Pour le gouvernement, l'image est terrible. Ce mardi soir, à l'Assemblée Nationale, le ministre de la Santé, Olivier Véran, n'a pas pu contenir ses nerfs, montrant en direct tout son mépris pour les députés d'opposition : « Vous êtes en train de débattre de sujets alors que nos soignants se battent pour sauver des vies. » L'Assemblée Nationale venait de voter la fin de l'état d'urgence pour le 14 décembre, car la majorité s'est retrouvée minoritaire au moment du vote. Le ministre se lance alors dans une diatribe où il évoque de jeunes patients actuellement en réanimation, et finit par lancer une phrase fatale (pour lui) : « C'est ça la réalité, si vous ne voulez pas l'entendre, sortez d'ici ! » Une étrange expression employée dans ce temple républicain, mais que n'aurait pas renié un Donald Trump. Plus tard dans la soirée, l'état d'urgence sanitaire a été élargi jusqu'à la mi février, comme le souhaitait un gouvernement de plus en plus sous pression... désormais coincé entre l'explosion de l'épidémie de covid 19, et l'exaspération de plus en plus importante des Français face aux restrictions des libertés.
Début novembre, plus de 80 maires ont ainsi pris des arrêtés allant à l'encontre des demandes de l'Etat, en autorisant l'ouverture des commerces non alimentaires, dénonçant de cette manière une inégalité de traitement. Un peu partout en France, plusieurs manifestations ont été organisées pour dénoncer la concurrence déloyale de la grande distribution et d'Amazon. De son coté, Anne Hidalgo, la maire de Paris, réclame que les librairies, qu'elle qualifie de « commerces essentiels », puissent de nouveau ouvrir. Et ce n'est pas la seule à exprimer sa colère : cinquante maires de grandes villes et d'agglomération ont signé une lettre adressée à Jean Castex pour défendre les commerces de proximité. De leur coté, quatre organisations syndicales des transports réclament la réouverture des relais routiers. Pour ne rien arranger, à Langres, en Haute Marne, un gilet jaune a lancé un appel pour organiser le blocus de la ville afin de protester contre le confinement.
« Globalement, les consignes de confinement sont respectées », estime le Centre Interministériel de Crise (CIC) dans une note confidentielle, tout en reconnaissant une « augmentation des troubles à l'ordre public et des exactions visant les forces de l'ordre ou leurs casernes (jets de mortiers et de pierres). » Face à ce mécontentement naissant, le gouvernement a fini par créer... un numéro spécial d'information sur les mesures d'urgence pour les entreprises en difficulté (0806600). Une initiative qui va incontestablement permettre de relâcher la pression...
Le retour de Jérôme Salomon, indice de gravité
À l'inverse, sur le front sanitaire, les médecins multiplient les alertes. C'est comme si le gouvernement de Jean Castex se retrouvait entre le marteau et l'enclume, entre les petits commerçants et les petits entrepreneurs qui sont en train de mourir économiquement et les patients qui commencent à encombrer les services de réanimation. « Le pire est devant nous », a annoncé Rémi Salomon, président de la Commission Médicale d'Etablissement de l'APHP. Le médecin craint que les hôpitaux parisiens ne puissent faire face à cette deuxième vague épidémique. Une situation qui amènera les médecins à « trier » les malades, prévient il.
De son côté, le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, est réapparu à la télévision pour une conférence de presse. Jeudi soir, il a annoncé qu'en 24 heures c'est 58 046 cas de coronavirus qui ont été diagnostiqués. « La situation est grave. La France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de cas ». Quand on regarde les taux de mortalité à l'international, la situation française est effectivement catastrophique. Le taux de mortalité pour 1 million d'habitants y est de 563, quand aux États-Unis, il se monte à 696 et le Royaume-Uni à 685. Pendant ce temps-là en Asie, la situation semble totalement sous contrôle : à peine un taux de 9 morts pour 1 million d'habitants en Corée du Sud, 3 en Chine, et seulement 0,36 au Vietnam.
Les couacs indice d'une navigation à vue
Dans ce contexte, le gouvernement français, à l'image d'Olivier Véran, semble perdre totalement le contrôle de la situation. Le porte-parole Gabriel Attal annonce ainsi l'instauration d'un couvre-feu à Paris en plus du confinement quarante huit heures avant la décision effective. Et dans un courrier aux proviseurs, le ministre de l'Éducation Nationale Jean-Michel Blanquer annonce ce soir jeudi soir, l'annulation des trois sessions d'évaluations communes du bac, la possibilité de faire dans tous les lycées des demi-groupes, et d'avoir recours au télé travail pour la moitié du temps. Pourquoi ne pas avoir instauré de telles règles dès la rentrée scolaire ? On ne le saura peut être jamais... Mais comme habituellement depuis mars et le début de l'épidémie, le gouvernement navigue à vue. En coulisses, ils sont nombreux au sein du pouvoir que le confinement ne pourrait prendre fin à la date du 1er décembre. Alors, en attendant, les sondages d'opinion se multiplient pour tâter le pouls des Français. On apprenait ainsi cette semaine que l'Etat a dépensé en octobre pour 26,15 millions d'euros de sondages !
Mesures liberticides pour la presse
Autre signe de la fébrilité du pouvoir : dans le cadre de la proposition de loi dénommée « sécurité globale », le gouvernement y a glissé de nombreux dispositions liberticides. C'est le sentiment de la défenseure des droits Claire Hédon. Dans un communiqué, cette dernière se dit « particulièrement préoccupée par les restrictions envisagées concernant la diffusion d'images des agents des forces de sécurité dans l'exercice de leur fonction », et demande « à ce que ne soient, à l'occasion de ce texte, entravés ni la liberté de la presse, ni le droit à l'information ». Elle ajoute par ailleurs que « le recours aux drones comme outil de surveillance ne présente pas les garanties suffisantes pour préserver la vie privée. En effet, les drones permettent une surveillance très étendue et particulièrement intrusive, contribuant à la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel. » En guise de stratégie sanitaire, le gouvernement aurait-il la volonté d'instaurer un Etat policier ? Dans ce contexte, l'économie n'est pas prête à retrouver des couleurs.
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