Après le choc de l'abandon du projet Bridor, la Bretagne en quête d’un avenir industriel durable

L’abandon du projet d’usine Bridor à Liffré a provoqué un électrochoc et des réactions à la chaîne. Face à l’enjeu, voire au combat écologique, l’écosystème breton craint de voir le territoire rester à l’écart du mouvement de réindustrialisation. Certains comme le Medef évoquent des pistes à suivre.
(Crédits : BENOIT TESSIER)

La relance de l'industrie en Bretagne est-elle toujours d'actualité ? Au printemps 2021, le réseau Produit en Bretagne livrait des pistes pour 2030 au travers de l'étude « Reloc'h » du cabinet Goodwill Management. Il estimait un potentiel de développement économique local de l'ordre de 5,3 milliards d'euros et près de 132.000 emplois, dont 62.000 emplois au titre de la relocalisation industrielle, estimée à 2,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires acheté par an et 2,5 milliards d'euros de valeur ajoutée cumulée. Sept secteurs porteurs avaient été identifiés : l'aéronautique, la plasturgie et la filière des équipementiers agroalimentaires. À ceci près, que l'étude intégrait d'office Nantes et le département de la Loire-Atlantique, territoires de la Bretagne historique, mais pas de la Bretagne administrative actuelle.

La Coop des masques liquidée, Bridor défait : quelle réalité sur le terrain ?

Pour Goodwill Management, la relocalisation post-Covid-19 mérite d'autant plus d'être envisagée que les écarts de coûts de production se sont fortement réduits, passant de l'ordre de 80% entre la France et la Chine en 2.000 à 30% aujourd'hui. « Si l'on ajoute les coûts de transport, de stock et les droits de douane, l'écart restant se situe entre 0 et 10% », assurait le cabinet de performance économique.

Depuis, divers projets correspondant à des réalités juridiques et économiques distinctes ont pris l'eau. L'usine coopérative La Coop des masques, fondée à Guingamp dans la foulée de la pénurie de masques lors de la crise sanitaire a été placée en liquidation judiciaire en octobre 2022, faute d'avoir de commandes suffisantes pour des masques tissés français.

Et le mois dernier, au moment où la première gigafactory de batteries était inaugurée dans le Nord, l'abandon par le groupe Le Duff de son projet d'usine de pains surgelés pour l'exportation située à Liffré (Ille-et-Vilaine) a provoqué l'électrochoc et le doute dans l'écosystème breton.

Bloqué par les recours engagés en justice par des associations environnementales, le projet, porteur de 500 emplois directs, n'aurait vu le jour qu'en 2028. L'enseigne présidée par Louis Le Duff a finalement jeté l'éponge, préférant se focaliser sur ses investissements aux États-Unis, au Portugal et en Allemagne.

Des pays, où les habitants et militants écologiques sont moins regardants sur l'impact écologique ? Le projet de Liffré conduisait à l'artificialisation d'une parcelle de 12 hectares, à une consommation d'eau de près de 190.000 mètres cubes sur le site et à 75.000 mètres cubes de rejets par an.

Si la Région Bretagne martèle son « en même temps économique », cultivant un équilibre fondé sur l'axiome « plus d'emploi et moins de carbone », le retrait de ce projet d'ampleur met en lumière les limites que pose l'enjeu de la réindustrialisation des territoires à l'heure du changement climatique.

Le Medef défend la sortie de l'objectif ZAN et le produire local

« Cela renvoie un mauvais signal aux investisseurs et industriels, y compris étrangers », regrette ainsi Hervé Kermarrec. « La relocalisation est une priorité. Elle génère de l'emploi, de l'impôt, de la taxe tout en permettant de réduire l'empreinte carbone », insiste le patron du Medef Bretagne, et promoteur immobilier. Co-financeur de l'étude « Reloc'h », il indique travailler avec le Conseil régional à la déclinaison concrète des enseignements de l'étude. Sur des questions comme la relocalisation des achats.

Tout comme l'Association bretonne des entreprises de l'agroalimentaire (ABEA) et la CCI Bretagne craignent que « si les usines ne se font pas ici, elles se feront ailleurs », le Medef estime que l'activité économique ne peut reposer exclusivement sur les services et le commerce.

Jugeant que « produire en France, en Bretagne, c'est émettre moins de carbone », mais que l'industrie ne peut avoir un impact zéro, le syndicat patronal souhaite d'ailleurs la voir sortir de l'objectif « zéro artificialisation nette » en 2050. Celui-ci prévoit de réduire de moitié l'artificialisation des terres dès 2031.

« Les industriels français savent qu'ils doivent investir pour adapter leurs sites de production aux évolutions technologiques, aux normes et aux attentes des clients. La démarche ZAN est une crainte à court terme. Pour garder les industries sur notre territoire, notamment agroalimentaires, il faut bâtir un écosystème favorable : outils de formation attractifs pour les jeunes, synergie avec les centres de recherche, réserves de surface foncière », insiste Hervé Kermarrec. Il cite l'exemple de Vitré, dont la politique « très favorable à l'industrie » a fait tomber le taux de chômage à 3,7%.

Autre argument que le cas Bridor a mis en exergue : la nécessaire prise en compte dans le projet de loi Industrie verte, porté par le gouvernement, de la réduction des délais d'implantation industrielle, plus rapides dans d'autres pays d'Europe.

Automobile : la Fonderie de Bretagne à la croisée des chemins

L'étude « Reloc'h » précisait que, selon les secteurs, les possibilités de développement étaient diverses. L'aéronautique aurait par exemple la capacité de se déployer, à travers de nouvelles compagnies régionales comme Celeste, qui bénéficie d'un soutien global de 3,5 millions d'euros apporté par les collectivités territoriales, ou dans le segment de l'aviation électrique.

Les chances sont plus minces pour le secteur automobile. Devenue indépendante du groupe Renault, depuis son rachat fin 2022 par Callista, la Fonderie de Bretagne est pour sa part à la croisée des chemins.

Pour gagner en rentabilité d'ici à 2026, elle va devoir se tourner vers de nouveaux marchés, différents de ceux de l'automobile comme les marchés publics (rail, armement...) et d'autres comme l'hydraulique et le chauffage.

À Rennes, le pôle d'excellence industrielle de La Janais, constitué avec le soutien de Rennes Métropole et de la Région, à côté de l'usine PSA-Citroën, poursuit également son objectif de réindustrialisation et de spécialisation sur les secteurs de la transition écologique et des mobilités décarbonées.

Le site accueille des entreprises comme les constructeurs modulaires et de maisons container Mayers (ex-Réalité BuildTech) et B3Eco design ou encore Euro-Shelter, fabricant d'abris mobiles à usage militaire.

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Commentaire 1
à écrit le 05/07/2023 à 7:56
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C'était un mauvais projet Bridor, ils peuvent quand même mieux faire que cette saleté d'agro-industrie qui fait tant de mal à la nature et aux humains. Qu'ils réfléchissent au lieu d'encaisser pour changer.

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