Sobriété énergétique  : le gouvernement met la pression sur les acteurs du transport

Face à la crise énergétique, qui va s'accroître cet hiver, le gouvernement appelle à la sobriété. Premier consommateur d'énergie, le secteur des transports est au cœur de cette réflexion. Air France, SNCF, Vinci Autoroutes et les autres vont devoir contribuer à la réduction de la consommation énergétique de 10 % d'ici deux ans. Certains ont déjà présenté des mesures, elles doivent maintenant se concrétiser.
Léo Barnier
Symbole pour beaucoup du transport carboné, le transport aérien va être attendu sur ses engagements de sobriété.
Symbole pour beaucoup du transport carboné, le transport aérien va être attendu sur ses engagements de sobriété. (Crédits : Reuters)

Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP, Ben Smith, directeur général d'Air France-KLM, Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, ou encore Marie-Ange Debon, présidente du directoire de Keolis... Tous vont devoir se serrer la ceinture. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et de Clément Beaune, ministre délégué en charge des Transports, ont réuni ce mardi les principaux acteurs des transports* ce mardi à l'Hôtel de Roquelaure pour lancer un groupe de travail dédié au secteur dans le cadre du plan « sobriété énergétique » décidé par le gouvernement en juin dernier afin de faire face aux risques de pénuries cet hiver. C'est le 8e du genre.

Si Agnès Pannier-Runacher a insisté sur la dimension « bottom-up » de ce travail, avec des propositions faites par les entreprises, elle attend des engagements de la part de ces mêmes entreprises. Les différentes directions générales (Energie et climat, Aviation civile, Infrastructures, transports et mobilités) étaient également mobilisées ce matin, ainsi que d'autres acteurs comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ou l'ONG Transport et environnement.

Quand la guerre accélère la transition environnementale

« Ce chantier de la sobriété adresse une double problématique. La première problématique est celle de la lutte contre le réchauffement climatique. La première ministre (Elisabeth Borne) a lancé ce chantier avec un objectif d'économie d'énergie globale de 10 %, sur le carburant, le gaz et l'électricité. Il est essentiel, car c'est la première marche d'une économie d'énergie de 40 % que nous devons réaliser si nous voulons être au rendez-vous de nos objectifs de l'accord de Paris, puis atteindre la neutralité carbone en 2050 », a débuté Agnès Pannier-Runacher, insistant sur le fait que ces engagements avaient été formulés par Emmanuel Macron avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Pourtant, c'est bien la deuxième problématique qui est au cœur des préoccupations aujourd'hui, à savoir un risque de pénuries d'énergies cet hiver avec la réduction des livraisons de gaz et de carburant par la Russie. Agnès Pannier-Runacher a ainsi rappelé qu'avant la guerre 17 % du gaz en France provenait de Russie et 20 % du carburant (essentiellement du diesel). En Europe, ces chiffres montent respectivement à 40 et 50 %.

« Après 6 mois de travail, avec un plan organisé sous l'égide du Président de la République et de la Première ministre, nous avons activé tous les leviers pour envisager l'hiver avec un certain niveau de sérénité. Cela suppose tout de même d'aller jusqu'au bout des efforts », a admis la ministre. Et c'est là que les demandes faites aux acteurs du transport doivent entrer en scène.

Les transports : à la fois le problème et la solution

La ministre de la Transition énergétique les a donc appelés à un effort collectif, « avec au premier chef ceux qui ont le plus de capacités à agir, c'est-à-dire les ministères, les collectivités locales et vous-même (les entreprises de transport) ». « Vous avez un rôle à jouer car aujourd'hui vous êtes le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France (de l'ordre de 30 % du total des émissions et de la consommation énergétique finale, NDLR). C'est une réalité. Il va donc falloir trouver des moyens de réduire cette empreinte carbone avec des mesures appropriées », a-t-elle poursuivi. De son côté, Clément Beaune a estimé « que la bonne nouvelle est qu'une large partie de la solution pour la sobriété et la transition écologique se trouve dans le secteur des transports ».

 « Ce que l'on attend vous, c'est que chacun dans votre périmètre vous allez chercher ce qui est efficace et qu'on puisse vous accompagner pour être plus efficace possible », Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique.

Dans cette optique non-contraignante, Agnès Pannier-Runacher et Clément Beaune ont demandé aux entreprises du secteur à présenter leurs propositions avec un processus « bottom-up », offrant en échange les expertises des services de l'Etat, de l'Ademe ou de RTE et GRDF pour les rendre « le plus efficace possible » et « aller plus vite ». Elles seront débattues au sein du groupe de travail « transports », en adéquation avec les problématiques spécifiques au secteur, tandis que des sujets transverses - comme la sobriété et la rénovation énergétiques des bâtiments, la mobilité douce pour les salariés - pourront donner lieu à des coopérations avec les autres groupes déjà constitués.

