Pays de la Loire : sans visibilité, le tourisme d’affaires goûte au digital

Au lendemain d’une demi-saison estivale disparate sauvée in extremis dans les Pays de la Loire, l’incertitude pèse maintenant sur l’arrière-saison, le tourisme d’affaires et la programmation des parcs exposition et centres de congrès où comme à la Baule, par exemple, des solutions hybrides voient le jour.
Le palais des Congrès Atlantia à La Baule a dématérialisé ses services
Le palais des Congrès Atlantia à La Baule a dématérialisé ses services (Crédits : Reuters)

Parois en plexiglas, hygiaphones, couloirs et sens de circulation, signalétique, information et formation du personnel, mise en place de QR code pour les programmes et, bien sûr, masques, rappel des distances, distributeurs de gel hydroalcoolique... « Aujourd'hui, notre travail, c'est de mettre en place les dispositifs sanitaires !», résume Corinne Denuet, directrice du Palais des congrès Atlantia, à la Baule et présidente de l'association Ouest Congrès qui réunit les centres et palais des congrès d'Angers, La Baule, La Rochelle, Le Mans, Lorient, Nantes, Poitiers, Rennes et St Malo.

« Nous sommes dans un écosystème où il ne se passe plus rien depuis le 17 mars. Par effet de prudence, beaucoup de commanditaires ont reporté leurs évènements à 2021 ou 2022. La reprise a lieu fil de l'eau. Mais ce temps d'inactivité a été mis à profit pour protéger les visiteurs et garantir leur accueil sur l'espace public », note la directrice du palais des congrès d'Atlantia, fraichement labellisé par la société Socotec, spécialisée dans l'accompagnement de certification.

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« Chacun dans sa ville, selon ses spécificités, a dû repositionner une offre, plus ou moins avancée sur le sujet. Au-delà des dispositions sanitaires, nous avons pour la plupart bâti des offres hybrides de manière à offrir des contenus numérique et des plénières en visio. Nous avons à la fois intégré le digital dans la gestion interne de nos équipements et dans les outils offerts à nos organisateurs », explique Corinne Denuet, qui s'est appuyé sur le savoir-faire de la jeune start-up vannetaise Imagina, spécialisée dans la connexion de lieux et d'évènements.

Une planification... devenue au jour le jour

Fin août, Atlantia a testé la formule grandeur nature avec l'organisation du congrès des Ecoles d'Avocats du Grand Ouest qui accueillait 250 participants, dans un amphithéâtre de 900 places. « Ici, le maximum de choses a été dématérialisé ; l'émargement des congressistes avec un QR code, les notifications du programme diffusées sur smartphone, le niveau de satisfaction, la qualité du contenu, l'actualité des plénières... L'information était diffusée avec un niveau de réactivité très fort, c'est l'avantage du digital. Après avoir vu que la méthode, même la plus contrainte, fonctionnait, les organisateurs ont décidé de revenir l'an prochain », se félicite-t-elle.

"C'est une crise énorme qui a permis de mettre sur le marché de nouvelles solutions numériques. Il faut être dans l'innovation et travailler avec l'économie locale et des partenaires pour maintenir la qualité de l'offre».

Reste que la mise en marche du secteur va prendre du temps. « Nous avons quatre évènements de programmés au cours des quinze prochains jours. C'est moitié moins que d'habitude. Au cours des trois derniers jours, j'ai eu trois annulations », remarque Corinne Denuet, dont la programmation (70 % de rendez-vous d'affaires, 30% de spectacles et évènements culturels) est à 80% reportée et 20% annulée, dont cinq évènements majeurs avant l'été.

« C'est une vraie perte sèche. Surtout, au-delà des reports, le carnet de commande a baissé de de 40%. Il faudra du temps pour que cela reparte. Au-delà de l'annonce de Madame Bachelot qui dispense de toute distanciation les salles de spectacles, est-ce que les organisateurs prendront le risque d'ouvrir leur salle sans être sûr que tous les publics viendront, et qu'ils auront la garantie que les billetteries fonctionneront. Dans notre métier, il y a des modèles économiques qui impliquent des modes de commercialisation sur plusieurs mois. Hier, on planifiait sur deux à trois ans, aujourd'hui, c'est au jour le jour», dit-elle. Si bien que les petits spots, comme les rendez-vous littéraires qui accueillent, un orateur et quelques 250 auditeurs deviennent des évènements à choyer.

