lundi 30 novembre, juste avant la période officielle des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeur.

Habituellement tendue, celle de 2016 risque de l'être d'autant plus qu'elle intervient après un été marqué par des mouvements de colères des agriculteurs, qui protestaient entre autres sur les conditions d'achats de leurs produits parfois reliées à l'organisation actuelle du système de distribution. Car depuis plus d'un an, plusieurs distributeurs ont contracté des alliances plus ou moins similaires à celle de Casino et DIA qui modifient les rapports de force. Il existe en effet plusieurs stratégies de rapprochements qui soulèvent chacune des questions.

Marques nationales, marques de distributeurs

Le premier objectif de ces alliances consiste à s'unir pour accroître les volumes d'achats et ainsi réduire le coût unitaire des produits. Elles portent le plus souvent sur les des marques dites "nationales", conçues par un nombre restreint de grands groupes disposant également de levier de négociation puissants. Cora et Carrefour d'un part, Système U et Auchan d'une autre, Intermarché et Casino d'une troisième ont opéré de tels rapprochements afin de peser plus lourds face aux multinationales.

Les produits de marques "nationales" peuvent occuper dans les rayons une fonction de "produits d'appel" pour les clients, et leurs prix en France ont particulièrement chuté en raison d'une concurrence féroce. Par exemple, les pains de mie et les eaux gazeuses ont vu leur prix baisser de plus de 8% entre le premier semestre 2014 et le premier semestre 2015, d'après le cabinet IRI worldwide.

Dans le cas de Casino et du groupe DIA, la moitié de leurs produits de "marques distributeurs" seront également négociés en commun. Or, ces produits -fabriqués pour les enseignes et souvent vendus moins chers que les autres produits- peuvent constituer un élément important de différenciation entre enseignes. Les marges sont censées y êtres supérieures, mais leur rentabilité a chuté, notamment parce qu'elles paraissent moins attractive par rapport à des produits similaires de marques "nationales".

La différentiation entre enseignes pourrait désormais davantage passer par la part de produits achetés à des PME, éventuellement pour des produits locaux. Mais malgré des déclarations d'intention, celles-ci restent encore minoritaires dans les linéaires.

Alliances pan-européennes

Les rapprochements entre enseignes sont loin d'être un phénomène confiné à l'intérieur des frontières de l'Hexagone, comme en atteste le projet de Casino et DIA.

     | Lire Guerre des prix : les distributeurs français, plus combatifs que leurs rivaux européens

D'autres groupes se également sont rapprochés de concurrents dirigés depuis d'autres pays européens . C'est le cas du français Auchan et de l'allemand Metro. Ces derniers, d'abord alliés pour les achats de produits "internationaux", ont étendu en septembre leur partenariat aux marques dites nationales.

Il existe également d'autres plateformes européennes, comme Coopernic qui réunit notamment E.Leclerc, le groupe allemand Rewe, le belge Delhaize et Coop Italia. L'Alliance internationale des distributeurs (Alidis), plus ancienne puisqu'elle date de 2002, réunit quant à elle Les Mousquetaires (Intermarché), le groupe espagnol Eroski ainsi que le belge Colryut.

Des services en commun

Casino et Dia ont choisi de créer une société commune batpisée ICDC services pour opérer cette alliance. Originalité de cette dernière: celle-ci comprendra également la valorisation commune de "services internationaux" auprès des fournisseurs parmi lesquelles figure la "vente de données". A l'heure où les données sur les consommateurs constituent une nouvelle mine d'or pour ceux qui les détiennent et les exploitent, cet aspect pourrait se révéler crucial.

Toutefois l'accord en question ne portera "que sur des produits alimentaires" et exclut donc la filiale e-commerce CDiscount selon une porte-parole de l'entreprise française. Le groupe DIA refuse de son côté de s'exprimer sur ce point précis estimant qu'il "relève de la confidentialité".

Echange d'enseignes

Système U et Auchan sont eux aussi allés plus loin qu'une simple réunion des achats. Ils se sont en effet accordés pour un échange d'enseignes.

En mai, ils ont en outre annoncé leur intention de créer une structure de gouvernance commune. Un dossier dont la vérification a été confiée à l'Autorité de la concurrence.

Des rapprochements sous surveillance

Plus généralement, en octobre, Bruno Lasserre, le président de cette organisation a rappelé qu'il gardait les enseignes à l'œil à propos de ces rapprochements.

"Les alliances ne sont pas illicites, et elles permettent des gains d'efficacité. Mais nous avons bien identifié les risques d'une diminution de la concurrence, d'évincer des fournisseurs, de réduire la capacité d'investissement ou la qualité des produits ou de partager des informations. [..] Le critère de sélection des fournisseurs est notamment très important", a-t-il déclaré lors d'un colloque organisé par le magazine spécialisé LSA.

Quelques mois plus tôt, le gendarme de la concurrence a émis un avis mettant en garde les distributeurs contre une série de risques. Parmi eux : l'échange d'informations "sensibles" comme les prix des contreparties proposées aux fournisseurs lors des négociation et des rémunérations associées.

Pourquoi pas une fusion?

Quitte unir leurs forces, pourquoi ne pas fusionner ? D'autres groupes ont choisi ce modèle de rapprochement, en apparence plus classique mais peut-être plus risqué d'un point de vue financier. Dans la grande distribution alimentaire, le néerlandais Ahold et le belge Delhaize ont fait ce choix.

En France, dans la distribution spécialisée, la Fnac projette de racheter Darty, Une situation certes très différente de celles citées plus haut. Néanmoins, le premier justifie en partie ses prévisions de "synergies" chiffrées à 85 millions d'euros par une réduction des coûts passant notamment par la mise en commun des achats.

Marina Torre

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