Une filière du vélo « made in France » est-elle possible ?

Le gouvernement a lancé il y a trois mois un nouveau plan vélo 2023-2027 avec 2 milliards d'euros d'investissements promis, en partie pour développer une filière économique du vélo. Industriels et associations s'activent en coulisse pour chiffrer et structurer la chaîne industrielle du vélo made in France. Mais les freins sont nombreux et certaines industries, comme l'automobile, passent en priorité. Explications.
Le gouvernement souhaite l'assemblage d'1,4 million de vélos en France d'ici 2027 et de 2 millions d'ici 2030.
Le gouvernement souhaite l'assemblage d'1,4 million de vélos en France d'ici 2027 et de 2 millions d'ici 2030. (Crédits : DR)

Si le développement du vélo est conforme aux objectifs nationaux, soit d'atteindre 12 % de nos trajets quotidiens, cela permettrait d'économiser 21 millions de tonnes de CO2 par an à l'horizon 2030, d'après une étude réalisée par le cabinet Cways. Un enjeu de taille, alors que la France affiche la volonté d'une neutralité carbone pour 2050. Sauf qu'en 2022, la part de trajets quotidiens effectués à vélo était inférieure à 5 %. Pour rattraper ce retard, l'Etat a annoncé un plan vélo à horizon 2027 de 2 milliards d'euros avec pour objectifs principaux : rendre le vélo accessible à tous, développer les infrastructures ainsi que renforcer la place du vélo dans l'économie.

Pour ce dernier point, le gouvernement souhaite l'assemblage d'1,4 million de vélos en France d'ici 2027 et de 2 millions d'ici 2030. Un chiffre qui devrait être atteint selon Patrick Guinard, le président de l'Association de promotion et d'identification des cycles et de la mobilité active (Apic). En effet, la France assemble aujourd'hui près d' 1 million de vélos sur son territoire et « 60 % à 70 % des vélos électriques sont produits sur le territoire national », se réjouit-il.

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Construction d'une filière

Les associations représentant le vélo sont mobilisées depuis janvier dernier par groupes de travail afin d'établir une filière économique. L'objectif est de définir une structure, une gouvernance et des projets pour l'ensemble des acteurs du vélo. Le document final devrait être transmis au gouvernement à la rentrée pour ensuite être rediscuté et finalisé avant fin 2023.

Les groupes de travail planchent également sur un label de certification du made in France, qui n'existe pas à l'heure actuelle et qui permettrait de valoriser la production nationale. Sur l'établissement d'une filière économique, la France est à la traîne en Europe. Le Portugal ou la Pologne sont les deux principaux pays à avoir investi massivement pour développer des usines de production. « Si vous allez dans des usines d'assemblage de vélos au Portugal, vous avez l'impression d'être dans un endroit qui produit des vaccins tellement tout est moderne, robotisé et organisé », a constaté Olivier Schneider, président de la fédération des usagers de la bicyclette (FUB).

Enfin, la France mise également beaucoup sur la promotion du vélotourisme pour développer massivement le vélo sur son territoire et ainsi augmenter les volumes d'utilisation. Car les ventes de vélos stagnent sur le territoire national ces dernières années, l'attrait de l'électrique vient tout juste combler la baisse des vélos sans assistance.

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Réindustrialiser les pièces à valeur ajoutée

Les industriels n'ont cependant pas attendu le feu vert du gouvernement pour réindustrialiser une partie de la production. En effet, la pandémie a entraîné de nombreux retards et une perte de qualité pour certaines entreprises.

« Nous ne pouvions plus nous déplacer pour voir les fournisseurs et contrôler les pièces, nous avons eu des difficultés à maintenir la qualité de nos produits. Le prix du transport a aussi beaucoup augmenté, il a été multiplié par quatre pour certaines pièces à risque, comme les batteries », confirme Alexandre Lazareth, responsable du pole product management et de la certification chez Fifteen, une entreprise de services vélo en location courte et longue durée.

Toutefois, il est difficile de rapatrier toute la chaîne de valeur en France quand une grande partie a été délocalisée en Asie. Les industriels se concentrent donc sur les pièces à forte valeur ajoutée comme l'assemblage final ou encore les batteries des vélos électriques. Fifteen a ainsi annoncé la mise en service en mai 2023 d'une ligne d'assemblage qui pourra produire jusqu'à 45.000 vélos par an et susciter la création de 50 emplois dans les Hauts-de France. L'entreprise commencera également l'assemblage des batteries dans le Puy-de-Dôme et souhaite réindustrialiser l'essentiel de l'électronique en France d'ici fin 2024. « Nous voulons fabriquer 80 % à 90 % de la valeur du vélo en France », explique Alexandre Lazareth.

