Comment Veolia compte doubler son chiffre d’affaires au Moyen-Orient

En lançant Enova, une joint-venture créée en 2002 avec un promoteur immobilier émirati, le français vend son savoir-faire dans l’efficacité énergétique, dans une région fortement exposée au changement climatique.
Dans la station de dessalement de Sur, en Oman, Veolia teste en conditions réelles le « barrel », une toute nouvelle technologie censée réduire les risques de dysfonctionnement des membranes ainsi que leur empreinte au sol.
Dans la station de dessalement de Sur, en Oman, Veolia teste en conditions réelles le « barrel », une toute nouvelle technologie censée réduire les risques de dysfonctionnement des membranes ainsi que leur empreinte au sol. (Crédits : DR)

"La région a des caractéristiques idéales pour Veolia." C'est ainsi que son PDG, Antoine Frérot, explique l'ambition au Moyen-Orient du groupe spécialisé dans les services à l'environnement: faire grimper son chiffre d'affaires régional de 790 millions d'euros en 2018 à plus de 1,2 milliard en 2023. Si elle reste marginale - environ 3 % du chiffre d'affaires mondial de Veolia, cette activité est stratégique.

"Alors que dans cette zone géographique les conditions naturelles sont loin d'être idéales pour le développement humain, pendant les vingt dernières années les populations locales n'ont cessé d'y croître et de s'urbaniser", poursuit le dirigeant.

Ces phénomènes entraînent d'importants besoins en approvisionnement en eau, en évacuation des déchets et en gestion de la consommation énergétique, auxquels les autorités locales sont prêtes à accorder d'importants moyens financiers. Besoins  que l'entreprise française espère bien contribuer à satisfaire. Sans compter le poids de l'industrie pétrolière et pétrochimique de la région qui, confrontée à des stratégies et législations nationales de plus en plus contraignantes sur le plan environnemental, "a aussi besoin du savoir-faire de Veolia", analyse Antoine Frérot.

Un suivi en temps réel

Premier ingrédient de cette croissance espérée, l'efficacité énergétique qui, pour Antoine Frérot, représente d'ailleurs "l'un des meilleurs outils pour lutter contre le dérèglement climatique", puisqu'elle permettrait de limiter la production nécessaire pour répondre à une demande croissante d'énergie. Au Moyen-Orient, c'est notamment la mission d'Enova, joint-venture créée en 2002 entre Veolia et un promoteur immobilier émirati, Majid Al Futtaim. Présente dans sept pays de la région, elle compte parmi ses clients des centres commerciaux, des usines, des aéroports et des hôpitaux.

Selon Enova, "10 à 15 % de leur consommation énergétique peut être réduite sans besoin d'investissement", grâce aux seules technologies numériques monitorées depuis un site unique à Dubaï. Celles-ci assurent un suivi quasiment en temps réel, voire permettent d'anticiper les besoins. En investissant dans des optimisations plus structurelles, amorties au bout de trois à quatre ans, les économies d'énergie peuvent même atteindre 35 %. Enova propose également des services complémentaires en matière de qualité de l'air intérieur, de gestion de l'eau et des déchets ou encore de production d'énergie solaire. En 2019, elle a contribué à hauteur de 160 millions d'euros au chiffre d'affaires régional de Veolia. Elle vise le double d'ici à 2023.

Toujours plus de projets de dessalement

L'eau constitue le deuxième ingrédient de la recette de Veolia au Moyen-Orient. Le dessalement de l'eau de mer est particulièrement porteur dans la région, alors que le risque de stress hydrique croît et que les coûts diminuent, en raison des progrès technologiques et d'un effet de taille. Deux tiers de la cinquantaine de projets de dessalement lancés dans le monde en 2019 l'ont ainsi été dans le golfe Persique, où la quasi-totalité de l'eau consommée est dessalée. Lorsque les appels d'offres étaient encore peu nombreux, Veolia y répondait plutôt "à l'aveugle", confie Christophe Maquet, directeur de la zone Afrique Moyen-Orient. Désormais, l'entreprise "choisit ses batailles".

