« Que demandons-nous? De connaître notre avenir, de connaître notre futur, d'affirmer haut et fort que nous avons toute notre place dans le groupe Renault, que le groupe, avec la stratégie qui est menée, se tire une balle dans le pied et nous tire une balle dans la tête...Nous continuons le blocage, nous sommes dans le dur, nous allons aller jusqu'au bout maintenant ».
Mardi soir, au moment de la prise de poste de l'équipe de nuit sur le site en grève de la Fonderie de Bretagne, filiale du groupe Renault, Maël Le Goff, délégué syndical CGT, ne mâchait pas ses mots pour expliquer pourquoi, après un an de « suivi des recommandations et de discussions » qui n'ont pas abouti, les salariés de ce site spécialisé dans la fabrication des bras de suspension automobile, des collecteurs et coudes d'échappement ou encore des différentiels de boîte de vitesses, devaient continuer de bloquer la production et l'expédition des pièces.
Maël Le Goff a toutefois encouragé ses collègues à laisser partir les sept membres de la direction mardi dans la soirée, retenus dans les bureaux depuis le début de la matinée mais « pas séquestrés ». Pour autant, la tension est palpable. Elle n'a fait que monter depuis l'annonce de Renault, le 11 mars dernier, de sa décision de vendre le site. Inquiets pour leur avenir, les salariés ont l'impression de se faire balader.
La préservation des 350 emplois et d'un savoir-faire est au cœur du « combat » qui s'organise, malgré l'appel au calme du groupe. Renault a aussi précisé dans la soirée de mardi que « la recherche d'un repreneur suit actuellement son cours afin de maintenir les activités du site et d'assurer la pérennité des emplois ».
Pour les élus, « Renault doit aller au bout de ses engagements »
Lundi 26 avril, c'est la rencontre consacrée au secteur automobile et aux fonderies et réunissant en visioconférence les dirigeants de Peugeot et Renault, quatre ministres et des syndicats, dont la CGT du site de Caudan, qui a mis le feu aux poudres.
L'annonce de la création d'un fonds de 50 millions d'euros pour accompagner la reconversion des salariés a douché les espoirs. Les salariés attendaient 50 millions pour la relocalisation, pas pour les licenciements. Les syndicats affirment aujourd'hui attendre « une discussion franche et ferme avec la direction de Renault et la préfecture ».
En Bretagne, c'est un dossier chaud qui, depuis plus d'un an, a pris un tour politique. Dans la perspective des élections régionales en juin, il devient brûlant. Le maintien de ce site industriel et de son savoir-faire est une nécessité selon les élus locaux et régionaux, qui ont rencontré ce mercredi une délégation des salariés. Ceux-ci les ont saisis d'une demande de médiation entre eux et Renault.
Loïg Chesnais-Girard, le président du Conseil régional, a pour sa part salué les efforts des salariés pour accroître la productivité et réaffirmé la position de la Région. « Renault doit aller au bout de ses engagements, sur le retour des pièces, sur les investissements et c'est indispensable de le faire très vite » a martelé le candidat aux élections régionales.
Il a aussi rappelé que « la France ne peut pas vouloir assurer sa souveraineté industrielle et voir partir des pièces en Europe et même hors de l'Europe. Il y a des investissements hors de l'Europe qui nous interpellent. Les citoyens, les ouvriers, ne peuvent pas comprendre cela, les élus ne peuvent pas défendre cela ».
Les élus avaient déjà précédemment suggéré que la capacité de production de la fonderie restait importante, mais que son volume de production était volontiers délesté dans des sites situés hors du territoire national (Turquie, Pologne ou Espagne). Tout en pointant le fait que cela « maintenait de manière artificielle l'idée que le site de Caudan serait structurellement déficitaire ».
Le 13 avril dernier, Loïg Chesnais-Girard, aux côtés notamment de Fabrice Loher, maire de Lorient et président de Lorient Agglomération et de Fabrice Vély, maire de Caudan avaient de nouveau défendu auprès d'Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie, le « caractère stratégique » de la fonderie. Ils avaient insisté sur « la nécessité d'investir à la fois pour conforter l'activité de production de pièces en fonte et pour s'inscrire dans le processus de conversion de l'automobile vers l'électrique. »
Aides à la modernisation de l'outil et diversification
Installée près de Lorient depuis 1965, la Fonderie de Bretagne vit en sursis depuis l'annonce l'an dernier par Jean-Dominique Senard, président du groupe, du plan d'économies de plus de deux milliards d'euros sur trois ans qui prévoit 4.600 suppressions de postes en France. Selon Renault, le développement de la voiture électrique nécessite moins de fonte d'acier.
Depuis sa reprise en 2009 par Renault, le site industriel, a été, par deux fois, soutenu financièrement par la Région Bretagne, le département du Morbihan et Lorient Agglomération, aux côtés de l'État à hauteur de 8,2 M€. Ces apports ont notamment permis de moderniser l'outil industriel, assurer sa pérennité et participer au maintien de l'emploi sur le territoire.
Au printemps 2020, les salariés avaient obtenu de Renault que l'usine poursuivrait son activité au sein du groupe.
La revue stratégique, menée en coopération avec la Préfecture, les collectivités et la Région, avait toutefois conclu que l'usine, pour redevenir rentable, devait diversifier ses activités, au-delà du marché automobile et poursuivre la réduction de ses coûts de production. Un groupe de travail multipartite a été chargé d'étudier les diversifications possibles vers de nouveaux clients et de nouveaux débouchés. Les pistes de travail se sont ainsi orientées vers un marché automobile plus large, incluant la machine agricole, le gros camion, le bus. Pour les élus, les compétences de l'usine pourraient aussi servir dans d'autres secteurs comme le naval, les EMR (énergies marines renouvelables), la fibre.
Ce temps d'évaluation et de répit est dépassé : la vente (fermeture?) de cette usine neuve, qui livre 95 % de ses pièces à Renault, est actée. Les tensions à la Fonderie de Bretagne traduisent les difficultés des fonderies liées à la construction automobile, dont la filière se trouve dans la tourmente.
Sujets les + commentés