Air France poursuit sa marche en avant vers les Etats-Unis

Depuis la fin de la crise sanitaire, Air France garde le cap à l'Ouest. Plus précisément vers les Etats-Unis. La compagnie française, engagée dans un bras de fer avec Lufthansa et British Airways sur le transatlantique, continue d'ajouter des destinations et de la capacité sur les Etats-Unis, ainsi que le reste de l'Amérique du Nord. Malgré un démarrage plus tardif, ses concurrentes restent bien établies.
Léo Barnier
Le renforcement de la flotte d'A350 permet à Air France d'étoffer son offre sur les Etats-Unis.
Le renforcement de la flotte d'A350 permet à Air France d'étoffer son offre sur les Etats-Unis. (Crédits : Christian Hartmann)

Et de 17. Avec l'ouverture de Phoenix, Air France va desservir 17e destination aux Etats-Unis cet été. Et même 24 en Amérique du Nord. Cela s'inscrit dans une stratégie de croissance forte sur le marché transatlantique depuis la réouverture des frontières américaines fin 2021. Le transatlantique est ainsi, plus que jamais, l'axe majeur de l'activité long-courrier d'Air France. Mais la compagnie a encore du chemin à faire pour rattraper Lufthansa et British Airways.

Avec cette ouverture, conjuguée à des renforcements de fréquences sur plusieurs destinations la reprise des vols vers Minneapolis - laissée un temps à Delta Air Lines - ou encore la poursuite de la desserte de Raleigh-Durham, l'offre de la compagnie française sur les Etats-Unis va dépasser de loin ses précédents seuils. Le nombre de sièges au kilomètre offerts (SKO) sur l'été en 2024 sera supérieur de 13 % à celui de l'an dernier, et de 20 % par rapport à 2019. Et ce malgré la sortie des Airbus A380, donc avec des avions plus petits en moyenne. Cela va donner un programme de 82 vols par jour, soit 41 par sens, sur l'ensemble de l'Amérique du Nord (Canada et Mexique compris).

De fait, l'axe transatlantique est plus que jamais central dans la stratégie d'Air France. A eux seuls, les Etats-Unis vont truster cet été 41 % de l'offre long-courrier de la compagnie. C'est six points de plus qu'en 2019.

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L'Asie à la traîne, les Etats-Unis en profitent

Cela s'explique en partie par le lent redémarrage de l'Asie en général, et de la Chine en particulier. Les statistiques de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui viennent d'être publiées pour 2023, montre que le trafic (toutes compagnies confondues) entre la France et la Chine n'a représenté qu'un million de passagers l'an dernier. C'est à peine un tiers du niveau de 2019. Pour le Japon, cela monte à 57 % avec 800.000 voyageurs à peine.

A l'inverse, le trafic entre la France et les Etats-Unis est quasiment équivalent à celui de 2019, avec plus de 9 millions de passagers. Ce qui en fait la principale destination en dehors de l'Europe, devant l'Algérie. Et le trafic avec le Canada dépasse les 3 millions de voyageurs, soit 12 % au-dessus du niveau d'avant crise.

Pour Air France, c'est aussi un marché premium qui correspond à la stratégie de montée en gamme voulue par Benjamin Smith, directeur général du groupe Air France-KLM. C'est d'ailleurs le marché privilégié pour le déploiement des cabines La Première qui équipent aujourd'hui une partie des Boeing 777-300ER de la compagnie. Et cela devrait se poursuivre au vu de la forte dynamique économique actuelle des Etats-Unis, dont la croissance s'est même envolée au troisième trimestre 2023.

Au vu de ces tendances, Air France a, a priori, tout intérêt à continuer à placer son offre vers l'Amérique du Nord plutôt que vers l'Asie. L'interdiction de survol de la Russie y contribue également : d'un côté, elle pénalise la desserte de l'Extrême-Orient d'un côté, de l'autre, elle permet à Air France de récupérer une partie du trafic entre l'Inde et les Etats-Unis qui doit désormais transiter par l'Europe.

