Malgré l’envolée de ses coûts, Ryanair pulvérise son record de bénéfices

Avions pleins, trafic sans précédent, hausse des revenus plus rapide que celle des coûts... tous les voyants étaient au vert pour le transport aérien cet été. Et c'est encore une fois Ryanair qui en a le plus profité. Si d'autres compagnies ont mis la barre très haut, la low cost irlandaise se dirige vers une rentabilité record pour son exercice 2023-2024, à condition de maîtriser un second semestre toujours plus compliqué.
Léo Barnier
Avec des avions plein à 95 % malgré la remontée des tarifs, Ryanair ne cesse de gagner en rentabilité.
Avec des avions plein à 95 % malgré la remontée des tarifs, Ryanair ne cesse de gagner en rentabilité. (Crédits : BERNADETT SZABO)

Il n'y avait pas réellement de doute sur le fait que les compagnies à bas coût seraient les grandes gagnantes de l'après Covid. Et Ryanair le prouve allègrement. Fort d'un été record, l'opérateur ultra low cost irlandais mise sur un bénéfice net aux alentours de deux milliards d'euros pour son exercice en cours, qui s'achèvera en mars 2024.

C'est un changement de ton pour Ryanair. Alors qu'elle se déclarait jusqu'ici « prudemment optimiste » sur le fait que le profit net de l'exercice 2023-2024 « sera légèrement supérieur à celui de l'année dernière », la compagnie mise désormais une hausse de ses bénéfices comprise en 30 et 43 %. Des chiffres qui pourraient laisser penser à un effet de rattrapage post-crise, comme c'est le cas dans d'autres compagnies. Or, Ryanair a déjà passé cette phase, elle qui a réalisé le deuxième exercice le plus rentable de son histoire en 2022-2023.

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Ryanair sur le point de battre largement son record de bénéfices

L'an dernier, la low cost irlandaise avait ainsi tutoyé son record - qui est de 1,45 milliard d'euros en 2017-2018. Cette année, sauf catastrophe industrielle, elle devrait le pulvériser. Elle prévoit d'engranger entre 1,85 milliard d'euros et 2,05 milliards d'euros. Et ce malgré l'envolée de ses coûts carburants, qui devraient enfler de 1,3 milliard d'euros par rapport à l'an dernier.

Si Ryanair se montre si confiant, c'est qu'elle vient d'achever un premier semestre de tout premier ordre. Après un début d'exercice marqué par une bonne dynamique à Pâques, la compagnie a enregistré des chiffres de trafic record cet été. Elle a ainsi transporté plus de 105 millions de passagers sur 6 mois. C'est une croissance de 11 % par rapport à la même période l'an dernier, et plus de 20 % par rapport à 2019-2020.

Ryanair a su profiter du niveau exceptionnel de demande sur le marché européen et des difficultés de certains de ses concurrents pour remettre de la capacité en ligne - l'offre globale des compagnies européennes est encore inférieure de quelques pourcents à celle d'avant la crise - pour se saisir de cette croissance. « Ryanair se développe dans toute l'Europe, nous prenons des parts de marché à nos concurrents aux tarifs plus élevés », s'est félicité Michael O'Leary, directeur général de Ryanair.

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Des tarifs en hausse

Surtout, la compagnie a réussi à faire grimper les prix, avec des revenus qui ont grossi plus vite que le nombre de passagers. « Nous avons toujours des tarifs bas, mais vous ne verrez pas de sièges vendus à 9,99 euros », a indiqué le patron de Ryanair. Le chiffre d'affaires du groupe est ainsi en croissance de 30 % par rapport au premier semestre de l'exercice précédent. Cette hausse vient principalement des billets d'avion (+37 %), même si les revenus annexes (vente à bord, offres croisées avec des loueurs de voiture, des hôtels...) ne sont pas en reste (+14 %). Il atteint 8,6 milliards d'euros sur le semestre.

