Croisières : malgré les critiques, l’industrie garde le cap de la croissance (verte)

En ce début d’été 2023, l’industrie de la croisière a le vent en poupe, renouant avec la croissance après l'arrêt imposé par le Covid-19. Malgré la contestation des associations écologistes et les problèmes posés par la sur-fréquentation touristique, la demande pour ce type de voyage reste élevée. L’industrie doit toutefois répondre aux défis actuels du développement durable et aux attentes de toutes ses parties prenantes : passagers, populations locales, institutions.
Deux zones polarisent la majeure partie des désirs des clients: les Caraïbes (qui représentaient 40% des passagers en 2019) et la Méditerranée (qui rassemblait 15% des croisiéristes cette même année), particulièrement prisée par les Français.
Deux zones polarisent la majeure partie des désirs des clients: les Caraïbes (qui représentaient 40% des passagers en 2019) et la Méditerranée (qui rassemblait 15% des croisiéristes cette même année), particulièrement prisée par les Français. (Crédits : Club Med)

La croisière se remet à flot. Après une période creuse au moment du Covid-19, l'heure est au retour de la croissance pour cette industrie. Les prévisions pour 2023 tablent sur un chiffre d'affaires supérieur à celui de 2019, alors que l'an passé les chiffres étaient encore en dessous de ceux des années pré-covid, relève Louis Gendry, expert du secteur touristique chez Roland Berger. En France, la reprise est même forte. « On estime que les réservations au début de l'année sont 40% plus hautes qu'au début de l'année 2019 », détaille l'expert.

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Les taux d'occupation en témoignent. Ces derniers devraient continuer à croître avec l'augmentation des capacités. En effet, les bateaux sont de plus en plus gros, note Louis Gendry, avec de plus en plus d'activités à bord (restaurant, spas, parc d'attraction). Les plus gros paquebots comme le World Europa (MSC Croisières) ou le Wonder of the Seas (Royal Caribbean International) peuvent accueillir de 6.000 à 7.000 passagers.

Quant aux destinations, deux zones polarisent la majeure partie des désirs des clients: les Caraïbes (qui représentaient 40% des passagers en 2019) et la Méditerranée (qui rassemblait 15% des croisiéristes cette même année), particulièrement prisée par les Français.

Paradoxe : la pollution de l'industrie ne freine pas la demande

Et pourtant, les critiques contre les croisières n'ont jamais été aussi vives. A l'été 2022, une contestation avait agité le sud de la France, illustrée notamment par la pétition « Stop à la pollution maritime en Méditerranée » soutenue par Benoît Payan, maire de Marseille. « Les niveaux de pollution atteints dans les villes portuaires aujourd'hui ne sont plus acceptables. À Marseille, on respire la pollution et on la voit », affiche le site de la mairie de Marseille. Sous pression, les armateurs opérant en Méditerranée ont signé avec l'Etat français en octobre 2022 une charte pour accélérer le développement durable des compagnies de croisières : la charte croisière durable en Méditerranée, un texte visant à apporter « un équilibre entre développement économique des territoires et protection de l'environnement et de la biodiversité marine ».

« Il y a une demande très forte pour cette industrie qui, en même temps, est contestée. La proposition de valeur est manifestement plébiscitée par le consommateur. Malgré les contestations environnementales, que les compagnies et les ports s'attachent à traiter, et certaines liées au sur-tourisme, le marché de la croisière connaît une forte croissance grâce à un produit très compétitif en termes de prix et d'expérience pour le consommateur », note Louis Gendry pour expliquer le paradoxe.

Vers une meilleure gestion des flux

Car des solutions existent, assurent les professionnels du secteur, à l'instar de la CLIA (Association internationale des compagnies de croisières) qui entend répondre au problème de sur-fréquentation touristique des villes-escales par une structuration du dialogue avec les autorités locales. En effet, certaines villes se trouvent parfois « engorgées » lorsque des paquebots de croisière accostent et déversent leurs flots de touristes sur terre. Marie-Caroline Laurent, DG Europe de CLIA, prône l'ouverture à la discussion avec les autorités locales pour trouver des solutions. Elle s'appuie sur l'exemple de Palma, île espagnole très touristique, avec laquelle CLIA a signé un accord en mai 2022 pour « lisser les arrivées » des paquebots.

La porte-parole du groupe assure toutefois que les escales se passent bien dans leur grande majorité malgré quelques épiphénomènes. « Les tendances sont assez positives », résume-t-elle.

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Cap sur la neutralité carbone

Pour autant, Marie-Caroline Laurent le reconnaît : la réduction de l'impact environnemental des bateaux de croisière est une « priorité », affirme Marie-Caroline Laurent. Et selon elle, cela passe notamment par le respect des engagements internationaux comme les objectifs de l'OMI (Organisation maritime internationale) de réduire de 40% les émissions de CO2 d'ici 2030 et d'atteindre la neutralité carbone en 2050. La CLIA mise sur les technologies zéro carbone telles que le branchement à quai ou les piles à combustible. Des outils digitaux, comme le Digital Twin par exemple, permette aussi d'optimiser les itinéraires des bateaux et de trouver la route la plus efficace en termes de consommation de carburant.