Face à une concurrence de plus en plus effrénée, Veolia met en avant sa capacité d'innovation. Comme, par exemple, dans sa station de dessalement de Sur. Dans cette ville de 600.000 habitants, située à l'extrémité est d'Oman, le groupe français produit depuis 2017 - et jusqu'en 2036 - 130 000 mètres cubes d'eau dessalée par jour pour le compte de l'autorité nationale d'eau potable. Il y a déployé plusieurs solutions innovantes. Au lieu d'extraire l'eau uniquement au large, Veolia utilise également 31 puits côtiers. Cela permet, grâce à la filtration naturelle assurée par la roche, de simplifier le processus de traitement de l'eau en limitant la consommation énergétique et l'utilisation de réactifs chimiques, ce qui diminue l'usure et donc également les coûts.

L'entreprise y teste aussi, en conditions réelles, le « barrel », une toute nouvelle technologie censée réduire les risques de dysfonctionnement des membranes ainsi que leur empreinte au sol. Une zone limitrophe d'une dizaine d'hectares attend pour sa part l'installation d'une ferme solaire, afin de réduire de moitié la consommation énergétique de la station et donc son empreinte carbone. Par ailleurs, une salle de contrôle centrale permet, en plus de surveiller l'ensemble de l'usine, de piloter de plus petites stations de dessalement à proximité, telles que celle de Tiwi et Qalhât, dont Veolia vient d'obtenir le contrat d'exploitation et de maintenance. Un marché sur lequel le groupe fait ainsi ses premiers pas dans la région, mais qui l'intéresse de plus en plus en raison de sa taille et des synergies possibles, témoigne Xavier Vidal, son directeur en Oman.

Le marché porteur des eaux industrielles

Pour Veolia, le marché de l'eau au Moyen-Orient ne se limite pas aux municipalités. Le groupe se positionne également sur le marché des eaux industrielles. En Oman encore, c'est notamment le cas dans le désert de Khazzan, où chaque jour l'entreprise traite 6.000 mètres cubes d'eau pour BP. Après avoir été puisées à 200 mètres de profondeur et à 40 kilomètres de l'usine, deux tiers de ces eaux sont utilisés par la société britannique dans le processus industriel d'extraction de 28 millions de mètres cubes de gaz par jour. Le tiers restant est destiné aux besoins des quelque 3.000 personnes qui travaillent sur le site.

Dans ce marché, "le premier concurrent est le client lui-même", habitué à gérer de façon autonome l'en- semble de ses besoins, note Christophe Maquet. Veolia veut pourtant porter d'un tiers à deux tiers la part des services aux industriels -qui incluent aussi la gestion des déchets dangereux- dans ses activités au Moyen-Orient.  L'entreprise essaie donc de se rendre indispensable et de "forcer au maximum la synergie". Par exemple, en proposant à BP des solutions visant à utiliser dans ses processus industriels l'eau issue de la fracturation hydraulique (fracking).

Cette option lui per- mettrait d'atteindre son objectif d'une hausse de 50% de sa production de gaz, sans avoir à puiser davantage d'eau. Forte de sa bonne coopération avec la compagnie pétrolière, qui vient de signer le renouvellement du contrat d'exploitation de la station d'eau du Khazzan jusqu'en 2024, Veolia espère aussi profiter du nouveau contrat gazier obtenu par l'industriel avec l'italien Eni, 200 kilomètres plus loin.

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Commentaire 1
à écrit le 20/01/2020 à 8:45
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En nous augmentant nos tarifs en France non ? 11 m2 d'eau consommés en moins pour 19 euros à payer en plus faut qu'il m'explique là véolia hein... -_- Nous ne sommes que des vaches à lait pour nos multinationales.

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