
[Article publié le 31 janvier 2023 à 12:39, mis à jour à 20:44 avec réactions de la DGAC]
L'aéroport de Paris-Orly pourrait bien revoir à la baisse ses prévisions de trafic pour cet été. Si l'actualité de ce 31 janvier est plutôt centrée sur les 20% de vols annulés de façon préventive en raison du mouvement social contre la réforme des retraites, les compagnies aériennes s'inquiètent davantage d'un autre problème à venir sur la plateforme parisienne.
En effet, lors de ses vœux, la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam) - la principale association professionnelle du transport aérien en France - a alerté sur des restrictions d'exploitation prévues pour la saison été par la Direction générale de l'aviation (DGAC) en raison d'un manque de contrôleurs aériens.
Pascal de Izaguirre « extrêmement surpris » par cette alerte tardive
Pascal de Izaguirre, président de la Fnam et PDG de la compagnie Corsair, a indiqué avoir été notifié de ce problème il y a quelques jours par la DGAC et s'est dit « très inquiet ».
Il s'est déclaré également « extrêmement surpris d'apprendre avec beaucoup de retard qu'il y a une insuffisance de contrôleurs » alors que la saison été débute fin mars.
« Nous pensions que ce genre de choses se programmait », a-t-il ajouté, indiquant être en attente d'explications. La nouvelle n'a néanmoins pas encore été officialisée par la DGAC.
Les départs matinaux seront touchés
Ce manque de contrôleurs pourrait engendrer une perte de capacité à Orly. Les compagnies aériennes se verraient ainsi contraintes de réduire leurs programmes de vol durant la première heure de la journée, entre 6h et 7h (l'aéroport d'Orly est soumis à un couvre-feu entre 23h30 et 6h). Laurent Timsit, délégué général de la Fnam, explique que l'activité sur cette tranche horaire pourrait être limitée à 20 départs contre 25 au minimum aujourd'hui. L'impact serait donc d'au moins 20% sur cet horaire.
Si cela apparaît relativement modeste et gérable sur le court terme, l'inquiétude de Pascal de Izaguirre et de la Fnam porte sur la durée de ces restrictions. Elle est encore indéterminée aujourd'hui, selon lui :
« On ne nous donne pas la réponse, mais on nous dit que cela pourrait durer. »
Or, si cette situation se prolonge, il estime que « c'est un problème ». Laurent Timsit craint également cette absence de visibilité et ajoute que la DGAC oppose le temps de formation de plusieurs années des contrôleurs à toute possibilité de résolution rapide.
« Tout cela est extrêmement pénalisant pour les compagnies aériennes car tous les retards ont des coûts pour les compagnies aériennes : un coût avec l'insatisfaction de nos clients et un coût financier », affirme Pascal de Izaguirre, président de la Fnam.
Un créneau stratégique pour les low cost (Transavia, Easyjet et Vueling)
Le délégué général ajoute que cette plage horaire est stratégique pour les compagnies dans l'organisation de leur journée, en premier lieu pour les compagnies à bas coût avec des avions basés à Orly.
Le modèle low cost repose en effet sur une exploitation maximale des appareils tout au long de la journée, partant de leur base le matin pour y revenir le soir après avoir sillonné le réseau. À Orly, Transavia, Easyjet et Vueling sont ainsi les premières concernées.
La DGAC répond par la nécessité de réguler le flux sur toute la journée
Interrogée, la DGAC assure tout d'abord que « la capacité opérationnelle des services de la navigation aérienne d'Orly reste au même niveau pour la saison de l'été 2023 que les saisons précédentes ».
Elle confirme néanmoins qu'elle a bien proposé, après avoir consulté le groupe ADP et les représentants des compagnies aériennes, de « limiter le nombre de départs possibles entre 6h et 7h », estimant qu'une « telle régulation permet de fiabiliser le programme des compagnies et, par conséquent, d'assurer une meilleure qualité de service pour les passagers. »
Cette décision, selon la DGAC, vient en réponse à l'augmentation du nombre de départs programmés sur ce tout début de matinée, dans un contexte de reprise forte du trafic après la crise sanitaire. Elle juge ainsi que « cette hausse de la demande en tout début de matinée et à courte échéance peut difficilement être absorbée par les services de la navigation aérienne sans générer des retards tout au long de la journée », avant de conclure que « de tels retards peuvent avoir des répercussions jusqu'en fin de journée, entraînant des difficultés opérationnelles pour les compagnies ».
Pour éviter qu'une telle situation perdure, la DGAC affirme enfin qu'elle « va examiner la manière d'adapter l'offre de contrôle aérien sur Orly à la demande croissante de vols exprimée par les compagnies aériennes sur la première heure du matin ». Mais cela ne vaudra que pour les « saisons ultérieures ».
Des ressources humaines tendues
La DGAC, ou plus précisément sa Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) qui gère le contrôle aérien, est en proie à des problèmes de recrutement après le ralentissement des embauches en 2020 et 2021 lors de la crise sanitaire. La tour d'Orly serait, de plus, confrontée à des problèmes de fidélisation de ses effectifs.
En juin 2022, le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA, majoritaire) rapportait dans un tract « une situation tendue » face à la reprise du trafic, « dans un contexte de sous-effectif ».
Lors de la grève des contrôleurs du 16 septembre 2022, le SNCTA avait inclus le recrutement dans ses revendications, mais celle-ci était principalement centrée sur les besoins futurs avec une vague de départs à la retraite attendue à partir de 2029.
Le syndicat a depuis obtenu des engagements pour renforcer les recrutements, mais il ne porteront leurs fruits que dans quelques années compte-tenu des temps de formations nécessaires.
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