Nord Stream : perplexité des chercheurs français du CEA face au « faible » volume de gaz échappé dans l'atmosphère

« On a échappé à la bombe climatique » estime une équipe de chercheurs français travaillant au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui, se fondant sur une série de relevés atmosphériques et environ 10.000 scénarios de modélisation, a nettement réduit les chiffres avancés dans les premiers jours qui ont suivi ce sabotage présumé sur les gazoducs en mer Baltique. Et pourtant, même si la quantité qu'ils ont mesurée reste considérable, les scientifiques se perdent en conjectures pour expliquer les « faibles » quantités relevées.
Des spécialistes travaillent à bord du Solitaire, le navire de pose de conduites en eaux profondes de Allseas, un leader mondial du secteur, pour préparer un tronçon de gazoduc destiné à réparer le Nord Stream 2 en mer Baltique (photo prise le 13 septembre 2019).
Des spécialistes travaillent à bord du "Solitaire", le navire de pose de conduites en eaux profondes de Allseas, un leader mondial du secteur, pour préparer un tronçon de gazoduc destiné à réparer le Nord Stream 2 en mer Baltique (photo prise le 13 septembre 2019). (Crédits : Reuters)

Alors que des chiffres absolument considérables étaient avancés pour mesurer les quantités de méthane échappées dans l'atmosphère à la suite des actes de sabotage présumés sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, une équipe de chercheurs français a sensiblement revu les chiffres à la baisse après une série d'observations atmosphériques.

Selon eux, le chiffre réaliste des quantités de méthane, puissant gaz à effet de serre, répandue dans l'atmosphère terrestre serait de 70.000 tonnes.

« Ce n'est pas une bombe climatique »

Même nettement réduit par rapport aux premières estimations, ce chiffre reste énorme précisent les chercheurs :

« Ce sont des chiffres importants, équivalents à 2% des émissions françaises ou aux émissions d'une ville comme Paris sur un an », a relevé Philippe Ciais, chercheur au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement

Mais la conclusion pragmatique est tout de même de nature à rassurer :

« Ce n'est pas une bonne nouvelle, mais ce n'est pas une bombe climatique. »

Les premières estimations évoquaient près de 300.000 tonnes

Ces estimations sont bien moins élevées que les premières produites par des experts ou ONG dans les jours suivant les explosions sur les gazoducs le 26 septembre, qui se fondaient sur des estimations des quantités de gaz contenues dans les tuyaux. Plusieurs les évaluaient autour de 300.000 tonnes. Le gaz naturel est du méthane.

Les chercheurs du CEA ont de leur côté effectué des simulations à partir des relevés de stations du réseau européen d'observation Icos, qui surveille les flux des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre.

10.000 scénarios de modélisation et des résultats... surprenants

Les relevés des stations qui ont suivi les émanations de méthane ont été modélisés selon quelque 10.000 scénarios.

Au gré des vents, les émanations sont d'abord remontées vers le sud de la Suède, puis ont tourné vers l'ouest passant au-dessus de la Norvège et du Royaume-Uni, avant d'être repérées, en bien plus faibles quantités, jusqu'à la pointe de la Bretagne.

Ces résultats ont quelque peu surpris les chercheurs qui s'attendaient à en trouver beaucoup plus, a reconnu Philippe Ciais lors d'une visioconférence. Il a alors évoqué plusieurs explications possibles :

« Est-ce qu'il y avait moins de gaz dans les tuyaux ? Est-ce qu'une partie du méthane s'est dissous dans l'eau, ce qui ne paraît pas trop possible ? Nous n'avons pas d'explication", a-t-il reconnu, tout en soulignant « qu'au fur et à mesure que le "pipe" se vide la pression diminue », ce qui a pu jouer sur les quantités de gaz expulsé.

Antoine Berchet, qui a mené les modélisations, a lui aussi avancé des hypothèses :

« Peut-être qu'après un lâcher très important au départ, les flux ont diminué jusqu'à descendre en dessous du niveau détectable par rapport au signal naturel" dans l'atmosphère. »

Les relevés montrent un pic très fort de rejets le 27 septembre, qui retombe à partir du 28, avant un nouveau pic moins élevé le 1er octobre.

Les chercheurs ont souligné que cette première étude devrait, quoiqu'il en soit, « être confirmée par d'autres modélisateurs ».

 (avec AFP)

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Commentaires 7
à écrit le 08/10/2022 à 9:54
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Nord stream 1 fonctionnait au ralenti comme souvent l'été. Le débit de gaz était donc faible. Et si l'explosif a été introduit directement dans le pipeline pendant les travaux de maintenance comme je le pense, alors il est possible qu'une partie du g...

à écrit le 08/10/2022 à 9:04
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On aimerait plus de données sur les différentiels de pression dans les gazoducs versus la pression à 100 mètres de profondeur (ou plus).. des quantités importantes de gaz sont peut-être piégées par l’eau, et/ou les russes ont peut-être pu en récupére...

le 13/10/2022 à 12:18
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En effet, voila 2 excellentes observations : -) la pression de l'eau au niveau de la brèche des tuyaux est supérieure à celle du gaz et donc en bloque la sortie ; -) le gaz étant refoulé vers son point d'entrée, il suffit d'ouvrir l'entrée dans ...

à écrit le 07/10/2022 à 22:27
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Arrêtons de se faire peur!

à écrit le 07/10/2022 à 21:39
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bien étrange résultat des chercheur qui s'ajoute aux autres questions, qui sont les saboteurs, quel est leur but? beaucoup de méthane lors du sabotage puis baisse des émissions de gaz comme si on avait fermé les vannes, le mystère continu!

à écrit le 06/10/2022 à 14:59
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S'il n'est pas mis en service fonctionnel, Nordstream 2 ne pourrait pas être plein d'air ou d'azote sous pression ? Pour tester son étanchéité sans risque. Y a un satellite qui surveiller le méthane, je crois, de nombreux sites sont priés de colmate...

le 07/10/2022 à 18:05
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Exact, en commençant par la vapeur d'eau.

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