Autumn is coming !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. La fin de l'ère de l'énergie pas chère, les 11 millions de dollars par minute de subvention au carbone, l'inflation qui revient (ou pas), le Transition Forum de Nice, la souveraineté numérique, la fin du monde, du mois et de Facebook... et autres actualités de la semaine écoulée analysées par les journalistes de la Tribune avec un regard éditorial et décalé.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

Qui a dit le premier que « le monde d'après, ce sera comme le monde d'avant, mais en pire ». Copyright Jean-Yves Le Drian, notre ministre des affaires étrangères ; ou Michel Houellebecq ? Quel qu'il soit, la formule résonne bien avec ce début d'automne de l'an II du Covid : entre les tensions géopolitiques (Le Drian est aussi l'auteur du désormais fameux « Biden, c'est Trump sans les tweets ») émergentes, transatlantiques comme transpacifiques, et les tensions économiques, il y a de quoi s'affoler.

Autumn is coming et après l'automne, vient l'hiver. Dans le monde d'après, revoici donc l'inflation, dont les banques centrales ont de plus en plus de mal à faire croire qu'elle sera temporaire.

Et surtout, le monde d'après sera reconfiguré par la montée des nouvelles angoisses planétaires. Selon les écologistes, nous allons vers la catastrophe : pourtant, rien n'est moins sûr, assure Robert Jules. Il chronique le livre passionnant de Ferghane Azihari, « Les Écologistes contre la modernité. Le procès de Prométhée » qui démonte quelques a priori des Ayatollah verts et de l'écologie punitive... « Prométhée nous a donné le feu sacré de l'Olympe. A nous d'en faire bon usage en ignorant ceux qui ne rêvent que d'humilier les hommes ».

La fin de l'énergie bon marché

Au carrefour de la fin du monde, il y aura toujours la fin de mois, autre célèbre formule dont l'origine remonte aux gilets jaunes français. Nous sommes en train de vivre la fin de l'ère de l'énergie bon marché et c'est un défi de plus à relever pour Emmanuel Macron : comment convaincre qu'il est devenu le président du pouvoir d'achat alors que les factures de gaz, d'électricité, de fuel et à la pompe explosent. Fanny Guinochet a décrypté le rapport économique, social et financier, et montre comment cette annexe au budget 2022 est instrumentalisée au service de la « com' » gouvernementale.

Les mesures du gouvernement comme le bouclier tarifaire ou le chèque énergie suffiront-elles à rassurer sur la fin du mois. Pourtant, comme le relève Marine Godelier, ce bouclier n'apporte qu'une réponse partielle et limitée dans le temps aux ménages les plus modestes. A partir d'avril 2022, après l'élection présidentielle donc, cela risque de chauffer, sauf si Poutine nous baisse le prix du gaz...

En réalité, le phénomène nouveau, accéléré par la transition vers les énergies renouvelables, est l'imprévisibilité du prix de l'électricité. Bruno Le Maire a dénoncé à Bruxelles l'aberration d'un calcul au prix marginal fondé sur des énergies carbonées, alors que la France se fournit principalement, en tout cas pour le moment, en nucléaire. Mais il n'y a pas de solution simpliste : relever le plafond de l'ARENH, l'accès régulé à l'électricité nucléaire suppose une réforme structurelle de l'opérateur historique : sauver le pouvoir d'achat ou EDF, le dilemme devient explosif.

Il y a néanmoins une tendance post-covid qui flambe autant que le prix de l'énergie, c'est le désir de changer de vie, souligne Juliette Laffont. Selon une étude menée par l'ObSoCo avec le cabinet d'études Chronos, un Français sur quatre se dit prêt à changer de job pour bénéficier d'une meilleure qualité de vie, ailleurs. Ces aspirations sont particulièrement fortes chez les urbains prêts à s'éloigner des grandes métropoles.

Les grandes mutations du monde, on en a parlé longuement à Nice lors du Transition Forum, avec des experts, des chefs d'entreprise, et des maires. Revivez ici le replay en vidéo de ces deux journées exceptionnelles, ce Davos de la transition écologique, selon la formule du maire de Nice, Christian Estrosi.

Parmi les invités-vedettes, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance a expliqué les nombreux défis de la transition pour la politique économique, la politique industrielle et fiscale. « Ecolo de la deuxième heure », Bruno Le Maire le dit sans fard : pour que la transition soit socialement juste, il faudra affecter aux plus modestes les taxes sur les énergies fossiles pour atténuer le choc. Faute de quoi la transition pourrait engendrer des révolutions sociales et politiques. Carrément ! Retrouvez ici la vidéo de l'entretien avec Bruno-plus-écolo-que-Hulot-ou-presque !

11 millions de dollars par minute

Pour sauver le climat et la planète de la fin du monde, ce n'est pas gagné néanmoins : le FMI tape du poing sur la table et révèle que 6000 milliards de dollars de subventions sont versées dans le monde pour produire du charbon, du gaz et du pétrole, soit 11 millions de dollars par minute, calcule Marine Godelier.

Emmanuel Macron avait dénoncé, de façon juste un peu caricaturale, les « Amish » opposés au progrès et à la 5G. Pourtant, la prise de conscience écologique se fait aussi chez les opérateurs télécoms qui, au risque du greenwashing près, rivalisent pour vanter une « 5G verte », s'amuse Pierre Manière. A en croire Ericson, elle permettrait de réduire « jusqu'à 15% l'empreinte carbone de l'humanité », en améliorant les processus industriels de tous les secteurs de l'économie, qui se numérisent à toute vitesse.

