Grâce à ses voyageurs, la SNCF maintient sa trajectoire

Les Français veulent voyager en train et la SNCF s'en frotte les mains. Dans un contexte macro-économique encore compliqué, le groupe ferroviaire profite de la forte demande des passagers pour maintenir son niveau d'activité et compenser les impacts négatifs de la réforme des retraites en début d'année. Mais elle souffre tout de même sur le plan de la rentabilité.
Le TGV a généré d'importants revenus supplémentaires au premier semestre.
Le TGV a généré d'importants revenus supplémentaires au premier semestre. (Crédits : Charles Platiau)

Inflation, mouvement de grève contre la réforme des retraites, recul du fret international, démantèlement annoncé de Fret SNCF, poursuite de l'ouverture à la concurrence... Le premier semestre de la SNCF n'a pas été un long fleuve tranquille. Pourtant, le groupe ferroviaire français a pu compter sur ses voyageurs pour préserver en grande partie son niveau de performance opérationnelle par rapport à l'an passé. Sur le plan financier, le groupe n'a pas déraillé mais a connu un sérieux coup de frein.

En prenant quelques métriques brutes, c'est une impression de stabilité qui semble se dégager à première vue du groupe SNCF lors de ce premier semestre 2023. Le chiffre d'affaires progresse très légèrement par rapport à la même période l'an dernier, à 20,7 milliards d'euros (+2 %). A périmètre constant, c'est encore plus invariable (-0,1 %).

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Les voyageurs répondent largement présents

Pourtant, les situations sont très différentes d'une activité à l'autre. Et clairement, c'est SNCF Voyageurs qui a permis au groupe d'afficher cette apparente stabilité. La filiale a dégagé un chiffre d'affaires en hausse de plus de 11 % et dépasse les 9 milliards d'euros. Sa marge recule d'un demi-point, mais à 10,5 % cela lui permet de dégager résultat opérationnel (Ebitda) en hausse, proche du milliard d'euros.

Laurent Trévisani, directeur financier du groupe, se félicite de cette performance qu'il attribue largement à la « très forte attractivité du train et du transport public » et y voit la confirmation de l'appétence des Français pour le train. Tous les segments de trafic sont ainsi en hausse, avec +10 % sur TGV Intercités, +5 % pour Transilien et +18 % pour les TER. Le dirigeant souligne également la nette amélioration des taux de remplissage sur les TGV, de l'ordre de 4 à 5 points, pour atteindre environ 80 % selon les périodes.

Derrière cet effet volume, il y a tout de même un effet prix centré sur le TGV, service commercial non conventionné au contraire des TER ou des Transiliens. Confrontée à une hausse de 13 % de ses coûts en raison de l'inflation, la grande vitesse a augmenté ses tarifs cette année. Laurent Trévisani mise néanmoins sur le fait que cette répercussion n'a été que partielle avec une augmentation moyenne limitée à 5 % (en attendant le relèvement de 10 euros des prix plafonnés pour les cartes Avantage à partir du 29 août). Il estime ainsi que la SNCF « a mis en place un bouclier tarifaire pour ses clients ». Sans donner de chiffre, le groupe reconnaît que le panier moyen du voyageur a augmenté malgré les différents rabais en place, mais précise que celui-ci est encore inférieur au niveau d'avant la crise sanitaire.

A lui seul, le segment TGV Intercités a été d'ailleurs le principal vecteur de la hausse du chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs. Il a engrangé 4,6 milliards d'euros, soit une hausse de près de 20 %, pour un résultat opérationnel qui s'envole de 46 % à 607 millions d'euros. Et cela devrait se poursuivre : sur l'été, les ventes de billets TGV sont déjà 10 % au-dessus de celles de 2022.

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La logistique internationale rentre dans le rang

A l'autre bout du spectre se trouve Geodis. Après avoir porté les résultats de la SNCF deux années durant, grâce à ses performances mais aussi bien aidée par un marché exceptionnel tant en prix qu'en volume, la filiale de logistique internationale de la SNCF est en phase d'atterrissage. Par rapport au premier semestre 2022, elle a perdu 12 % de son chiffre d'affaires qui se situe désormais à 5,9 milliards d'euros. A périmètre et change constants, la chute est de l'ordre de 20 %.

Laurent Trévisani y voit la conséquence d'un retour à la normale du marché du fret international, avec des tarifs qui reviennent à des niveaux plus habituels, mais aussi du ralentissement économique avec des baisses de volume dans tout le secteur, notamment depuis l'Asie vers l'Europe et l'Amérique du Nord.

Surtout, le directeur financier vante la capacité qu'a eu Geodis à « compenser pleinement cette baisse du chiffre d'affaires » en adaptant son outil industriel et en consolidant sa marge opérationnelle. De fait, celle-ci a augmenté d'un point, ce qui a permis à la filiale de dégager 589 millions d'euros d'Ebitda au premier semestre, soit quasiment autant que l'an dernier à la même période.

Du côté de Keolis, la société qui exploite les réseaux de transports urbains, le chiffre d'affaires est en hausse de 7,3% à 3,5 milliards d'euros. Cette augmentation correspond, dans le cas de cette filiale de SNCF groupe, aux contrats signés les semestres précédents. En France, Keolis a notamment remporté les réseaux de Perpignan et Valenciennes et a renouvelé ses contrats avec Dijon et Bordeaux. Pourtant sa marge s'est dégradée, avec un résultat opérationnel en baisse de près de 8 % à 290 millions d'euros.

