Aviation  : le progrès peut-il recréer le rêve  ?

Jadis admiré, le transport aérien est aujourd'hui décrié par une partie de la population de certains pays industrialisés en raison, notamment, de son impact environnemental. A l'occasion du 9e Paris Air Forum, organisé par La Tribune et le groupe ADP, Edward Arkwright, directeur général exécutif du groupe ADP et président de TAV Airports, Anne Rigail, directrice générale d'Air France, Yannick Assouad, directrice générale adjointe Avionique de Thales, Damien Cazé, directeur de la DGAC, Sabine Klauke, directrice technique d'Airbus, ont tenté d'expliquer comment le progrès pouvait permettre à l'avion de faire à nouveau rêver.
(Crédits : Michaela Rehle)

« Pourquoi la génération du 21e siècle devrait-être assignée à résidence quand la précédente a pu prendre l'avion ? ». C'est ainsi qu'Augustin de Romanet, président du groupe ADP, a lancé la journée du Paris Air Forum, taclant, au passage, « l'égoïsme » de ceux qui prônent « la honte de prendre l'avion » alors même que 95% de la population mondiale n'a jamais eu l'opportunité d'utiliser ce moyen de transport. Il en est certain, « c'est le progrès qui sera enchanteur ».

Les intervenants qui participaient à la table ronde « Aviation : le progrès peut-il recréer le rêve », opportunément lancée dans la foulée de l'intervention d'Augustin de Romanet, n'ont pas cherché à se dédouaner de leur responsabilité afin que les nouvelles génération puissent de nouveau rêver de Saint-Exupéry.

« C'est bien d'être challengé par nos enfants », a souligné Anne Rigail, directrice générale d'Air France qui, en préambule, a commencé par vanter les bienfaits de l'aérien : « il a montré son rôle sociétal lors de la crise sanitaire en rapatriant et en acheminant du matériel médical et sa raison d'être reste de rapprocher les peuples pour construire le monde de demain. »

« Prendre l'avion reste magique »

Au passage, elle a précisé que l'appétence pour l'avion est loin d'avoir disparu : « Nous avons pour cet été retrouvé 90% de notre capacité de 2019. Prendre l'avion reste magique, c'est un miracle technologique. On ne le prend pas comme on monte dans un métro, il y a toujours une émotion.» Pour autant, « on voyage différemment, on ne le prend plus pour participer à une réunion de deux heures. »

Selon elle, le secteur reste toujours attractif: « Nous avons repris les embauches et pas eu de difficultés à recruter pour cet été 300 pilotes et 200 mécaniciens. »

Elle a reconnu toutefois que l'aviation continuera d'attirer « si et seulement si elle  s'engage résolument dans le transport durable ». Et « c'est ce que nous faisons tous, compagnies et constructeurs, qui allons au-delà des réglementations ».

« Les générations à venir ne se paieront pas de mots »

C'est bien aussi sous la pression des passagers que le transport aérien doit aller vers cette transition. « On ne trouve pas assez de carburant durable pour satisfaire la demande de nos clients qui veulent décarboner le transport ».

De son côté, Damien Cazé, directeur général de l'Aviation civile (DGAC), s'est alarmé pour « les générations à venir et même celles d'aujourd'hui seront très exigeantes et ne se paieront pas de mots ».

Pour Sabine Klauke,  directrice technique de Airbus , « en tant qu'ingénieur, c'est une phase excitante, on ne peut en effet pas juste décarboner avec les technologies existantes ». Ainsi, la responsable a mis en avant, pour connecter le monde,  « un rêve technique » avec le «  premier avion zéro émission en 2035 grâce à l'hydrogène ».

Yannick Assouad, directrice générale adjointe Avionique et membre du comité exécutif de Thales , a insisté sur les échelles de temps, « il faut continuer à investir sur des SAF et, aussi, travailler l'optimisation des trajectoires qui sont loin d'être des lignes droites d'un point A ou point B, chercher les vents porteurs peuvent aussi largement participer à économiser le carburant ».

« Le rêve commence par l'usage », dont celui de l'aéroport

Le tout, comme l'a précisé Damien Cazé (DGAC), doit être accepté par le monde entier, à commencer dans toute la France :  « Attention à loupe parisienne. Beaucoup de territoires ont l'impression d'être à l'écart de l'aviation et ont besoin à la fois de transport aérien et d'innovation. Une grande métropole du sud cherche à développer des taxis volant, ce n'est pas uniquement réservé à Paris. En Outre-Mer, ils s'agacent que l'on se concentre sur des théories globales à très long terme alors qu'ils ont des besoins immédiats ».

Il a ajouté : « il y a une formidable convergence des points de vue européens et on doit montrer au monde entier que l'on saura décarboner à l'horizon 2050. Ce devoir d'explication est entamé mais n'a pas encore fourni tous ses effets. Il faut montrer que nous avons des solutions qui rendent compatibles progrès de la décarbonation et développement du secteur aérien, ce dont beaucoup de pays ont besoin. »

Tout passager le sait : Il n'existe pas de voyage de rêve s'il ne commence pas par une expérience réussie à l'aéroport. Pour Edward Arkwright , directeur exécutif du groupe ADP,« le rêve », en effet, commence « par l'usage » avec  « un aéroport qui porte une exigence de qualité ». Il a  détaillé : « Cette ambition se matérialise par des projets que l'on peut avoir au sein du groupe ADP avec la franchise d'hospitalité aéroportuaire commercialisée sous la marque Extime. L'attente qui monte est exprimée partout dans le monde et non pas seulement à Paris ».

Le progrès, en effet, ne saurait être vu qu'à travers le prisme de la décarbonation. C'est, aussi, un avion qui arrive à l'heure, des sièges confortables, des passages fluides à l'aéroport ou encore des compensations adaptées aux désagréments subis comme des annulations pour des « raisons de service ». Et, en ce moment, ces désagréments alimentent beaucoup trop les gazettes, encore bien loin du rêve promis par le progrès.

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Commentaires 3
à écrit le 07/06/2022 à 22:24
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Ce n'est pas l'avion le problème c'est les passagers. La populace en roue libre. On en regrette que le Boeing CMax ne soit pas hégémonique.

à écrit le 07/06/2022 à 21:35
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Ce n'est ni le covid ni les écologistes qui nuisent au transport aérien ! Il était déjà mal en point en 2019, le covid l'a achevé en 2020. Les raisons ? Un modèle économique imbécile, le «bas-coût/bas-prix» (low-cost). Les prix des billets étant infé...

à écrit le 07/06/2022 à 18:11
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Vous confondez "progrès" et "innovation", l'un doit se justifier pendant que l'autre s'applique!

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