Île-de-France : quelles solutions de mobilités pour un trafic galopant ?

Face à la révolution de ses mobilités, la région francilienne met le paquet pour déjouer les pronostics de saturation. Reste à savoir qui va payer...
Nabil Bourassi
(Crédits : Sipa)

Pour ceux qui ne l'ont pas encore compris, la mobilité sera à coup sûr l'un des sujets majeurs des élections municipales. Jamais, cette question n'aura jamais autant été un enjeu de campagne électorale. La maire de Paris, Anne Hidalgo, en sait quelque chose. Son mandat qui s'achève aura été rythmé par autant d'initiatives en matière de mobilités que de polémiques et d'incidents industriels. Du renouvellement très laborieux du contrat Vélib', à la fin désastreuse d'Autolib', en passant par l'irruption chaotique de services en free floating (des vélos aux trottinettes en passant par les scooters), sans parler des choix radicaux de réduction des voies pour automobilistes et de création de kilomètres de pistes cyclables à double sens, Anne Hidalgo a pris des risques, mais s'est également retrouvée face à des situations que nul n'avait prévues.

Alors que la loi d'orientation des mobilités (LOM), qui doit enfin doter les collectivités de prérogatives de régulation des mobilités, tarde à entrer en vigueur, la Ville de Paris a décidé d'anticiper en prenant une série de décisions restrictives sur les trottinettes : interdiction de stationner ou de rouler sur les trottoirs, obligation de payer une redevance d'occupation du domaine public, autorisation préalable... Mais, de fait, la mairie de Paris est plutôt dans une stratégie défensive, et n'a pas encore été capable de définir une régulation vertueuse susceptible de favoriser les mobilités innovantes et alternatives au tout-voiture, comme c'est pourtant la volonté de la maire. D'autant que la réflexion sur Paris intra-muros ne pourra plus constituer l'alpha et l'oméga des politiques de mobilités, avec la migration de nombreux habitants vers la banlieue en raison du prix prohibitif des logements à l'intérieur du périphérique.

Car l'Île-de-France sature et il n'est pas certain que les transports en commun suffiront à tout régler. C'est bien au niveau régional que les mobilités sont en train d'être repensées. Le développement d'un réseau de banlieue à banlieue est la meilleure façon de désengorger la capitale tout en désenclavant les territoires de la grande couronne, mal desservis. C'est toute la stratégie que tente de piloter Île-de-France Mobilités.

Pour Laurent Probst, son directeur général, la Région doit anticiper dès maintenant une progression inéluctable et massive du trafic dans la prochaine décennie:

« L'Île-de-France est l'une des régions les plus dynamiques d'Europe. Cela se traduit par une progression des besoins en déplacements d'environ 1,5% par an. Le rôle d'ïle-de-France Mobilités est d'anticiper ces évolutions et de trouver des solutions ».

« Nos outils de prévision sont bien rodés, et nous sommes capables d'anticiper assez précisément les évolutions de trafic à moyen et long terme. Comme nous avions identifié que la ligne 13 arriverait à saturation en 2017, nous avons programmé le prolongement de la ligne 14 au Nord. Nous estimons aujourd'hui que les lignes 1, 7 et 9 sont également menacées de saturation à horizon 2030 si la ligne 15 du Grand Paris Express n'est pas construite à cet horizon dans son intégralité. »

Le modèle d'anticipation de la ligne 13 avait permis de lancer dès 2010 le prolongement de la ligne 14 vers la porte de Saint-Ouen. Mais celui-ci a pris du retard et n'entrera en service qu'en 2020 seulement. De même, la ligne 15 du Grand Paris Express doit permettre de soulager les lignes 1, 14 et 6.

Un trafic routier saturé

Cette stratégie doit également répondre au tout-voiture qui prévaut encore en dehors de Paris. Et il y a urgence car, selon Laurent Probst, le trafic routier est déjà totalement saturé tant et si bien que c'est le seul moyen de transport à ne pas croître en région parisienne. Sur cette question, il y a un consensus entre la mairie de Paris et la Région, classée à droite, sur l'objectif de ne pas augmenter les capacités du trafic automobile. Île-de-France Mobilités rappelle que sur les 42 millions de déplacements quotidiens effectués dans la région, 16 millions le sont encore en automobile, tandis que les transports en commun n'absorbent que 9 millions de ces déplacements.

