
British Airways brûle 20 millions de livres par jour (22 millions d'euros) et, pour survivre à la crise sans précédent qui frappe le transport aérien et revenir très vite dans le vert avec un niveau de rentabilité parmi les plus élevés du secteur comme cela était le cas avant la crise du Covid, la compagnie britannique n'y va pas par quatre chemins.
"Honte nationale"
Plus durement impactée que ses concurrentes européennes en raison d'une exposition plus forte au marché nord-américain et à la clientèle professionnelle, tous deux en totale déliquescence, mais aussi en raison de la sévérité des mesures de quarantaine pour les passagers imposées par le gouvernement britannique, British Airways, qui n'a pas reçu d'aides d'Etat massives contrairement à Air France-KLM et Lufthansa, taille à son habitude drastiquement et brutalement dans sa structure de coûts, en particulier ses coûts sociaux, quitte à provoquer les protestations des syndicats et de nombreux députés, dont certains, ceux de la commission Transports de la Chambre des Communes notamment, n'ont pas hésité en juin à qualifier British Airways de "honte nationale pour tenter de tirer profit de la pandémie afin de réduire les conditions de travail de son personnel".
Pour réduire fortement la masse salariale de la compagnie, la direction a en effet décidé non seulement de supprimer une part importante de ses effectifs (12 000 salariés, soit 28% du personnel), mais aussi de réduire fortement la rémunération et les conditions de travail d'une grande partie des employés qui seront conservés.
"Fire and rehire"
Après avoir signé début août un accord avec les pilotes pour limiter à 270 les licenciements (contre 1275 prévus initialement), en échange d'une baisse temporaire des salaires de 20%, la direction s'attaque désormais aux personnels au sol et aux personnels navigants commerciaux (PNC, ou hôtesses et stewards) basés en Angleterre, soit 30 000 salariés environ qui resteront dans la compagnie une fois les 12 000 suppressions de postes concrétisées. Pour ces derniers, British Airways compte changer leur contrat avec des conditions moins-disantes pour la majorité d'entre eux, même si les cotisations patronales pour les pensions de retraite seront augmentées de 11%. Appelé "fire and rehire", ce schéma, légal en Grande-Bretagne (mais pas en Irlande), s'apparente à un licenciement suivi dans la foulée d'une réembauche avec un autre contrat, aux conditions dégradées.
De trois contrats différents à un contrat unique pour les PNC
Pour les hôtesses et stewards, cette mesure va mettre fin à l'existence de trois contrats différents au profit d'un contrat unique, réduisant fortement la rémunération des plus hauts salaires et améliorant d'une manière non précisée celle de 40% des PNC disposant déjà de bas salaires, essentiellement ceux qui ont été embauchés après 2011. Pour ces derniers, la différence de traitement avec leurs collègues est telle qu'ils ne volent jamais avec leurs collègues plus anciens dans le but d'éviter des tensions entre les PNC.
Pour les plus anciens, la baisse de rémunération est brutale : -20% sur le salaire de base et une réduction "considérable", selon l'un d'eux, des indemnités liés aux vols, comme l'indemnité repas.
"Au total, la baisse de rémunération est de 40%", explique à La Tribune, un salarié de British Airways, en dénonçant une précarisation du métier.
Selon lui, le nombre de jours de repos va être également revu à la baisse pour tout le monde et chacun pourra voler à la fois sur moyen ou long-courrier, une mesure de flexibilité énorme pour la compagnie.
Jusqu'à 40% de baisse de rémunération
Les PNC que la compagnie avait prévu de conserver avaient jusqu'à lundi midi pour dire s'ils acceptaient ou pas de rester dans la compagnie avec un nouveau contrat, censé démarrer le 1er novembre. En cas de refus, les salariés n'ont pas d'autre alternative qu'un licenciement, même si la compagnie s'en défend.
"Dans le cas où vous ne souhaitez pas rester chez British Airways, nous offrons la possibilité d'accepter une indemnité de licenciement pour cause de licenciement statutaire et nous confierons votre poste à une personne du pool de candidats prioritaires qui souhaiterait rester dans l'entreprise", est-il indiqué dans le courrier envoyé aux salariés pour leur présenter le projet de la direction.
Indigné, le syndicat Unite n'a pas beaucoup de cartouches. Vu le nombre extrêmement limité de vols assurés par British Airways (environ 15% de son programme) et de passagers transportés, une grève comme l'envisage le syndicat n'aurait pas beaucoup d'impact sur la direction. Aussi cherche-t-il à frapper autrement en demandant, avec de nombreux parlementaires, que seules les compagnies "socialement responsables" puissent conserver leur précieux créneaux horaires de décollage et d'atterrissages.
Sur le seul plan économique, il est clair que si British Airways parvient à ses fins, la compagnie va disposer d'un avantage compétitif énorme par rapport à d'autres concurrents, notamment Air France, qui va supprimer moins de postes (7 500) et n'entend pas pour l'heure toucher aux conditions de travail et de rémunération des employés qui resteront dans le groupe.
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