Pour redonner confiance

A Angers, ville singulièrement tournée vers le tourisme d'affaires, seuls trois grands rendez-vous sont physiquement maintenus pour la rentrée : le congrès de l'Union Nationale des Economistes de la Construction (UNTEC) le 9 et 10 septembre, « C'est le rendez-vous emblématique des économistes de la construction depuis un demi-siècle. Nous n'avons jamais songé à l'annuler, d'autant que nous travaillons depuis mars 2019 pour accueillir les 1.500 professionnels attendus», affirme Pascal Asselin, Président du Congrès national UNTEC.

Suivra le salon de l'habitat, de l'immobilier et de la décoration, du 27 au 30 septembre (5.000 visiteurs attendus), et le Salon des Industries Extractives (NDLR : de minerais), avec ses 340 exposant et 5.000 visiteurs. «C'est encourageant... », confie Thierry Gintrand, directeur général de Destination Angers, structure de promotion touristique de l'agglomération angevine.

« L'enjeu, ce n'est pas d'organiser l'évènement pour l'évènement, mais de contribuer au redressement économique du territoire, de monter que des protocoles sanitaires sont mis en place et de redonner confiance. De remettre en place deux ou trois congrès permet de se projeter. » ajoute Thierry Gintrand.

Et pour cause. Sur près de 250 manifestations organisées chaque année à Angers par le Parc des expositions et le centre des congrès, depuis le confinement, 103 évènements ont été impactés dont 35 annulés. Si Thierry Gintrand tient à afficher un optimisme de rigueur, il concède ne pas avoir eu de nouvelles demandes. « Les organisateurs sont un peu frileux. Et sur le volet spectacle, c'est l'inconnu », redoute-t-il.

 1001 Nuits pour le tourisme d'affaires

Rare perspective encourageante, le Salon du Végétal, rendez-vous de tous les acteurs de la filière, de la production à l'assiette, qui se tient traditionnellement à l'automne -reporté en février 2021- proposera le 14 et 15 septembre une édition entièrement digitale. Un pari pour la profession horticole qui compte sur cette formule pour passer des messages et présenter des solutions alternatives éco-responsables. « On sauve les meubles et on montre que l'on existe », reconnait Thierry Browaeys, Président du Bureau Horticole Régional et Président du Salon du Végétal. « Tout ne peut pas être organisé en ligne », reconnait Thierry Gintrand, qui a décidé de prolonger l'opération de promotion touristique « 1001 nuits » lancée pendant l'été vers le tourisme d'affaires.

Menée en partenariat avec les hôteliers restaurateurs, celle-ci consistait à offrir une nuit d'hôtel pour une achetée. De manière à ce que les congressistes s'arrêtent plus longtemps pour s'imprégner de la douceur angevine. « Cet été, ça a plutôt bien fonctionné », atteste François Taillandier, hôtelier à Angers président de l'UMIH Pays de la Loire, plutôt inquiet sur les perspectives du tourisme d'affaires. « A Nantes, l'activité a été divisée par trois. En juin, les hôteliers ont fait le quart de ce qu'ils font habituellement. En général, à cette période, cette clientèle permet de faire 80% de beaux prix. En juin, elle représentait 30% de petits prix. Avec les consignes de ne pas se déplacer, on redoute les conséquences sur le dernier trimestre», dit-il au lendemain d'une saison estivale qui s'est plutôt bien passée.

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Une saison estivale touristiquement plutôt réussie

 «Si le pari était de sauver une demi-saison, on peut dire, qu'avec les nombreuses opérations de promotion, il est globalement réussi. Avec toutefois de grandes disparités entre la côte et l'intérieur de la région. La météo a provoqué un afflux massif sur le littoral aux bénéfices de ceux qui disposaient d'une terrasse vue sur mer ou sur une rivière, des restaurants gastronomiques où les français se sont lâchés. Les perdants, en revanche sont les établissements habitués à recevoir des groupes, les discothèques... », constate le président de l'UMIH Pays de la Loire.

« La clientèle étrangère, notamment britannique, ayant été en partie absente, on peut se féliciter que les français aient osé bouger et découvert ou redécouvert la capacité d'accueil et l'attractivité de la région, ce qui devrait nous aider à passer le cap pour la prochaine saison, mais le tourisme estival, c'est 30% de l'activité annuelle, quand le tourisme d'affaires pèse pour 70%. Or dans ce secteur, c'est le flou absolu », reconnait François Taillandier, pour qui les pertes, selon la typologie établissement, ont pu atteindre 70%.

« Ca va reprendre, mais il faudra du temps. Pour l'instant, les entreprises font des économies en organisant des évènements en visio, mais ça ne va qu'un temps », espère-t-il, attendant un plan de relance et un message de confiance des pouvoirs publics... La clé ?

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Commentaire 1
à écrit le 06/09/2020 à 12:50
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