Les difficultés actuelles d'Air France au Sahel permettent également ce transfert de capacités sur le transatlantique. Et sa flotte long-courrier continue de s'étoffer avec la réception de huit Airbus A350 cette année, ce qui fera 35 exemplaires. De quoi compenser la sortie des A380.

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Grignoter des parts de marché

La compagnie entend ainsi continuer à capitaliser sur l'avantage pris en sortie de crise, où elle a réussi à déployer rapidement de la capacité vers le marché nord-américain. Plus rapidement que Lufthansa ou British Airways en tout cas, ce qui lui a permis de renforcer ses positions vis-à-vis des clients américains.

Et cela se ressent dans les chiffres. Sur la saison hiver 2023, actuellement en cours, Air France affiche une hausse de 19 % de son offre par rapport à l'hiver 2022 quand British Airways stagne. Certes Lufthansa semble faire mieux avec 22 % de croissance, mais la compagnie allemande a démarré plus tard, avec d'importantes difficultés à mettre de la capacité en ligne comme l'a reconnu son directeur général, Carsten Spohr. Il y a donc un effet rattrapage. En élargissant le comparatif à 2019, Air France déploie ainsi 29 % de sièges au kilomètre en plus cet hiver qu'avant la crise. Lufthansa n'est qu'à 9 % de hausse et British Airways à 6 %.

Malgré ce redémarrage rapide et cette forte progression, Air France va devoir poursuivre son effort si elle veut aller chercher ses deux principales concurrentes européennes, mieux établies avant la crise. La compagnie française revendique 7 % de l'offre sur l'axe transatlantique cet hiver, quand Lufthansa et British Airways sont à 9 % chacune. Le constat est le même au niveau des groupes. Air France-KLM représente 10 % de l'offre, soit deux points de moins que le groupe Lufthansa (Lufthansa, Austrian Airlines, Swiss, et Brussels Airlines) et cinq de moins que le groupe IAG (British Airways, Iberia et Aer Lingus).

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Les coentreprises et la menace de Turkish

Au-delà des compagnies ou des groupes, la bataille au-dessus de l'Atlantique Nord se joue au niveau des coentreprises - plus haut niveau de coopération possible avant une fusion. Air France et sa compagnie-sœur KLM sont ainsi associées à Delta Air Lines et Virgin Atlantic au sein de la coentreprise Blue Skies. Et celle-ci s'inscrit largement dans cette stratégie de croissance sur les liaisons entre l'Europe et l'Amérique du Nord. Toujours sur la saison hiver 2023, les quatre membres ont fait progresser leur offre de 12 % par rapport à l'hiver précédent. Delta Air Lines se montre particulièrement volontaire en la matière avec des chiffres de progression supérieurs à ceux d'Air France, tandis que KLM et Virgin Atlantic sont davantage à la traîne.

C'est en tout cas deux points de croissance de plus que l'alliance A++ qui associe le groupe Lufthansa, United Airlines et Air Canada. Sur les six compagnies membres, seule Brussels Airlines est en recul. C'est aussi cinq points de plus que l'Atlantic Joint Business du groupe IAG, d'American Airlines et de Finnair. Là aussi, seule la compagnie finlandaise ne progresse pas d'une année sur l'autre.

Tous ces acteurs voient néanmoins poindre un nouveau concurrent dans leur rétroviseur : Turkish Airlines. Avec quasiment deux fois plus de sièges au kilomètre offerts qu'en 2019, la compagnie turque a déboulé dans le top 10 des principaux opérateurs sur le transatlantique et s'arroge déjà 6 % de l'offre. C'est aussi la seule de ce top 10 à ne pas faire partie d'une coentreprise.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 24/01/2024 à 19:39
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ça concerne plus l'Amérique du sud, mais.... on en est où de la privatisation de la TAP ?

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