
Lancer un véritable « plan Marshall pour le vélo ». C'est en tout cas l'appel de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) envers l'Etat pour déployer cette mobilité douce. C'est chose faite. Le gouvernement mené par Elisabeth Borne a annoncé un plan vélo à 2 milliards d'euros d'ici 2030. Après un premier plan établi en 2018 de 350 millions d'euros, la multiplication du budget par 10 permet « de changer d'échelle, de passer de l'artisanal à l'industriel », s'est félicité Clément Beaune, le ministre délégué aux Transports. A cet investissement, il sera ajouté 4 milliards d'euros si l'on prend en compte les collectivités territoriales. Une nouvelle qui a réjouit les associations même si elles auraient aimé « un peu plus dans les rêves les plus fous », selon les mots de Françoise Rossignol, présidente du club des villes et territoires cyclables et marchables. Maintenant, reste à savoir si ces 2 milliards seront utilisés à bon escient. Si l'on a aujourd'hui des pistes de projets, il reste encore des trous dans la raquette.
Déployer les pistes cyclables intelligemment
Premier gros chantier du plan vélo : les pistes cyclables. D'ici fin 2023, 200 millions d'euros seront alloués à la construction de nouvelles infrastructures et 1,25 milliard d'euros d'ici 2027. L'objectif du gouvernement est d'atteindre 80.000 km de pistes cyclables d'ici 2027 et 100.000 km d'ici 2030, soit deux fois plus qu'actuellement. Un objectif ambitieux mais pas suffisant pour la FUB : « Nous demandions 2,5 milliards d'euros juste pour les infrastructures ». De son côté, l'adjoint à la mairie de Paris aux constructions publiques, Jacques Baudrier, estime qu'il faudrait 1 milliard d'euro par an pour développer un tel projet.
Au delà de la question du financement, reste à savoir où placer ces pistes. Clément Beaune a assuré vouloir développer les pistes cyclables au sein des petites et moyennes villes ainsi que dans les milieux ruraux. En outre, ces territoires représentent un enjeu majeur dans la transition puisque c'est souvent là où les plus grandes distances sont parcourues entre le domicile et le travail et où le vélo peut avoir encore plus d'impact. « Le report entre la voiture et le vélo classique est de 10% environ mais il monte à 60%-70% pour le vélo électrique », rappelle Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports. Mais toutes les routes ne pourront pas bénéficier d'infrastructures pour le vélo.
« Il faut aussi miser sur les véhicules intermédiaires entre le vélo et la voiture pour la longue distance comme les vélo-voitures, les vélos-cargos pour transporter des charges lourdes... Il faut aussi insister sur l'intermodalité avec le développement du stationnement dans les gares par exemple », explique Aurélien Bigo.
Clément Beaune a assuré que 100% du territoire national sera couvert par une politique cyclable d'ici 2030. Mais la FUB regrette un « point aveugle » de ce plan dans la mise en place d'une dynamique citoyenne. L'association demandait que 1% du fonds d'investissement soit alloué à la structuration d'une expertise des citoyens au niveau local pour le déploiement des infrastructures. Pour Jacques Baudrier, il faudrait plutôt « une administration d'Etat dédiée au vélo : une Agence nationale du vélo ».
La sécurité : encore à faire...
Si les infrastructures permettront en partie de rassurer les usagers, la sécurité reste l'enjeu prioritaire du gouvernement. Pour rappel, 244 cyclistes ont été tués en 2023, en hausse de 30% par rapport à 2019. Parmi eux, plus de 56% étaient situés hors agglomérations, là où les vitesses sont les plus élevées. Afin de limiter les accidents, l'Etat planche sur des villes tests afin de développer des aides pour les cyclistes comme le décalage du feu vert qui permettrait de libérer le sas des vélos avant le départ des voitures ou encore un repose-pied à l'arrêt. Un décret sera proposé avant l'été et favoriserait la mise en place de feux clignants et de feux stops sur les vélos. Le casque n'est quant à lui toujours pas rendu obligatoire.
La sécurité est le nœud du problème pour le président de la Fédération des usagers de la bicyclette, Olivier Schneider, qui a rappelé que 60% des personnes pourraient prendre le vélo au quotidien si les conditions le permettait. La FUB a également rappelé qu'un certain nombre de personnes ne savent pas faire du vélo. Le gouvernement a misé sur un apprentissage dès l'école, avec les enseignants, à quelques 850.000 enfants par an. Une manière également d'enseigner les bonnes pratiques de conduite. Mais aucun plan détaillé n'a été présenté notamment sur le temps engagé dans l'emploi du temps, déjà très chargé, des enseignants.
Enfin, Clément Beaune a insisté sur la protection contre le vol de vélo qui pourrait freiner à l'achat. L'objectif est donc d'étendre l'inscription des vélos au fichier national d'identification des cycles pour atteindre 13 millions d'ici 2027 et d'augmenter le nombre de stationnements sécurisés dans les gares pour atteindre 90.000 contre 30.000 points de stationnement actuellement.
Créer une industrie et de l'emploi
Enfin, ce plan vélo est, pour le gouvernement, un moyen de relancer l'industrie française. Le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, a évoqué le chiffre de 80.000 emplois directs et indirects liés à la réparation et au service notamment. C'est même 160.000, selon l'Ademe.
Si, aujourd'hui, la France produit 800.000 vélos, le gouvernement souhaite passer ce nombre à 2 millions d'ici 2030.
« Nous allons lancer dès cet été un appel à projet pour définir ce que sera le vélo made in France. L'objectif n'est pas de faire ce que les Chinois font en plus cher. Il faut un vélo innovant, écoconçu et peu cher, c'est le défi de l'industrie française aujourd'hui », a souligné Roland Lescure.
Pour le moment, si l'on a acheté deux fois plus de vélos que de voitures en France cette année, la production reste encore majoritairement étrangère en particulier sur les vélos électriques où les batteries, par faute de structuration de filière, sont toutes importées de Chine.
Les aides allouées à l'achat de vélos vont quant à elles perdurer, sans préférence géographique spécifique mais avec une nouveauté dans ce plan : elles concerneront également les vélos d'occasion cette fois-ci. « Avec les aides, nous avions des vélos neufs moins chers que des vélos d'occasion, ce n'était pas logique », a estimé Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique.
De son côté, Olivia Grégoire, la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises et du tourisme a rappelé l'importance du vélo dans l'économie touristique. En effet, le vélo-tourisme rapporterait pèse plus de 4 milliards d'euros selon l'Ademe. La France est actuellement la deuxième destination touristique à vélo après l'Allemagne. Le projet du gouvernement est de définir trois itinéraires pour chaque région : un itinéraire gastronomique, un sportif et un écologique.
Ce plan est un gros coup à jouer pour la France. En 2020, l'Ademe estimait à 5% la pratique quotidienne du vélo par les Français, loin derrière les Pays-Bas où près de la moitié des Néerlandais utilise au quotidien la petite reine.
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