La Norvège investit 1,6 milliard d'euros dans le captage et le stockage du CO2, une technologie encore peu exploitée

Baptisé "Longship", "c'est le plus grand projet climatique jamais réalisé dans l'industrie norvégienne", a déclaré la ministre du Pétrole et de l'Énergie. Au niveau mondial, on dénombre seulement une vingtaine de projets en opération quand, en France, la pratique, jugée coûteuse, reste encore largement confidentielle.
À Dunkerque, un pilote industriel de captage et de stockage de dioxyde de carbone (CO2) sera opérationnel à compter de 2021.
À Dunkerque, un pilote industriel de captage et de stockage de dioxyde de carbone (CO2) sera opérationnel à compter de 2021. (Crédits : Mike Blake)

Le gouvernement norvégien a indiqué ce lundi vouloir investir 16,8 milliards de couronnes (1,6 milliard d'euros) dans le captage et stockage de carbone (abrégé CSC en français ou CCS en anglais pour "Carbon capture and storage"), une technologie jugée prometteuse pour le climat mais extrêmement coûteuse.

L'annonce survient le jour même où le groupe Extinction Rebellion menait une action à Oslo pour protester contre la politique pétrolière de la Norvège, plus gros producteur d'hydrocarbures d'Europe de l'Ouest.

Baptisé "Longship" du nom des bateaux vikings, "c'est le plus grand projet climatique jamais réalisé dans l'industrie norvégienne", a déclaré la ministre du Pétrole et de l'Énergie, Tina Bru, en présentant un Livre Blanc sur le CCS.

Le gouvernement dit vouloir financer prioritairement la réalisation d'un projet de captage et stockage de CO2 sur une usine de ciment à Brevik, dans le sud du pays. L'industrie du ciment est jugée responsable de 7% des émissions mondiales de CO2.

Jusqu'à 400.000 tonnes de CO2 capturés

À partir de 2024, l'usine Norcem pourrait capturer environ 400.000 tonnes de CO2, soit près de la moitié des 900.000 tonnes qu'elle a émises l'an dernier.

Le gouvernement veut aussi contribuer à un projet de CCS pour une usine d'incinération des déchets exploitée par Fortum à Oslo, pour peu que d'autres sources de financement, par exemple de l'UE, soient trouvées.

"Pour que Longship puisse être un projet climatique réussi pour le futur, d'autres pays doivent aussi commencer à utiliser cette technologie", a expliqué la Première ministre Erna Solberg. "C'est pour cela que notre financement est conditionné à d'autres contributions financières".

Le gouvernement envisage enfin d'apporter un financement à Northern Lights. Porté par les géants pétroliers norvégien Equinor, anglo-néerlandais Shell et français Total, le projet vise à transporter du CO2 liquide vers un terminal d'où il sera injecté sous les fonds sous-marins via des pipelines.

Une vingtaine de projets dans le monde

Ces propositions doivent maintenant être examinées par le Parlement, où elles sont susceptibles d'être modifiées, le gouvernement n'y disposant pas d'une majorité.

La Norvège s'est engagée à réduire de 50 à 55% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

En 2013, elle a renoncé à un ambitieux projet de CCS sur la raffinerie de Mongstad, victime de surcoûts et retards considérables.

Selon un avis de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), publié en juillet dernier, il y a, en matière de captage et de stockage de carbone, une vingtaine de projets actuellement en opération à l'échelle de la planète. "[...] essentiellement, précise l'agence, sur des unités d'exploitations pétrolières et gazières mais également sur quelques centrales électriques à base de charbon ou de gaz ou sites industriels".

"Le volume stocké à ce jour [23 millions de tonnes de CO2 par an] reste anecdotique au niveau mondial", précise l'Ademe.

En France, une pratique confidentielle

En France, le pétrolier Total, l'ingénieriste Axens et l'Institut français du pétrole énergies nouvelles (Ifpen) ont annoncé, en mai 2019, le lancement d'un pilote industriel de captage et de stockage de dioxyde de carbone à Dunkerque. Ce projet, intitulé "3D", doit être opérationnel à compter de 2021. Il vise à capter 0,5 tonne de CO2 issu du gaz sidérurgique.

"C'est la deuxième grande initiative de cette nature après celle d'Air Liquide, qui a mis en place en 2015 une unité de capture de CO2 dans son usine d'hydrogène du Havre", explique Le Monde dans un article.

Toujours d'après l'Ademe, le potentiel de cette technique reste "limité" en France :

"Au niveau français, le CSC est applicable seulement à un nombre limité de sites industriels sur trois zones spécifiques du territoire en raison des contraintes techniques, géologiques, économiques, réglementaires et sociales."

Dunkerque fait justement partie des zones citées par l'agence comme propices au développement de cette pratique.

Lire aussi : La production française d'électricité recule, ses émissions de CO2 aussi

Une technologie coûteuse

L'Ademe préconise alors de privilégier des "actions plus matures et performantes" pour atteindre la neutralité carbone, telles que "l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables", plutôt que la mise en oeuvre du CSC, qu'il convient d'envisager "en tant que dernière étape" seulement.

Trois facteurs freinent, selon l'Ademe, le développement de cette pratique. Son coût d'abord, qui en fait une technologie "loin d'être compétitive". Son acceptation sociétale ensuite, "au regard des risques technologiques et sanitaires potentiels". Enfin, l'absence de "résultats concrets à moyen terme".

Lire aussi : CO2 : une startup divise par deux le coût du captage

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 22/09/2020 à 7:09
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Avec la capture et le stockage de carbone on ne fait que cacher la misère. Sans compter qu’on expose les populations locales et futures à de grands dangers. Capturons le CO2 pour synthétiser au prix d’un apport énergétique « propre » un carburant ...

à écrit le 21/09/2020 à 16:39
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Ben oui il y a tellement de lobbys en ce monde cupide que même de planter des arbres, simplement, doit gêner le lobby de l'immobilier. On attend mieux quand même de ces pays du nord de l'UE bien souvent plus progressistes d'habitude que le reste de l...

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