Le bout de bois et la mini-carotte

Pour ne pas sembler donner entièrement un blanc-seing aux entreprises, Agnès Pannier-Runacher les a tout de même mises en garde : « C'est cette sobriété choisie qui nous met le plus abri de devoir recourir à des mesures plus contraignantes ». Juste avant le début des premières discussions de travail, elle a aussi tenu à rappeler que « deux livrables étaient attendus » de la part des entreprises pour le plan sobriété : d'une part une charte d'engagements annonçant clairement les actions initiées et les objectifs attendus, et de l'autre un guide de bonnes pratiques dans « vos métiers » afin de les répandre chez les acteurs plus modestes du secteur. Une fois ces engagements arrêtés par le groupe de travail, Agnès Pannier-Runacher devrait présenter un plan d'actions détaillé, avec un récapitulatif global des mesures. Celui-ci semble prévu d'ici la fin du mois.

Pour sa part, Clément Beaune a reconnu qu'il y avait déjà des travaux engagés. Il a cité ainsi les actions entreprises sur la rénovation énergétique des bâtiments, les consignes en matière de chauffage et de climatisation, l'adaptation au télétravail, le renouvellement des flottes de matériel roulant ferroviaire et de véhicules de transport... Il a même insisté tout particulièrement sur l'écoconduite et l'écostationnement dans le ferroviaire, capables de générer des économies d'énergie de 7 à 15 %. Mais cela ne l'a pas empêché de demander un renforcement des efforts et une sobriété accrue, grâce entre autres au partage des bonnes pratiques.

« Nous devons être très clairs. Les transports sont une partie de la transition écologique, avec des transports publics, des transports verts, le ferroviaire en particulier. La sobriété, ce n'est pas moins de transports, moins de trains ou moins de services publics », précise Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, suite à la polémique sur une possible réduction du nombre de trains en circulation cet hiver.

Bien que les deux ministres se défendent de stigmatiser l'un ou l'autre des domaines (routier, ferroviaire, aérien et maritime), assurant que la transition les concerne tous, Agnès Pannier-Runacher et Clément Beaune ont appelé à des reports modaux vers des moyens de transport plus propres et à un renforcement des transports publics décarbonés.

En l'absence de véritable bâton, la ministre de la Transition énergétique a aussi sorti la carotte en évoquant les possibilités d'incitations grâce aux certificats d'économie d'énergie (CEE), permettant l'accès à des primes pour financer des projets d'amélioration énergétique et « rendre les retours sur investissement plus compatibles avec les trajectoires financières » des entreprises. Un dispositif dont le niveau a été relevé de 25 % (à hauteur de 600 TWh cumulés) pour la période 2022-2025.

*Outre les acteurs déjà cités, la réunion comprenait des représentants de la RATP, de la SNCF, de Transdev, des concessionnaires d'autoroute (APRR-AREA, Sanef, Alicorne, Atlandes), de la Société française du tunnel routier du Fréjus, des grands ports maritimes et d'Haropa Port, de l'Union des aéroports français, de l'Union des transports publics et ferroviaires, des Voies navigables de France et de la Société du Grand Paris.

Encadré : Air France joue les bons élèves

Parmi les acteurs des transports, certains ont profité de la présentation du plan de sobriété gouvernemental appliqué à leur secteur, le 6 septembre, pour communiquer en amont sur les mesures déjà prises. Si la SNCF a mis en avant l'écoconduite largement reprise dans le discours du ministre des Transports, c'est aussi le cas d'Air France. Outre les mesures de son programme « Air France ACT » sur son cœur de métier, renforcées en avril dernier, la compagnie aérienne a fait valoir ses autres efforts pour améliorer son bilan d'ici 2030. Elle indique ainsi le lancement de travaux et l'adoption de bonnes pratiques pour améliorer la sobriété énergétique des bâtiments, avec un objectif de baisse de la consommation d'énergie de 40 % entre 2011 et 2030. Un objectif bien aidé par la généralisation du télétravail, qui permet une réduction de 25 % de l'empreinte immobilière des locaux administratifs de la compagnie.

Air France cite également des mesures pour l'accompagnement de la mobilité des salariés vers des solutions de transports en commun (remboursement à 100 % des abonnements déjà mis en place), de covoiturage (avec une plateforme dédiée), de véhicules électriques (avec l'installation de bornes de recharge. Et elle indique la tenue de campagnes internes pour sensibiliser ses salariés aux « écogestes ».

Léo Barnier

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Commentaires 4
à écrit le 07/09/2022 à 23:42
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Moins de vols, avions plus grandes. Bring on le A380.

à écrit le 06/09/2022 à 20:35
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Encore une raison de plus d'éviter Air France enfin plutôt Air Chance. Pour ma part bénéficiant d'une liaison Marseille Istanbul ave Turkish Airlines il y a bien longtemps que j'évite AF sur le long courrier ,j'utilise uniquement ce transporteur pou...

le 06/09/2022 à 23:10
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En quoi le fait d'utiliser Turkish à la place d'Air France change l'aspect énergétique? Ah si Air France a un programme de décarbonation avec une flotte plus récente (entre autre) , Turkish non. Un billet Air France contribue à l'économie du pays av...

le 07/09/2022 à 8:25
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apres la declaration de notre 1er ministre toute sortie de mme en avion sera une haute trahison a sa parole meme en cas d'urgence il n'y a pas d'excuse a des paroles insensé si ce n'est de plaire aux nouveaux taliban que sont les ecolos..

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