Relocaliser permettra de créer de la valeur économique en France et des emplois. L'objectif est aussi écologique puisqu'un vélo électrique émet 0,3 tonnes de carbone à sa fabrication et son usage contre 4,8 tonnes pour une voiture thermique rien qu'à sa production. Un écart qui peut davantage se creuser si les vélos sont produits en France.

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Développer une culture industrielle forte

Cependant, reconstruire toute une industrie ne va pas être chose aisée. Tout d'abord, plusieurs composants des vélos comme la chimie des batteries ou encore les freins, les vitesses, la dynamo ou le moteur n'ont quasiment aucune industrie existante en Europe. Il faudrait donc repartir de zéro. « Nous sommes capables de le faire puisque nous avions tout ceci jusque dans les années 1980 », rassure Patrick Guinard. Encore faudra-t-il des investissements massifs pour monter rapidement en production et être compétitif. « Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un vélo produit en France qui coûte deux fois plus cher », avertit Alexandre Lazareth.

Pour cela, il faudra augmenter les volumes et donc les ventes afin d'optimiser les coûts. Patrick Guinard propose, outre l'aide à l'achat du gouvernement, la réduction de la TVA de moitié sur les vélos, actuellement à 20 points. L'autre solution concerne la location, souvent moins coûteuse que l'achat. Sauf que, « de par les règles de la concurrence européenne, les collectivités qui proposent des vélos en location libre-service n'ont pas le droit de demander une préférence nationale », regrette Caroline Van Renterghem, directrice des affaires publiques et de la RSE chez Fifteen, qui dénonce également un manque d'aides sur les locations longue durée dans le plan vélo du gouvernement.

Enfin, l'un des freins majeurs de la mise en place d'une filière du vélo en France est le manque de formation et de main d'œuvre. « Mettre des millions pour construire une usine, c'est faisable, mais avoir une culture de l'industrie est très difficile », argue Olivier Schneider. « Aujourd'hui, les gens qui travaillent dans l'industrie du vélo sont soit issus de la filière automobile soit des passionnés, il n'y a pas de formation pour être ingénieur vélo », remarque Patrick Guinard.

L'industrie automobile justement qui, paradoxalement, bloque aussi le déploiement du vélo made in France en accaparant la main d'œuvre mais aussi la production de cellules de batteries dans ses gigafactories. « Nous ne sommes pas près de voir ces cellules sur les vélos tout de suite », regrette Alexandre Lazareth.

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Commentaires 25
à écrit le 15/08/2023 à 23:11
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Bonjour, Pour le vélo il y a bien longtemps que les Vendéens s'y sont lancés, pas besoin d'un décret, du petit garage de croix de vie de Mr Gâteau, 50 ans après dont le rachat de Gitanes, l'entreprise compte plus de 1000 salariés. Mais malheureusem...

à écrit le 14/08/2023 à 8:42
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Bien sûr ! Avec le moldave à 150 balles par mois en travail détaché suffit de leur trouver dans hangars dans lesquels dormir, parce qu'avec un salaire de moldave on peut à peine survivre en France, même les bangladais ne sont pas mieux placés ! Hein,...

le 15/08/2023 à 8:43
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quand m macron remplace la fonction de la sncf par des cars et que sont ministre des finance prefere de voitures chinoise a la production francaise voila pour les vendu de la republique

le 15/08/2023 à 10:07
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Pendant qu'ils nous promettaient la mondialisation humain ils généraient la mondialisation du fric.

à écrit le 14/08/2023 à 5:11
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@Henry. La Constitution depuis l'avenement de sarko et de l'actuel locataire de l'elysee est foulee, pour ne pas dire saccagee. Les dommages a venir vont etre sans commune mesure avec ce que vous vivez au sens societal. Le delitement sera irreversib...

à écrit le 13/08/2023 à 12:11
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Le vélo marchera le jour où vous pourrez sereinement garer votre précieux dans le magasin, avec la surveillance d'un vigile physique permanent, et faire vos courses tranquille. Les antivols ne servent à rien - ils ne font que retarder de quelques sec...

à écrit le 13/08/2023 à 9:26
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Ça va se faire, mais il va falloir du capital pour les robots et de la formation en robotique. Le dernier point reste les infrastructures en ville. Il faut des endroits pour garer les vélos et des pistes ou chemins protégés. Mais bon, les bases sont ...

