Weeecycling, cette pépite française qui fabrique des métaux stratégiques 100% recyclés

Alors que l'approvisionnement en métaux - standards ou stratégiques - est au cœur de nombreuses industries (électronique, automobile) et est ultra-stratégique pour assurer la transition écologique, cette pépite française s'est spécialisée dans la production de métaux 100% recyclés, au même prix et au même degré de pureté que ceux extraits du sous-sol. L’envolée des cours lui ouvre des perspectives en acier trempé.
WeeeCycling revendique des émissions de CO2 jusqu'à 2.000 fois plus faibles que celles des procédés miniers.
WeeeCycling revendique des émissions de CO2 jusqu'à 2.000 fois plus faibles que celles des procédés miniers. (Crédits : DR)

Son gisement ne se trouve pas à dix pieds sous terre - à l'instar d'une mine traditionnelle - mais exclusivement en surface, dans nos poubelles et celles des industriels. Son modèle est aussi rare que les métaux qu'il commercialise. WeeeCycling est, en effet, le seul affineur au monde (oui, au monde) à ne travailler qu'à partir des déchets. Une singularité voulue par son président et fondateur Serge Kimbel, polytechnicien de formation et pourfendeur de l'industrie extractiviste.

« Le bilan environnemental et éthique des mines est très discutable. Ce pourquoi j'ai toujours voulu produire un métal 100% hors mine au contraire des grands affineurs qui utilisent tous un mix entrant (un mélange de minerais bruts et de matières secondaires, NDLR) », explique-t-il.

En effet, les métaux recyclés et commercialisés par l'un des leaders mondial du recyclage, le belge Umicore, sont par exemple composés à 64% par des métaux de seconde main et 36% par du minerai brut. Vendre des métaux rares 100% recyclés apparaît donc comme une véritable prouesse pour la jeune pousse française.

De l'usine à la fonderie et vice versa

La botte secrète de WeeeCycling ? Un procédé de traitement chimique et thermique des déchets électriques et électroniques qui lui permet d'en extraire des métaux précieux et stratégiques à très haut niveau de pureté, moyennant des émissions de CO2  « jusqu'à 2.000 fois plus faibles que celles des procédés miniers ».

Palladium, platine, or, argent - pour les métaux standards ; rhodium, rhutenium, colbat ou lithium pour les métaux spécifiques... L'entreprise installée dans la banlieue de Fécamp (Seine-Maritime) est capable de récupérer les infimes parcelles métalliques contenues dans les disques durs, les anciens compteurs EDF et autres unités centrales qu'elle collecte par centaines jusqu'en Afrique. Mais pas seulement.

Sachant qu'il faut une tonne de smartphones pour espérer extraire cent grammes de cobalt ou de lithium, elle convoite aussi les rebuts de productions industrielles solides ou liquides dans lesquels le métal est présent en plus grande quantité, quoique dans des concentrations très faibles. Objectif : le réinjecter, ensuite, dans les process dont il est issu à la faveur d'une boucle vertueuse. Une technique que ses équipes se flattent de maîtriser de bout en bout.

« En restant focalisés sur le traitement de déchets, nous sommes en mesure de proposer une ingénierie cousue main aux entreprises là où nos concurrents se contentent de prêt à porter », vante Serge Kimbel.

Participer à la souveraineté nationale

Emmanuel Macron, qui a souligné lors du plan stratégique France 2030 l'importance du recyclage des métaux afin de limiter la dépendance des importations pour fabriquer les batteries des véhicules électriques, sera content de l'apprendre : l'activité de la PME normande (20 millions d'euros de chiffre d'affaires) connaît une forte croissance depuis plusieurs mois.

La hausse des cours aidant, son approche exigeante de l'économie circulaire a convaincu des industriels européens de la pharmacie, de la joaillerie, du traitement de surface, des équipements électriques... Autant d'acteurs économiques en quête de métaux précieux et désireux d'alléger leur bilan carbone. L'entreprise fournit ainsi à ses clients un bilan complet des opérations ainsi qu'un bilan environnemental (eqCO2).

Même si les quantités produites restent faibles en comparaison de celles des minerais extraits du sous-sol, ce regain d'intérêt pour les matériaux secondaires constitue une bonne nouvelle, en soi, pour la souveraineté du vieux continent. Un seul exemple : 80% du cobalt utilisé dans le monde est raffiné en Chine comme le rappelait récemment le patron de Renault.

Augmentation des capacités de production

Dans ce contexte, on comprendra que WeeeCycling augmente ses capacités de production. Elle vient de recevoir 800.000 euros au titre du plan de relance pour industrialiser à grande échelle son procédé de raffinage du cuivre récompensé au dernier salon Pollutec.

Parmi ses autres projets, figure une accélération du recyclage du ruthenium (qui entre notamment dans la composition des électrodes indispensables aux batteries) et de l'irridium : un métal à haute résistance dont ne savent plus se passer les avionneurs et les fabricants de panneaux photovoltaïques... mais dont le prix a augmenté de plus de 100% en un an.

Serge Kimbel, qui croit possible de produire 100.000 tonnes de métaux recyclés par an d'ici une décennie, n'entrevoit qu'un écueil sur son chemin : la lenteur des procédures administratives auxquelles son entreprise doit se soumettre.

« Le plan de relance aide les industriels à investir, c'est bien. Mais dans la pratique, nous rencontrons beaucoup de freins dans l'administration qui se montre très lente. L'impression est que les services de la DREAL (chargés d'instruire les dossiers ndlr) mettent plus que jamais ceintures et bretelles avant d'accorder de nouvelles autorisations d'exploiter », peste t-il.

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Retrouvez l'intégralité de notre dossier sur "la guerre des métaux stratégiques" :

1/ Un enjeu décisif, édito

Métaux : la bataille à ne pas perdre pour l'Occident

Les 10 métaux stratégiques pour la transition énergétique

Entretien avec le professeur Philippe Chalmin

2/ Le raffinage, l'arme redoutable de la Chine pour dominer le marché

3/ Les Etats-Unis en quête d'autonomie relance le secteur

4/ L'Europe voit son avenir industriel dans le recyclage et les mines

5/ La France, l'innovation pour combler le retard et limiter les ruptures

6/ Semi-conducteurs : le risque de pénurie des... métaux

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Commentaires 2
à écrit le 26/11/2021 à 10:57
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Les métaux raffinés, autant les récupérer, comme le papier, c'est polluant de le fabriquer à partit du bois, autant le valoriser aussi longtemps que possible. Y a un site en Suède qui extrait les métaux (de façon analogue, métallurgique) de téléphone...

à écrit le 26/11/2021 à 9:12
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Bravo et comme le dit le proverbe si on veut que le travail soit bien fait il faut le faire soi-même, et ne pas écouter les paroles insipides de tout ces gens dont le seul taf est de parler.

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