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Une diversification payante mais insuffisante

Pour Laurent Trévisani, cette différence de dynamiques à l'intérieur même du groupe « conforte la stratégie de diversification du portefeuille ». « En 2021 et 2022, c'est Geodis qui a tiré le chiffre d'affaires. Pour ce premier semestre, et je l'espère sur l'ensemble de l'année, c'est SNCF Voyageurs qui s'est imposé comme locomotive », déclare-t-il ainsi.

Cet équilibre stratégique n'a pourtant pas suffi à la SNCF pour maintenir son niveau de rentabilité au niveau du groupe. Le résultat opérationnel consolidé est en recul de 7 %, à 2,7 milliards d'euros, et la marge opérationnelle s'abaisse de 1,3 point, même si elle reste tout de même à 13,4 %. La SNCF impute en grande partie cette baisse à des éléments contextuels. Il y a tout d'abord la forte mobilisation contre la réforme des retraites lors des premiers mois de l'année. Le groupe estime que celle-ci lui a coûté 500 millions de chiffre d'affaires et 400 millions d'euros d'Ebitda. Sans cela, Laurent Trévisani juge que la marge aurait dépassé les 15 %.

Si SNCF Voyageurs a plutôt bien absorbé le choc, ce n'est pas le cas de SNCF Réseau ou de Rail Logistics Europe (dont fait partie Fret SNCF). Même si elles restent dans le vert, les deux filiales ont vu leur rentabilité chuter lourdement : de plus de 20 % pour le gestionnaire d'infrastructures, et de près de 70 % pour le pôle de logistique ferroviaire. Ce dernier continue d'ailleurs de subir les conséquences de la grève, le retour des clients sur le fret étant bien plus long que pour le trafic passagers. Et le découpage annoncé d'une partie de Fret SNCF, sous la pression de Bruxelles, ne va pas aider à relancer la machine.

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Facteurs macro-économiques

Les conséquences de l'inflation ont également pesé. La facture d'électricité a doublé, soit 400 millions d'euros supplémentaires. Le groupe a aussi consenti deux hausses de salaires d'environ 6 % en moyenne en 2022 et 2023.

Laurent Trévisani note tout de même deux leviers positifs, à savoir un effet d'aubaine par rapport au premier trimestre 2022 encore touché par les effets de la crise sanitaires (300 millions d'euros) et les économies et gains supplémentaires apportés par la poursuite du plan de performance du groupe à hauteur de 390 millions d'euros, soit 61 % de l'objectif annuel.

Le résultat net est lui divisé quasiment par 6 et chute à 158 millions d'euros. Cela tient au recul de la rentabilité opérationnelle, mais aussi à des éléments non-cash avec des provisions supplémentaires à hauteur de 350 millions d'euros notamment en raison de la revalorisation des salaires.

La bonne nouvelle est venue de la capacité du groupe a tout de même dégager un flux de trésorerie libre en forte hausse. Il fait plus que doubler à 2,7 milliards d'euros. Laurent Trévisani affiche d'ailleurs une certaine confiance sur la capacité de la SNCF à dégager un cash-flow positif sur l'ensemble de l'année. Il souligne ainsi que le groupe remplit son contrat tel que défini dans le pacte ferroviaire de 2018 avec l'Etat. D'autant qu'il a réussi en parallèle à diminuer la dette de 500 millions d'euros. Néanmoins, la dette nette avoisine toujours les 24 milliards d'euros.

Laurent Trévisani vante ainsi la solidité de la structure financière du groupe et sa capacité à pouvoir mener ses investissements. Il faut bien ça en attendant la concrétisation du plan de 100 milliards d'euros sur 10 ans annoncé en début d'année par la Première ministre Elisabeth Borne, pour appuyer la régénération et la modernisation du réseau et accélérer le développement du ferroviaire, mais dont la concrétisation se fait encore attendre, notamment sur les modalités de financement.

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Commentaires 6
à écrit le 30/07/2023 à 11:13
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La SNCF qui laisse trop souvent ses clients sur le quai ou les embarque dans sa filiale de transport par cars....

à écrit le 30/07/2023 à 9:22
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La tribune: vous dites augmentation des salaire de 6 % sur 2022 et 2023 .. c est drôle c est pas ce que dis mon ria de 2022: 1,4% et mes fiches de paye 2023:2,4%.. fait pas prendre pour argent comptant ce que dit la direction sncf c est que de la com...

à écrit le 29/07/2023 à 13:28
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Hélas, le train est trop cher avec multiplicité de tarifs. Au Japon, les prix des trains ne varient pas et seul le type de train et la classe choisie fait varier le prix . Quand on voyage en shinkansen non seulement il y a de la place pour les bagage...

le 29/07/2023 à 17:32
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"réponse de Européen", petit correctif à votre post : ce ne sont pas les salariés de la société anonyme SNCF qui décident des stratégies menées au sein de leur entreprise mais l'Etat Français ! D'ailleurs , la majorité des membres du CA de la SA SNCF...

à écrit le 28/07/2023 à 14:39
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RENTABILITE, vous avez dit "rentabilité" un mot inconnu à la SNCF depuis 1937. les cocos et la SNCF une grande histoire d'amour et de monopole d'Etat où il fait bon vivre à l'abri des économies, gestion financière, encore moins rentabilité. Mais c'e...

à écrit le 28/07/2023 à 8:52
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Le train ne tien que parce que les français l'adorent, sinon notre classe dirigeante a passé les cinquante dernières années à le démanteler dont les trois quart de nos voies ferrées. Donc oui malgré la haine de ceux qui possèdent et détruisent le mon...

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