à écrit le 12/08/2023 à 13:46
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Il faut s'entendre. Est-ce-que l'enjeu principal est de construire une filière industrielle 'vélo', avec la valeur ajoutée qui va avec (mais alors les 50 emplois des Hauts de France relèvent de l'anecdote)? Ou bien s'agit-il d'abord d'accroître (cons...

le 12/08/2023 à 23:58
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Avec cette nouvelle disruption économique qui avance à marche forcée, cette fois, la "destruction-créatrice" (Schumpeter) ne produira les effets escomptés. L'IA, la robotique, le numérique et la digitalisation détruiront plus d'emplois viables qu'ils...

le 15/08/2023 à 10:24
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" La distance domicile travail devra diminuer en conséquence" la distance a augmente car le prix des logements a explosé (et aussi a cause de la racaille qui rend certains endroits inhabitables). si la hausse des taux et le deces des boomers devrait ...

à écrit le 12/08/2023 à 10:36
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Mettre du bon argent public (comprendre de la dette) dans la filière vélo (toutes frontières ouvertes) pour en organiser la gouvernance, faciliter l'assemblage et pire encore croire que ce dernier (assemblage) est une pièce à forte valeur ajoutée ind...

à écrit le 12/08/2023 à 10:34
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"cela permettrait d'économiser 21 millions de tonnes de CO2 par an à l'horizon 2030, d'après une étude réalisée par le cabinet Cways" Mais bien sûr, allez voir la page du cabinet Cways pour vous faire une idée de l'objectivité de la chose......Et s...

à écrit le 12/08/2023 à 10:24
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Vu l'accroissement des intempéries, et des séniors, les français seront de moins en moins en capacité de faire du vélo en France. Je ne vois pas quel investisseur serait prêt à perdre de l'argent dans ce secteur sans avenir, à part l'état évidement.

à écrit le 12/08/2023 à 8:52
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Comme d'hab ! On parle, on médiatise, et l'on croit que le travail est fait... ! C'est ainsi que l'on gouverne ! ;-)

à écrit le 12/08/2023 à 8:05
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Bien sûr ! Avec le moldave à 150 balles par mois en travail détaché suffit de leur trouver dans hangars dans lesquels dormir, parce qu'avec un salaire de moldave on peut à peine survivre en France, même les bangladais ne sont pas mieux placés ! Hein,...

le 13/08/2023 à 23:59
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@Dossier 51: C’est un complot, il y a un complot et heureusement que vous êtes là, vous avez encore vu juste. Les marchands de sommeil du 9.3 ont des stocks de hangars dont ils ne savent pas quoi faire. Ils veulent les faire occuper par des ouvriers ...

à écrit le 11/08/2023 à 21:13
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de mieux en mieux! afin de rendre le velo accessible a tous, il faut creer une filiere en france ou les velos couteront 4 ou 5.000 euros piece, enfin sauf quand la cgt prendra les usines en otages! alors pour permettre aux pauvres d'acheter ca on va ...

à écrit le 11/08/2023 à 21:07
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Encore de l'argent public pour les metropoles alors qu'une grande partie des zones rurales attendent tout simplement l'accès aux bus des écoles etc.Jamais un Président n'a eu autant de dédain pour les ruraux. Les élus Renaissance, Horizon,Modem ont o...

à écrit le 11/08/2023 à 19:39
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Il y a des immeubles de bureaux à proximité de mon domicile et je vois passer de plus en plus de salariés qui s'y rendent en vélo ...électriques !!! Et après un rapide coup d'œil sur internet j'ai découvert plusieurs fabricants français !!!

à écrit le 11/08/2023 à 19:03
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Bonjour, Bien sûr tout un est positif... Pédaler dans semoule s'est tous se qui nous reste

le 11/08/2023 à 19:32
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Y a pas pénurie de semoule ? Restera à pédaler dans le vide. :-) La volonté est là mais le diable se cache dans les détails, y a quantité de pièces dans un vélo, dont des freins.

à écrit le 11/08/2023 à 18:57
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La France n'est pas la Hollande, à moins que les "platistes" du gouvernement recherchent de nouveaux moulins à vent. À quand de nouveaux investissements dans la filière de la godasse pour ceux qui marchent? La France commence sérieusement à me fiche ...

à écrit le 11/08/2023 à 18:56
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Nos dirigeants ont tous un petit vélo, sinon, nous n'en serions pas là.

le 12/08/2023 à 12:27
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@Henry. J'insiste a peine, mais qui met les "dirigeants" en place et situation pour vous compliquer depuis 6 ans vos existences ? Les francais qui votent mal. Faut assumer.

le 12/08/2023 à 23:29
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@matins calmes: Judicieux; si l'on votait tous les ans, comme dans les entreprises ou dans l'esprit d'une vraie démocratie, peut-être cela changerait-il. Peut-être!...

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