Le Grand Paris Express, qui comprend trois lignes supplémentaires, est donc une nécessité absolue, mais la question du financement est une source d'inquiétude. D'après Laurent Probst, le budget du réseau actuel (environ 7 milliards d'euros par an) est financé par les recettes de tickets (27 %) et le versement transport, une taxe prélevée par l'Urssaf. Île-de-France Mobilités estime qu'elle devrait profiter de la croissance des prochaines années. Mais le super-métro du Grand Paris Express risque de peser lourd dans l'exploitation.

« Le financement de l'exploitation des transports en commune en Île-de-France est assuré jusqu'en 2023. Mais, la question de l'exploitation du Grand Paris Express, qui représentera un budget annuel de 1 milliard d'euros n'est pas résolue. Le texte de loi adopté en 2010 avait réglé la question du financement pour la construction, mais pas sur l'exploitation », s'inquiète Laurent Probst.

En outre, l'organisme public prévoit d'importants investissements pour augmenter les capacités de nombreux réseaux.

Sur le RER B, un appel d'offres est en cours pour équiper la ligne de trains à double étage, ce qui permettra d'augmenter d'un tiers les capacités de transport. Mais il faut compter sur une enveloppe pharaonique de deux milliards d'euros. Cette ligne doit également être semi-automatisée afin de gagner des points de régularité et mettre plus de trains sur le réseau. Facture : 800 millions d'euros !

Le vélo, une vraie solution, mais très sous-exploitée en Île-de-France

Il reste toutefois la solution idéale du bus. « Le bus est souvent critiqué, mais il coûte moins cher que les autres modes de transports en commun et se déploie plus vite. Entre 2016 et 2017, nous avons augmenté l'offre globale de transports en commun de presque 3% par an grâce au bus », rappelle Laurent Probst. Bien entendu, l'Île-de-France n'est pas sourde aux innovations et travaille sur plusieurs projets pour développer des mobilités alternatives.

Chez IDF Mobilités, on croit beaucoup au vélo.

« Il reste encore sous-exploité en Île-de-France. Si on compare à d'autres régions d'Europe du Nord, nous pourrions facilement monter à 2 millions de déplacements par jour, contre les 650.000 actuels. Nous avons mis en place l'offre de location longue durée de vélos à assistance électrique à partir de la rentrée pour permettre de faire décoller ce marché. »

Covoiturage : convaincre 1 million de personnes de participer

Le covoiturage est également une autre façon de répondre à la saturation du réseau routier tout en tirant un gisement de capacités. IDF Mobilités reconduit cette année un projet expérimental de subventions au covoiturage en les augmentant. En 2018, le premier dispositif avait multiplié par trois le nombre de personnes covoiturées. Chez IDF Mobilités, on estime qu'avec une moyenne d'occupation de 1,1 personne par voiture, sur les 16 millions de trajets quotidiens, il y a du grain à moudre.

« Si on convainc 1 million de personnes par jour à covoiturer, c'est déjà énorme », admet-on chez IDF Mobilités, qui réfléchit à des solutions avec des startups comme Karos ou Klaxit.

La Région travaille sur une arme fatale pour faire décoller le covoiturage : une voie dédiée, comme à Los Angeles. Valérie Pécresse, la présidente de la Région, veut utiliser les bandes d'arrêts d'urgence à cette fin. Il y a toutefois de nombreux obstacles réglementaires et techniques à lever. De plus, le covoiturage, même subventionné, coûte infiniment moins cher que de développer une infrastructure de transports en commun. Vélos, métro, bus, RER, covoiturage... Tous les moyens sont bons pour faire de l'Île-de-France un territoire mobile et durable.

Nabil Bourassi

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Commentaires 6
à écrit le 10/07/2019 à 11:08
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Il est nécessaire d'inverser le processus afin que l'homme soit plus statique! Pour cela il est impératif de relocaliser la production, la distribution et donc l'emploi! Sortir de la politique de l'offre, de la publicité et donc de la création de bes...

à écrit le 30/06/2019 à 13:40
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La photo est super. Ces deux gozesses sur leurs patinettes. Orgueil, certitude d'etre les meilleures. Attention au gadin.

à écrit le 28/06/2019 à 0:32
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Laissez ceux qui resteront ici galoper.

à écrit le 28/06/2019 à 0:32
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Ne vous prenez pas la tete, un passeport a jour et un coffre fort prive.

à écrit le 27/06/2019 à 12:07
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Un trafic galopant? Tiens, je n'ai pas encore croisé de cheval mais, patience, ça va venir!

à écrit le 27/06/2019 à 10:49
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Paris est bien trop peuplée pour pouvoir être gérée sereinement en ce qui concerne la circulation mais vu le niveau intellectuel désastreux de nos politiciens, de tous hein, on voit bien qu'ils sont incapables de penser par le moins car paramétrés po...

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