Présent à Boston pour l'assemblée générale de l'Association internationale du transport aérien (IATA), Léo Barnier a lui aussi assisté à une montée en puissance du discours écolo du secteur qui s'est engagé, rien de moins, à atteindre le « zéro émission nette » d'ici à 2050. Un pari fou alors que l'objectif jusqu'ici était déjà extrêmement ambitieux puisqu'il visait à diminuer les émissions du secteur de 50% d'ici à 2050 par rapport à 2005. Ceci alors que le trafic aérien est appelé à croître fortement d'ici là.

Pour parvenir à ce résultat, dans un contexte de crise Covid qui continue d'impacter négativement le secteur du transport aérien, qui accumulera 200 milliards de dollars de pertes sur 2020-2023, toutes les options technologiques sont sur la table, mais les membres de IATA sont réalistes et comptent essentiellement sur la massification de l'utilisation des biocarburants, et restent plus prudents concernant l'hydrogène et les nouveaux modes de propulsion. Le coût de la transition écologique de l'aérien est évalué à 2000 milliards de dollars d'ici 2050. L'occasion de saluer aussi le vol Nice-Paris réalisé avec 30% de carburant durable en clôture du Transition Forum grâce à une collaboration entre Air France et TotalEnergies.

La grande panne de Facebook

Dans la tech, la semaine a été marquée la grande panne de Facebook et de ses services essentiels, comme Whatsapp ou... Instagram. Pour des millions d'utilisateurs, cet avertissement qui n'a duré que 6 heures a révélé l'importance de notre dépendance au numérique, et la nécessité d'avoir des alternatives.

Mais au-delà de cette péripétie, Sylvain Rolland s'interroge sur les conséquences de l'affaire Frances Haugen, la lanceuse d'alerte qui a divulgué des milliers de documents internes au réseau social et qui l'accuse de faire sciemment primer son profit au mépris de ses engagements de protection des données personnelles et de l'éthique. Ces « Facebook Files » menacent le cœur du business model de l'entreprise créée par Mark Zuckerberg qui a perdu 6 milliards de dollars de sa fortune personnelle en bourse. Face à ce scandale, Facebook va devoir changer.

Autre affaire touchant à la sécurité des données, celle du réseau de streaming Twitch avec une fuite de données massive inquiétante pour les 3 millions d'utilisateurs concernés. D'autant que d'après notre journaliste spécialiste cyber, François Manens, après ce premier TwitchGate, on peut craindre une deuxième vague.

Les enjeux de la sécurité des données personnelles vont prendre de plus en plus d'importance dans l'avenir, et c'est aussi un problème de souveraineté économique. Thales et Google Cloud ont annoncé un partenariat stratégique pour développer conjointement un "Cloud de Confiance" en France. Ses utilisateurs devraient, en principe, être à l'abri du "Cloud Act" américain, explique Michel Cabirol.

Cette alliance entre une grande entreprise de la tech, Thalès, et le géant de la Silicon Valley intervient alors que les petits poucets du Cloud en France, comme OVHCloud, se plaignent de voir l'Etat laisser entrer ainsi le loup américain dans la bergerie, expliquait récemment Sylvain Rolland.

Selon lui, la grogne monte contre la nouvelle doctrine "cloud" de l'Etat qui place les leaders actuels du marché, notamment les américains Microsoft et Google, au cœur d'une stratégie présentée comme "souveraine". Mais de nombreux experts et acteurs français du cloud craignent un impact économique négatif sur la filière française.

Toujours sur ces enjeux de souveraineté, notre correspondant en Californie, Guillaume Renouard fait le bilan un an après l'annonce du rachat de la société britannique Arm, spécialiste des microprocesseurs, par le groupe américain Nvidia, champion des cartes graphiques. L'issue de cette opération à 40 milliards de dollars est incertaine. Deux enquêtes distinctes ont été ouvertes par la Commission européenne et les autorités britanniques, qui craignent l'apparition d'un monopole et une perte de souveraineté numérique au profit des États-Unis.

Emmanuel Macron, échaudé par l'affaire des sous-marins australien, pourrait s'emparer des enjeux de souveraineté numérique du Cloud en présentant mardi sa stratégie France 2030. Mais pour jouer dans la cour des grands, il faudra imaginer au moins un cloud européen. On en est loin.

Philippe Mabille

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Commentaires 3
à écrit le 10/10/2021 à 7:04
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Pour les "11 millions par minute" évoqués par le FMI il est assez clair qu'il s'agit d'une "subvention virtuelle" calculée sur la base de taxes carbones non appliquées à des fossiles déjà fortement taxés dans la quasi totalité des pays. Il ne s'agit ...

à écrit le 09/10/2021 à 12:19
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Que des bonnes nouvelles. La routine en somme, car depuis quand tout roule nickel ! Depuis...jamais.

à écrit le 09/10/2021 à 9:41
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Internet informe les gens qui s'éveillent en plein cauchemar en hurlant, de ce fait la classe dirigeante est obligée d'être plus sévère, plus injuste et brutale pour mater une population de "foule sentimentale". C'est l'empire des faibles oligarchie ...

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