Chez Uber, les nouveaux chauffeurs doivent, désormais, être des VTC professionnels

Jusqu'à fin 2017, les chauffeurs déjà partenaires de la plateforme pourront toujours conduire sous le statut de Loti, avec un simple permis de conduire, en étant salarié d'une entreprise "capacitaire", c'est-à-dire détenant une autorisation administrative leur donnant la capacité de transporter des personnes sur la voie publique. Mais Uber souhaite accélérer leur transition.
Mounia Van de Casteele
Cette démarche permet surtout à Uber de se prémunir d'une potentielle pénurie de chauffeurs, une fois le délai de transition passé.

Anticipation. Alors que la loi Grandguillaume prévoit une période de transition jusqu'à la fin de l'année pour que les chauffeurs partenaires de plateformes de réservation type Uber exerçant sous le statut de Loti obtiennent le statut de VTC (voiture de transport avec chauffeur) professionnel, Uber prend les devants. En quête d'un nouveau souffle, le géant du VTC, connu pour défier les lois locales et dépenser de lourdes sommes en frais de justice semble en effet vouloir jouer le rôle du bon élève cette fois-ci. C'est pourquoi depuis lundi, la filiale française de la multinationale présente dans une cinquantaine de pays, ne recrute plus que des partenaires ayant la carte professionnelle de VTC ou étant inscrits à l'examen selon nos informations, confirmées par un porte-parole d'Uber:

"Ces nouvelles dispositions sont le fruit d'un dialogue continu avec les partenaires Lotis. Elles s'inscrivent dans le cadre d'une démarche active de responsabilité et de transparence avec les partenaires chauffeurs qui utilisent l'application. La transition des chauffeurs Lotis vers le statut VTC est imminente. À partir du 31 décembre prochain, l'ensemble des chauffeurs partenaires devront être munis d'une carte professionnelle VTC, un processus qui peut prendre jusqu'à 6 mois. Nous nous sommes engagés à accompagner financièrement et opérationnellement tous ceux qui choisissent d'entreprendre les démarches et suivre la formation nécessaire à l'obtention du statut VTC."

Il faut savoir que la majorité des partenaires d'Uber exercent le métier de chauffeur sous le statut de Loti, avec un simple permis de conduire. Comment ? En étant salarié d'une entreprise "capacitaire", c'est-à-dire détenant une autorisation administrative leur donnant la capacité de transporter des personnes sur la voie publique. Notons au passage que la majorité des partenaires d'Uber sont donc salariés - non pas de l'entreprise américaine mais d'autres entreprises de transport - alors que le terme galvaudé "d'uberisation" renvoie à une certaine précarisation de travailleurs indépendants. Pour ces chauffeurs, le fait d'être salariés ne signifie pas, pour autant, qu'ils sont mieux lotis que ceux qui sont indépendants. Bien au contraire même. C'est pour cela que Laurent Grandguillaume a voulu harmoniser les status des chauffeurs en un seul: celui de VTC professionnel donc. Mais les plateformes ont encore quelques mois pour se mettre au pas, puisque la période de transition court jusqu'au 31 décembre.

Pour Uber, le fait d'adopter cette nouvelle règle avec un peu d'avance lui permet surtout de se prémunir d'une grosse pénurie de chauffeurs, tant les démarches administratives relèvent du parcours du combattant. Car il n'est pas dit que tous les salariés des entreprises capacitaires puissent obtenir l'équivalence garantie par Laurent Grandguillaume, le député socialiste de Côte d'Or, auteur de la loi éponyme sur le secteur du transport particulier de personnes.