De quoi compenser l'envolée des coûts opérationnels de 24 %, due selon Ryanair à l'augmentation des charges de personnels, des coûts de contrôle aérien et surtout de la facture carburant, qui représente plus de 40 % des coûts de la compagnie malgré un fort taux de couverture (85 % de sa consommation prévue sur l'année à un prix d'environ 89 dollars le baril). Malgré cette forte hausse, Michael O'Leary estime que sa compagnie maîtrise mieux cette inflation et en fait un avantage compétitif : « Comme indiqué précédemment, nous prévoyons que les coûts unitaires hors carburant augmenteront d'environ 2 euros cette année, ce qui creuse encore l'écart de coûts entre Ryanair et les compagnies aériennes concurrentes en Europe. »

La compagnie low cost irlandaise affiche ainsi une rentabilité opérationnelle de plus de 28 % sur le semestre, et une rentabilité nette de plus de 25 % avec 2,2 milliards d'euros de bénéfices. Ce sont des résultats tout bonnement exceptionnels pour une compagnie aérienne, même si Ryanair a déjà atteint la barre des 20 % sur l'année. À titre de comparaison, Air France-KLM qui vient de réaliser le trimestre le plus rentable de son histoire cet été, affiche une marge opérationnelle de 15,5 % pour un chiffre d'affaires de 8,7 milliards d'euros. Certes, le groupe français génère bien plus de revenus que la low cost irlandaise, mais sa rentabilité est inférieure d'une douzaine de points (même en ne comptabilisant que son troisième trimestre, de loin le plus favorable au transport aérien).

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Limiter les pertes au second semestre

Tout l'enjeu pour Ryanair va désormais être de maintenir un haut niveau de performances sur le reste de l'année et de ne pas perdre trop d'argent alors que se profilent les deux trimestres les moins favorables (octobre-décembre 2023 et janvier-mars 2024). Au vu de la prévision de résultat annuel plus faible que les bénéfices du semestre qui vient de s'achever, la compagnie devrait perdre entre 200 et 330 millions d'euros sur les six derniers mois de son exercice décalé.

Michael O'Leary a déjà déclaré qu'il n'espérait pas renouveler la performance de l'an dernier, soit un profit net de plus de 200 millions d'euros au troisième trimestre : « Les coûts de carburant non couverts sont nettement plus élevés, ce qui rend peu probable la reproduction de la performance exceptionnelle du troisième trimestre de l'année dernière. Comme il est normal à cette époque de l'année, nous n'avons qu'une visibilité très limitée sur le quatrième trimestre.  Ce dernier est traditionnellement notre trimestre le plus faible et, cette année, il sera affecté par le dénouement partiel des crédits carbone gratuits du système d'échange de quotas d'émission (à partir de janvier 2024). »

La situation est loin d'être négative pour Ryanair, habituée à cette saisonnalité forte. « Les réservations à terme (à la fois le trafic et les tarifs) sont robustes pour la fin octobre et la période de pointe de Noël », a d'ailleurs déclaré le patron de Ryanair. Michael O'Leary vise une croissance robuste, bien que légèrement inférieure à celle des six premiers mois de l'année, pour atteindre 183,5 millions de passagers sur l'exercice complet (+9 %). Et il espère une hausse moyenne des prix de 10 % sur son troisième trimestre en raison de capacités encore limitées pour les compagnies européennes et des déboires de moteurs Pratt & Whitney (lire ici : Airbus, plus de 600 A320 NEO cloués au sol au premier semestre 2024 à cause des moteurs Pratt & Whitney).

Il conditionne néanmoins cela « au respect par Boeing de ses engagements de livraisons d'ici la fin de l'année ». Le patron irlandais continue ainsi de mettre la pression sur l'avionneur américain, à nouveau confronté à d'importants problèmes sur son 737 MAX. « À ce stade, nous craignons que jusqu'à 10 de nos 57 livraisons de Gamechanger (nom donné au 737 MAX chez Ryanair, NDLR) sous contrat avant l'été 2024 soient retardées jusqu'à l'hiver 2024 », a indiqué Michael O'Leary. Ryanair a déjà pris en compte 26 exemplaires au premier semestre.

Pas de quoi remettre en cause les prévisions de rentabilité de Ryanair : la low cost a décidé d'un premier dividende de 400 millions d'euros à ses actionnaires, versé en février prochain, qui sera complété par un dividende final de 200 millions d'euros en septembre 2024, après l'assemblée générale.

Léo Barnier

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Commentaires 3
à écrit le 06/11/2023 à 23:22
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On ne pourrait pas nationaliser un peu RYANAIR pour lui piquer beaucoup de son superprofit pour boucher notre super-déficit budgétaire du à la super-insuffisance de nos élites.

à écrit le 06/11/2023 à 22:51
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Vivement la taxation de l aérien tant en survol des pays qu au sol des aéroplanes…

à écrit le 06/11/2023 à 17:50
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