Le retour de la voile est également une option pour les petits navires mais elle doit venir en complément d'autre chose. En effet, l'industrie des croisières a une contrainte d'activités, les touristes veulent accoster pour visiter les sites. Il n'est donc pas possible pour un bateau d'être bloqué en mer faute de vent. Pour éviter ce problème, Marie-Caroline Laurent évoque les navires hybrides, avec plusieurs formes d'énergies à bord (piles à combustible, méthanol vert, etc). De tels bateaux permettraient, d'après elle, une meilleure adaptabilité aux ports dans lesquels on ne trouve pas toujours tous les types de carburants.

Biocarburants : y en aura-t-il assez pour tout le monde ?

Autre solution mise en avant par l'association: le recours au biocarburant. D'autant que des réglementations de l'Organisation maritime internationale (OMI) imposent désormais aux croisiéristes de se tourner vers ces derniers. L'objectif pour l'ensemble du secteur maritime est d'arriver d'ici 2025 à 2% d'utilisation de carburants alternatifs, puis 6% en 2030 et 14% en 2035.

« Ce n'est pas de la science-fiction, les carburants existent déjà », affirme Marie-Caroline Laurent. Toutefois, « un des enjeux va être qui a accès et quels sont les volumes de production » ajoute-t-elle. « Va-t-on avoir accès à suffisamment de fuel ? »

Rien n'est moins sûr. En effet, si les carburants à faible teneur en carbone sont de plus en plus demandés à l'heure de la transition écologique, les quantités actuellement fournies ne suffisent pas. La porte-parole de CLIA s'inquiète donc d'une éventuelle forme de compétition entre les acteurs des secteurs maritimeaérien et routier pour l'accès à ces biocarburants. D'autant plus que, d'après elle, le secteur maritime a parfois tendance à être oublié dans des politiques énergétiques.

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Une industrie qui reste « extrêmement polluante »

Un ensemble de solutions qui ne sauraient masquer le constat que dresse Transport et Environnement (T&E), une ONG européenne experte des questions de transports : malgré les efforts effectués, l'industrie de la croisière reste « extrêmement polluante ». Nicolas Raffin, chargé de la communication de T&E, rappelle que les plus gros paquebots peuvent consommer jusqu'à 2.000 tonnes de carburant par jour. Sans compter que les bateaux alimentés en fioul lourd émettent beaucoup de CO2, mais aussi des oxydes de soufre (SOx), d'azote (Nox) et des particules fines, qui sont des polluants atmosphériques qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé.

Dans une étude publiée mi-juin, Fanny Pointet, responsable du Transport maritime à T&E, rappelle qu'« aujourd'hui, le seuil d'émission maximal de SOx imposé aux bateaux de croisière est 100 à 500 fois supérieur à celui imposé aux voitures, suivant l'endroit où le navire se trouve ». En effet, la norme européenne de teneur en soufre pour le diesel routier et l'essence impose de ne pas excéder 10mg/kg. D'après cette même étude, T&E affirme qu'en 2022, les 218 navires de croisière situés en Europe ont émis autant d'oxydes de soufre (SOx) qu'un milliard de véhicules sur la même période.

Enfin, T&E met en garde contre l'utilisation de GNL dans ces navires de croisière. Certes, les bateaux fonctionnant au GNL réduisent leurs émissions de CO2 de 20% et éliminent leur pollution atmosphérique, mais les fuites de méthane lors de l'extraction du gaz ou de son transport posent un problème majeur. Sur une période de 20 ans, le méthane a un effet 80 fois plus puissant que le CO2 sur le dérèglement climatique. D'après une modélisation, T&E estime que les émissions de méthane liées aux bateaux de croisière ont été multipliées par 5 entre 2019 et 2022. Selon Nicolas Raffin, du fait des effets climatiques désastreux du méthane, il ne peut pas être une bonne solution de décarbonation.

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Commentaires 7
à écrit le 30/07/2023 à 14:45
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@dri Pour votre éclairage je pense que la frange des citoyens votant écolo est constituée de jaloux envieux qui ne pouvant pas voyager veulent en priver les autres. Par contre les leaders écolos ne se privent pas eux de ces plaisirs, j'en suis conv...

à écrit le 29/07/2023 à 11:10
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Il faut en finir avec toutes ces interdictions prônées par les écologistes qui ne sont rien d'autres que des aigris jaloux et envieux voulant interdire aux autres ce qu'ils n'ont pas les moyens de s'offrir. Personnellement je voyage depuis 50 ans ,j...

le 30/07/2023 à 7:23
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Votre discours est incohérent : à chaque nouvelle mesure anti CO² l'argument contre est soit "les écolos sont des riches bobos parisiens, les plus pauvres n'ont pas les moyens" (ZFE, voitures électriques), soit "les écolo sont des pauvres / jaloux" (...

à écrit le 28/07/2023 à 20:38
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Il n'y a pas de paradoxe. Le marché des croisières est encore étroit, même si, avec le mimétisme, son potentiel d'extension est élevé. Les consommateurs qui "plébiscitent" ce type de produit ne sont pas représentatifs et il est encore temps de circon...

à écrit le 28/07/2023 à 9:34
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Et pourtant les écologistes devraient se réjouir que tout ce touristes atteints de pathologies consuméristes sévères soient enfermés par milliers sur quelques centaines de mètre carrés beaucoup moins destructeurs quand ces gens là sont éparpillés dan...

le 28/07/2023 à 20:43
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Il ne manquera plus que l'iceberg. Peut-être avec la débâcle?.

le 28/07/2023 à 20:44
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Il ne manquera plus que l'iceberg. Peut-être avec la débâcle?.

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