15.000 chauffeurs potentiellement sur le carreau

D'ailleurs, l'Autorité de la concurrence a relevé ce point, tout en étrillant le texte de la loi, qui mériterait, selon elle, quelques modifications. Dans un récent avis, l'institution évoque le gel de l'accès à la profession de VTC - qui n'est à la base pas réglementée ni contingentée, tout comme celle de moto-taxi ou de Loti - depuis l'entrée en vigueur de la loi Grandguillaume en décembre dernier. Et pour cause, depuis, aucun examen n'a été organisé ! Quant aux équivalences, elles sont, pour l'heure, quasiment inexistantes à cause des démarches administratives nécessaires. L'Autorité met donc en garde contre les licenciements à prévoir pour quelque 15.000 conducteurs "travaillant pour des centrales de réservation de VTC dans des agglomérations de plus de 100.000 habitants":

"Les conducteurs salariés d'entreprises Loti légers (véhicules de moins de 9 places, ndlr) qui souhaitent continuer à exercer au sein de leur entreprise (qui ne pourra plus employer que des conducteurs de VTC à partir du 1er janvier 2018) devront soit réussir l'examen de VTC, soit disposer d'un an d'expérience cumulée, et ce avant le 1er janvier 2018, date à laquelle ils devraient être licenciés."

Pour éviter une telle situation, l'Autorité préconise donc de prévoir, pour quelques cas particuliers, une dérogation permettant de ne requérir que 3 mois d'expérience professionnelle (et non pas 1 an) pour les Loti exerçant avant l'entrée en vigueur de la loi Grandguillaume, dans le but de leur éviter d'être licenciés:

 "La durée d'expérience professionnelle nécessaire pour accéder à la profession de VTC par équivalence devrait être réduite, par dérogation, à trois mois, afin de permettre aux conducteurs Loti légers, qui étaient en exercice avant l'entrée en vigueur de la loi Grandguillaume, de continuer à exercer leur activité dans leur entreprise actuelle au 1er janvier 2018 et d'éviter un impact important à cette date sur le bon fonctionnement des marchés de la réservation préalable."

Une période de transition jugée trop courte

C'est pourquoi l'institution recommande qu'à l'avenir le gouvernement pense à prévoir des mesures transitoires suffisamment longues maintenant les règles en vigueur, le temps d'adopter les décrets d'applications nécessaire:

" L'Autorité recommande, compte tenu de l'instabilité du cadre juridique, susceptible de pénaliser le développement du marché de la réservation préalable en général, et de l'offre de VTC en particulier, qu'à l'avenir le gouvernement prévoie des mesures transitoires suffisamment longues (lorsqu'il porte des projets de loi) ou dépose des amendements en ce sens (lorsqu'il s'agit, comme au cas présent, d'une proposition de loi) maintenant les règles en vigueur, le temps d'adopter les textes d'application nécessaires."

Précisons cependant, qu'à la base, le texte de Laurent Grandguillaume prévoyait une période de transition de 18 mois, mais que certains acteurs consultés ont poussé pour réduire ce délai à 12 mois (du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018), tel qu'il a finalement été retenu en commission mixte paritaire.

Pour rappel, Laurent Grandguillaume disait vouloir défendre les "pots de terre" (les chauffeurs, qu'ils soient taxis ou VTC) contre les "pots de fer" (les plateformes). Avec sa loi, il a notamment voulu "simplifier" les statuts pour un même métier: à savoir celui de transporter des passagers sur la voie publique. Aussi le député socialiste de Côte d'Or a-t-il souhaité supprimer le statut dit "Loti" dans les grandes villes, en obligeant ces chauffeurs à conduire, via des plateformes de réservation type Uber, des véhicules d'au moins dix places. Autant dire que cela rend la chose impossible dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants, où ils devront désormais passer l'examen pour devenir VTC, ou demander une équivalence s'ils peuvent justifier d'une expérience d'une année. Il s'agit de ces transporteurs occasionnels (le terme "occasionnel" s'oppose à "régulier" qui caractérise les horaires fixes d'une ligne de bus par exemple, ndlr) régis par la Loi sur le Transport Intérieur (d'où le terme "loti"). Pour eux, pas besoin de détenir une licence: il suffit de posséder un permis de conduire et de se faire salarier par un transporteur, qui détient, lui, une "capacité de transport" de personnes, c'est-à-dire, une autorisation administrative de transport de personnes, obtenue par examen. Leur véhicule se différencie de celui d'un VTC par le macaron violet sur le pare-brise, qui l'autorise à rouler dans les voies de bus, comme les taxis. Celui des VTC est vert.

Mounia Van de Casteele

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